Alec Christopompaloutos (Sam Vrana) est assisté social dans la petite ville allemande de Barbrüken. Par "assisté social", on entend plus communément chômeur en fin de droits et quasi-SDF depuis que son proprio menace de le virer. Il aurait peut-être du y réfléchir à deux fois avant de sortir avec sa fille, une chaudasse qui avait eu un faible pour son "charme méditerranéen". Enfin, de méditerranéen, Alec n'en a que les origines : lui est né à Düsseldorf, ne parle qu'allemand et n'aime pas les étrangers. Passons.  

Fauché comme les blés et revenant à pied d'un énième entretien avec son conseiller, il doit en plus subir une pluie drue qui lui glace la carcasse.  

Ce jour-là, un semi s'étant égaré dans le centre-ville et ne respectant par les limitations de vitesse en raison d'un taux d'alcoolémie élevée, décide de se lancer dans l'aquaplanning, rate son virage, crisse des pneus.  

Et tombe sur Alec dans un grand "sprotch".  

Alec, dans ses pensées, n'a rien vu venir, n'a rien entendu, n'a pas souffert. Il se retrouve dans un grand hall de gare uniformément blanc et dans lequel le DJ a décidé de ressortir l'intégrale de Yanni et des meilleures musiques d'ambiance d'André Rieu. Bref, quelque chose qui ressemblerait vaguement au paradis tel que les mauvais humoristes nous le dépeignent : chiant.  

Un séraphin ailé vient à sa rencontre, s'enquiert de son identité et lui remet un numéro à 8 chiffres - on lui demande d'attendre, il peut toujours visiter les lieux.  

"Ah oui, ajoute-t'il avant de partir comme s'il avait lu dans les pensées d'Alec, ceci n'est PAS le Paradis - le patron a de quoi s'offrir mieux qu'une gare de triage lounge".  

Un peu surpris par ces événements, il erre, absorbé par ses pensées et par le décor colossal. Soudain, il percute une dame âgée d'origine asiatique en chemise de nuit et perd son ticket dans la foulée. Sur le sol tous les deux et penauds de cette rencontre fortuite, ils s'excusent pendant cinq bonnes minutes avant de se rendre compte qu'ils vivaient à l'autre bout de la Terre et qu'ici, les barrières de langues semblent avoir disparues !  

Remis de leurs émotions et ayant récupéré leur bout de papier, elle l'invite à s'asseoir et lui raconte un peu sa longue vie d'avant, ses problèmes de famille, ses soucis avec son gendre, son arrière-petite-fille. Mais aussi ses bonheurs, la beauté de son pays la Thaïlande, les petits riens qui embellissaient son existence... Alec écoute, fasciné par cette conversation au beau milieu de nulle part, assis qu'ils sont sur un de ces milliers de bancs qui parsèment l'endroit.  

Dans les hauts-parleurs, une voix féminine énumère des numéros. Quand le papier d'Alec se met à luire, il sent son heure arriver. Il salue la vieille dame et promet de la revoir "un de ses quatre" tandis qu'il prend la direction du guichet des admissions. La dame lui sourit, un regard malicieux et plein de vie sur le visage.  

Après une longue attente (c'est qu'ils sont nombreux ici), Alec remet son numéro à l'ange (?) chargé de l'orientation. Rehaussant ses besicles sur son nez, il fait une moue.  

"- Mmouiiii, il y a un problème.  

Alec ne feint pas sa surprise. Un problème ? Il tente l'humour :  

- Hé, j'ai pas oublié de fermer le gaz, hein ?  

- Mmoui, vous allez devoir retourner en bas...  

- Queu-ahhh ?  

- Il vous reste une mission à accomplir - quelque chose que vous n'auriez pas achevé de votre vivant.  

- Attendez - je comprends pas : j'ai 23 ans, pas de copine, pas d'enfants, pas de passé, pas de boulot et pas des masses de famille, qu'est-ce-qui pourrait bien...  

- Au revoir Mme Van Loc.  

- Madame Van L... ?!!!? ATTENDEZ, C'EST UNE ERR...."  

- ...RREURRR !!!"  

Alec est au milieu d'un salon chichement décoré au centre duquel une famille asiatique dîne en silence.  

En fait, il est même au milieu de la table. A travers plus précisément.  

Il reconnaît immédiatement la jeune femme (Demetra Miller) que la vieille dame lui avait décrite. Et le reste de la famille Van Loc. Seul le chien de la maison semble l'avoir senti.  

"- Hum... Hello, vous m'entendez ?"  

Pas de réponse.  

C'est mal barré.  

"Mme Van Loc..."  

Le fonctionnaire fait les gros yeux, il vient de comprendre. A peine avait-il apposé son tampon de retour que le jeune homme avait disparu. La boulette.  

Il regarde la queue, ses collègues, tourne son panneau "Parti déjeuner", laisse maugréer la file et se précipite voir son supérieur. Tout ça, c'est la faute aux cadences infernales, il sait qu'il va se prendre un savon. Le tout est d'agir avant qu'il ne soit trop tard.  

(Script original)