1981, durant un lourd été à Nagasaki.

Kaori (Ruth Bova) vient de baisser les stores. Seul un faible rai de lumière ose encore parcourir le petit salon du modeste studio. Ce dimanche est caniculaire, les ventilateurs ont du mal à rafraîchir quoi que ce soit. Les corps collent et l'asphalte fond. A l'extérieur, on entend à peine quelques murmures et une stéréo qui, au loin, déverse un fond de rock'n'roll.
Dans la pièce d'à-côté, Shino (Yan Lee), son frère, a réussi à trouver le sommeil. Le médecin est passé ce matin : ses médicaments contre la douleur commencent enfin à faire effet.

Shino est né en 1945. Sa mère était enceinte de lui quand le B-29 Bockscar américain avait balancé "Fatman" au-dessus de la ville. Trois jours après Hiroshima, le Japon connaissait à nouveau le soleil nucléaire. Les USA ne pouvaient pas faire mieux : à leur yeux, une invasion terrestre aurait entraîné trop de pertes de leur côté et leur pays était déjà sur les rotules à cause de cette guerre mondialisée qui s'éternisait. L'atome était leur joker et le gouvernement leur cible. Une fois. Deux fois. Ils auraient continué si le Japon n'avait pas finalement cédé...
Un habitant sur trois de la cité avait disparu en un clignement d'oeil. 75 000 âmes envolées. Depuis, au moins autant étaient décédés des suites de l'explosion.

Kaori avait cinq ans à l'époque. Elle avait vécu de près l'accouchement de sa mère, quelques mois plus tard, et la surprise qu'elle recelait : Shino n'était pas arrivé seul - il avait fallu trouver un nom à son jumeau, Toshiro (Ron Miller). Un bonheur absolu pour leur mère qui était décédée - Dieu soit loué - de sa belle mort il y a peu. Une parenthèse au beau milieu de l'apocalypse dans laquelle ils avaient tout traversé : les privations, l'humiliation, le chaos d'un pays ravagé, l'absence d'un père disparu en mer et jamais réapparu, le fanatisme jusqu'au-boûtiste des derniers séides de l'Empereur, la famine, les procès de Tokyo, et surtout, surtout : la honte d'avoir survécu.
Les enfants avaient hérité d'une santé de fer. Kaori avait vaincu un cancer du sein. Toshiro, qui était parti vivre aux USA et revenait de temps à autres avec sa femme Alice (Stephanie De La Boulaye), ne présentait aucun symptôme alarmant. Le cas de Shino avait été plus compliqué.

Voilà 10 ans qu'on lui avait diagnostiqué une malformation cardiaque. Son coeur avait grossi et devenait trop important - épuisant son porteur. Chacun de ses battements s'accompagnait d'une douleur de plus en plus aigüe. Shino avait refusé de faire appel à la médecine de l'Occident, qu'il haïssait . Il avait récemment démissionné de sa compagnie pour venir vivre chez sa soeur. Son état empirait de jour en jour.
Toshiro et lui ne se parlaient plus depuis son départ. Kaori l'avait pourtant prié de revenir : ils allaient à nouveau se retrouver dans une situation de survivants et elle ne voulait pas de cette culpabilité.

Shino lui-même avait décidé d'accompagner cette ultime épreuve comme une sorte de pied-de-nez à la destinée : il se persuadait d'avoir vécu quatre belles saisons et se préparait à franchir le seuil de la cinquième, sa "Saison Eternelle".

Le temps du deuil et de la reconstruction était proche.

(Script original, inspiré par le manga "Gen d'Hiroshima" de Keiji Nakazawa et des albums de la série "Five Atomic Seasons" de Tangerine Dream)