Mais pourquoi donc ai-je fait cela ?  

Cette fois-ci pourtant, j'étais au courant de ce qui allait suivre, ce n'est pas comme la première fois où je ne savais pas réellement dans quoi est-ce que je m'engageais. Alors pourquoi ai-je dit "oui" quand ma femme m'a demandé si je voulais un autre enfant ?  

Etait-ce dans l'espoir d'avoir un garçon, cette fois, un garçon avec qui je partagerais plus tard mes soirées football, devant la télévision, un garçon qui serait venu rééquilibrer les choses là où j'étais en minorité depuis la naissance de ma grande fille ? Sans doute non... Sûrement non, même, car durant toute la grossesse de mon épouse, c'est une autre petite fille que je rêvais de porter à nouveau dans mes bras, et non un garçon.  

Etait-ce alors pour connaître de nouveau la "joie" des nausées de ma femme, ses envies soudaines de crêpes à la chantilly, en plein milieu de la nuit, et le stress du départ vers la maternité au moment où elle aurait perdu les eaux au milieu du salon ? Non plus... J'aime trop mon sommeil pour ça.  

Et pourtant, me voilà de nouveau à changer des couches, à donner le biberon qui finira inéluctablement sur moi quelques minutes après avoir été avalé, à me lever plusieurs fois par nuit pour aller changer ce derrière recouvert d'une matière dont personne n'oserait imaginer l'existence.  

La première fois, j'avais une excuse. Malgré les conseils de mes amis, je ne pouvais pas réellement savoir ce qu'impliquait le fait d'être père, le fait d'avoir une fille à la maison. Mais cette fois-ci, je suis impardonnable. Déjà que dans la rue, les gens s'étonnaient de me voir, moi, avec ma tronche d'adolescent alors que j'approche désormais de la trentaine, avec une petite fille, alors que vont-ils penser en me voyant avec deux enfants ?  

Tout cela fait rire ma femme. Tant mieux, il y en a au moins une qui en rit. Correction, il y en a deux... Car ma grande fille a l'air de bien s'amuser à me voir ainsi me débattre à longueur de journée avec la petite nouvelle. Mieux, elle a décidé de s'y remettre elle aussi, à pleurer au milieu de la nuit, et demander un biberon lorsqu'elle me voit passer avec celui de sa soeur... à quatre heure du matin. Sans doute se plait-elle à revivre ce qu'elle a déjà oublié, d'autant plus que cette fois, elle le fait en toute connaissance de cause.  

Pour ce qui est du rééquilibrage des sexes dans la famille, en tout cas, c'est foutu. Et je ne suis pas prêt à reprendre encore deux fois le risque pour tenter de nous remettre à égalité, ça non ! Le problème, c'est qu'à deux, elles semblaient déjà bien se jouer de moi - saleté de complicité mère/fille - mais alors à trois, je n'ose même pas imaginer ce que cela va donner.  

D'ailleurs, ça a déjà commencé, car il me semble que la petite nouvelle a déjà été mise au courant du petit jeu que ma femme et ma fille avait déjà mis en place avant l'arrivée de la dernière, et qu'elle a accepté sans sourciller de s'amuser avec elles. Avec la première, ma femme n'avait pas réussi à me faire prendre un coup de vieux, mais cette fois-ci, je crains d'avoir des cheveux gris avant l'âge, si je ne me les arrache pas tous avant ça.  

Mais je suis bien décidé à montrer cette fois que je ne craquerai pas. Elles pourront bien tenter tout ce qu'elles voudront, je ne céderai pas, je resterai impassible. Elles ont du remarquer que leurs premières tentatives, celles qui avaient fonctionné avec ma première, n'avaient pas eut raison de moi, alors elles sont passées à la vitesse supérieure. Hier encore, j'ai retrouvé ma deuxième en train de jouer sous l'évier, au milieu des produits d'entretien ! Ma femme et ma fille étaient parties faire des courses... Ben voyons !  

Mais quand elles sont rentrées, je n'ai rien dit. Quand ma femme m'a demandé si tout s'était bien passé pendant son absence, j'ai simplement répondu "Oui", de la manière la plus neutre possible, pour ne pas laisser transparaître la panique qui m'avait gagné peu de temps avant.  

J'espère simplement qu'elles abandonneront avant moi, car je crains de ne pas pouvoir tenir longtemps à ce petit jeu là...