Après une dure nuit de bénévolat au centre Cactus de Montréal, Rémy rentrait chez lui en métro, épuisé mais serein, prêt à vivre une nouvelle journée en solitaire dans son appartement du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Il n’avait toujours pas l’argent pour le loyer, mais son propriétaire était l’un des rares dans le secteur à permettre les retards. L’insalubrité des lieux ne lui permettait d’ailleurs pas d’être trop dur envers les locataires, pour la plupart chômeurs dépressifs multipliant les jeunes enfants malades.  

Rémy lui n’aurait jamais d’enfant. Un an auparavant, sa jeune épouse, nommé Lamia, était morte du sida. Ses trop nombreux voyages mystiques en compagnie de copains peu fréquentables lui avaient finalement coûté la vie. Rémy ignorait s’il avait été béni ou maudit par Dieu. Il vivait toujours, et tous les tests passés depuis deux ans lui indiquaient une santé de fer. Il se souvenait pourtant de maintes occasions où la vicieuse maladie aurait pu lui être transmise, comme cette fois où les deux amoureux s’étaient échangé leur seringue comme on échange les anneaux de mariage, marquant leur fidélité éternelle, dans la vie comme dans la mort. Rémy faisait maintenant en sorte que Lamia ne se soit pas éteinte en vain. Trop nombreux étaient les jeunes prisonniers de l’enfer de la drogue, risquant leur vie constamment pour satisfaire leur pulsion. Ainsi, à chaque nuit, le veuf se rendait dans un centre d’aide pour les toxicomanes, distribuant de l’équipement stérile, écoutant les histoires des âmes troubles souhaitant enfin retrouver la lumière. Il espérait ainsi trouver lui aussi la voie du bonheur, pour recommencer à vivre normalement.  

Rémy rêvait rarement au retour de Lamia. Cependant, la revoir allongée sur son lit, dormant paisiblement, un rayon de soleil descendant sur son visage jeune et beau, lui fit l’effet d’un électrochoc. L’exclamation de stupeur qu’il ne pu dissimuler réveilla la dormeuse. Elle ouvrit délicatement les yeux et afficha un magnifique sourire à l’homme qui se tenait là devant son lit, pantois, les bras raidis le long du corps, incapable de prononcer un mot. Il semblait sortir d’un bien mauvais rêve, ou d’une nuit bien consommée. Les caresses de son épouse le sortirent néanmoins de sa torpeur. La joie qu’il éprouvait alors au contact de la femme de sa vie l’empêchait de réfléchir correctement. D’ailleurs, il ne souhaitait pas réfléchir. Lamia était à ses côtés. Tout allait pour le mieux en cet instant divin.  

*  

Dans l’appartement voisin, Sam cachait difficilement son contentement. Sa bien-aimée faisait toujours son travail à la perfection, malgré les années passées dans l’ombre. À ses pieds, sur un sol en bois pourri, gisaient un homme et une femme dans la fleur de l’âge, couverts de sang, sauvagement mutilés. Les cris de leur nouveau-né s’étaient éteints dans la nuit, brutalement, dès l’arrivée de Lily, qui ne demandait qu’à apaiser sa faim insatiable suite à une trop longue famine. Tromper Rémy et le soumettre à la volonté de son maître serait un jeu d’enfant pour Lily, mais il fallait s’attendre à ce que celle-ci prenne quand même son temps, question de s’amuser un peu avec sa proie. Sam lui devait bien ce plaisir, se l’accordant à lui-même plus souvent qu’autrement depuis quelques décennies déjà.  

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Sa peau était si douce, son parfum si agréable et sa voix si réconfortante que Rémy n’aurait pu résister aux avances de son épouse malgré la plus forte volonté. Il lui semblait que Lamia n’était partie que pour une heure ou deux, et pourtant, il la désirait autant qu’un homme ayant traversé le désert à pied désir qu’on lui serve une carafe d’eau pure. Seulement, dès leur amour consommé, Rémy se mit à ressentir un certain malaise. Était-ce dû à cet air malicieux apparut soudainement sur le visage de Lamia ? Ou encore à ces ombres qui virevoltaient dans l’appartement, chassant la lumière du soleil ? L’homme ne pouvait le dire. Il savait néanmoins que quelque chose d’étrange se produisait autour de lui. Lamia avait disparu. Sur le lit crasseux se trouvait maintenant un énorme serpent vert, sifflant furieusement dans l’air des paroles que Rémy comprenait.  

L’obscurité s’intensifiait à mesure que les ombres se rapprochaient, s’unissant l’un à l’autre dans un grand mouvement continu autour du serpent. Mais déjà, celui-ci avait disparu à son tour, remplacé par une magnifique femme aux yeux rouge et aux cheveux d’un noir de jais. Elle affichait un sourire, et pourtant ne dégageait qu’un sentiment de malheur et de mort. Elle s’adressa à Rémy, sur les épaules duquel semblait s’être déposé une terrible charge. Ne pouvant fuir ni bouger, il se résigna à écouter…  

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Au même moment, Sam voyait une lame de poignard être appliquée sur sa gorge. La présence d’une femme ressemblant fortement à Lamia à ses côtés n’avait rien de réconfortant. Était-ce bien sa Lily, prise de folie, ou bien la défunte épouse de Rémy, redescendu du royaume des cieux ?  

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Sam : Jared Madeye  

Lamia : Anya Sbrizzi  

Rémy : Nathan Bew  

Lily : Hilary Pullman  

BO du film : Shadows Over a Lost Kingdom - Dissection