15 novembre 1888 - Londres, dans un quartier huppé.  

Horn Fresslihy (Ron Bremner) regarde la jeune femme à ses côtés. Nue sous les couvertures, les dernières lueurs de l'aube carressent un visage ravagé par l'alcool mais un corps splendide. Le jeune couple semble heureux, dans leur lit de satin ils viennent de faire l'amour. Pas "baiser", "faire l'amour". Ce qui les change à tous les deux. Pour une fois.  

C'est que, pour sa dernière nuit ici, Horn a mis les petits plats dans les grands : une belle femme selon ses critères, un bon hôtel, une bonne table dans une heure, plus tard un spectacle de marionnettes. Le tout arrosé de fleurs. Beaucoup de fleurs : Horn est un romantique.  

Et médium. C'est du moins son métier : il prédit la bonne aventure à qui la lui monnaye. Autrefois, il avait un stand itinérant, parcourant la campagne et les villes, offrant contre espèces sonnantes ses visions. Les visions de sa vérité. Du moins, de la vérité la plus probable pour les intéressés. Mais les attractions de la cité ont eu raison de son commerce. Il a continué un temps, dans les foires et les cirques, histoire de retrouver un peu le goût de la bohême. Au chômage, il s'est laissé vivoter, survivant de bonnes rapines et du jeu. Horn a toujours aimé flirter avec le feu de ses visions.  

La Ville lui avait offert un terrain de jeux idéal et providentiel : c'est ainsi qu'un soir de déprime, il avait créé ce personnage de "Jack l'Eventreur" qui avait ensanglanté son quartier de Whitechapel. Jack, cela avait été un moyen de se tenir la tête hors de l'eau, de se distraire un moment, même avec beaucoup de sang sur les mains. Cette partie de cache-cache avec les autorités, les pistes improbables et orientées de la police, la peur de la communauté, les gros titres de la presse, les meurtres de soit-disant "imitateurs" imputés à Jack - cela, c'est vrai, avait été grisant un temps.  

Un spectacle à bon compte dont il avait, comme toujours, fini par se lasser - sans compter que la psychose collective commençait à l'ennuyer. Ce soir, celle avec laquelle il avait partagé son intimité vivrait.  

D'ailleurs, n'était-il pas attendu à Berlin la semaine prochaine ? Car c'est à l'Est que son avenir se jouait : le pouvoir Prussien s'y était stabilisé, l'union douanière avec l'Autriche-Hongrie assurait pas mal de ressources, les premières paroles de Guillaume II avaient été au sujet d'une "mission historique" de son pays "par-delà les montagnes d'Europe". Tout cela n'annonçait que du bien.  

Il rejoindrait donc ses pairs, le marabout Childéric Filsdafrique (Alan Rye), l'ibère Esposito (Marie Courtenay) et son amie la Sorcière Winters (Jessica Sagnier) pour la concrétisation de leur projet commun. Un projet qu'ils avaient réfléchi de longue date : celui d'un état-major occulte qui surveillerait les faits et gestes du monde afin de l'orienter du côté de leurs intérêts.  

Le temps était venu pour eux de rencontrer leur destin.  

(Script original, préquelle de "Berlin Magic" (2006), produit par MMP : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=119)