Berlin. De nos jours. 03:00 du matin  

La scène s'était comme déroulée au ralenti.  

Le ninja venait d'infliger à Wayne 'Doc' Spade (Howard Huang) une blessure mortelle. Lui-même venait de transpercer son adversaire de part en part. Les deux hommes se tournaient désormais le dos. Spade fut le premier à tomber à genoux. Il lacha le katana qu'il avait dérobé à son assaillant. Il entendit le bruit d'un corps qui chutait : l'autre était mort. L'agent secret se retourna, ses lunettes infrarouges lui confirmèrent le diagnostic. Son dernier adversaire dans cette pièce venait de rendre l'âme - il y en avait eu bien d'autres. Il se mit en position latérale de sécurité, chercha un appui - sans résultat. Il se sentait partir et revoyait le fil des événements qui l'avaient conduit ici, au coeur de la forteresse allemande de la "Division Spade". Le fou ! Comment pouvait-il penser un seul instant qu'il parviendrait à ses fins !?!  

La Division Spade... Il en souriait encore : un organisme créé à la fin des années 60 par un ex-roi du pétrole Russe en exil, une machine de guerre froide qui était sensée sauvegarder les intérêts de "l'Occident" partout où ils étaient menacés et qui était devenue une entité qui n'était plus contrôlée que par son ambition. Il en était revenu : il savait qu'il bossait pour des gens qui défendait leur bout de gras, mais jusqu'à présent il avait toujours pensé que le leur était moins dégueulasse que celui de leurs adversaires. Il se trompait : c'était un peu bonnet-blanc, blanc-bonnet depuis la chute du Mur : "ils" avaient gagné et ne comptaient pas s'arrêter là - il avait été bien naïf finalement, il l'avait toujours su mais avait cru que, comme dans les mauvais romans d'espionnage, l' "ennemi intérieur" en serait expurgé. Même violemment : n'avait-il pas été formé à cette fin et à elle-seule ?  

Au lieu de ça, il baignait dans son sang et revoyait tout ce qui l'avait amené ici. Son pétage de plomb, le fait qu'il avait doublé ses collègues là-bas, au Burkina Faso*, son retour aux USA, sa découverte du complot ourdi par Natacha Bromanov dite "La Veuve Noire" au sein-même de la Division, ses passages à Montréal et Vienne - la destruction de leur cellule Lettone finalement, dans un ouragan de feu.  

Leur riposte avait été terrible : son contact hacker, la jeune ... - comment s'appelait-elle déjà, arrr il n'arrivait plus à verbaliser : il commençait à tomber dans un stade d'inconscience - Stravinsky ! C'est ça, comme le musicien, ils n'avaient jamais hésité à la tuer - quasiment devant lui (il devait se souvenir pour ne pas tomber dans les pommes), d'autres de ses alliés étaient tombés. Tant d'autres... D'innombrables agents qui défilaient devant lui comme d'impalpables ombres à jamais disparues.  

Au prix d'un effort surhumain, il tenta de se relever pour atteindre l'escalier de service. Il récupéra le .45 Moore duquel le ninja l'avait désarmé tout-à-l'heure. Ce dernier ignorait qu'il avait à faire à quelqu'un qui avait reçu le même enseignement que lui. L'arme lui sembla peser une tonne. Il n'avait pas entendu d'autres agents ou guerriers de l'ombre arriver. Pourtant, à l'heure qu'il était, l'alerte avait du être donnée dans les étages les plus élevés de la tour et les cadres exfiltrés en douceur, les gentils comme les méchants : Adelyne Pankow (Julie Carrera) en faisait partie -elle devait être dans un hélicoptère, en sécurité. Adelyne, l'Ange de la Mort qui avait précipité la Division dans une quasi-guerre civile. Sa boss, l'ex-amante d'une autre vie, celle qui lui avait révélé les magouilles internes de Liam Sovereign (Alex Maher), éminence grise douceâtre et britannique du Numéro Un (Logan Troughton) qui avait tenté à de nombreuses reprises de le faire disparaître. Pankow avait assuré à Wayne que Numéro Un lui avait donné toute latitude pour éliminer Sovereign. Lui avait cru en tout ça : on lui avait montré les preuves de la traîtrise : vidéos, documents... Rien qu'on ne pouvait pas falsifier, finalement.  

Alors qu'il repensait à tout cela, le bruit caractéristique d'une porte d'ascenseur se fit entendre : Spade se retourna immédiatement et mis en joue ce qu'il croyait être de nouveaux adversaires.  

"Wayne !!"  

Il n'y avait que Pankow pour l'appeler ainsi : il faillit défaillir - elle était seule et il n'avait qu'une seule envie, lui trouer le corps de balles explosives calibre Mamba. Il posa un genou à terre, plia son autre jambe devant lui, prit le revolver à deux mains, plia les coudes et se prépara à ajuster son tir. Ca y est, il le sentait en même temps que sa vie le quittait : la dopamine le boostait pour un dernier sursaut, il avait retrouvé la Fuck You attitude de ses jeunes années !  

Pankow avait compris la manoeuvre : elle était encore trop loin pour le désarmer : elle savait qu'il ne lui ferait aucun cadeau après ce qui s'était passé. Désarmée, elle avait encore une montagne de cadavres d'agents à traverser pour l'atteindre. Elle n'avait aucun intérêt à voir la carcasse de ce Spade-là refroidir dans cette salle de réunion plongée dans un noir absolu. Ses propres infrarouges l'informaient qu'il n'en avait plus pour bien longtemps. Elle se décida à prendre les devants :  

"WAYNE !! Ecoute-moi, je sais que tu t'en fous, mais les ordres ont changé.... Quelque chose s'est passé - je dois t'amener chez Lombard..."  

Chez Lombard en "langage Spade", ça voulait dire dans les sous-sols. Dans un endroit particulier qu'il avait déjà fréquenté et au sein duquel il avait retrouvé une nouvelle vie.  

"Chez Lombard" - dans la salle des clones, la technologie sur laquelle la Division avait assis sa supériorité technologique. Une technologie qui permettait à ses dirigeants et à ses "amis" de se garantir une ligne de vie extraordinairement longue**.  

* voir Une Prime sur Spade (2013) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=6190  

** sérieusement, vous ne pensiez pas que S. Berlusconi avait rajeuni de 25 ans en "faisant du sport" ?  

(Script original, suite du film sus-cité)