"- Je refuse de le croire.
- Il va pourtant falloir s'y résoudre..."
Les deux hommes qui parlent sont seuls, au milieu d'une immense salle remplie d'ordinateurs à présent désertée de son activité humaine. Quelques heures plus tôt, trois centaines de traders y fourbissaient les meilleurs "deals" boursiers de la planète.
Le soleil s'est couché, le coeur de Wall Street a temporairement cessé de battre - les équipes annexes ont pris le relais "off-quote" dans des salles plus petites et plus calmes. Restent les deux hommes. Autour d'eux, une noria de femmes de ménage s'affaire, mais elles sont invisibles, transparentes à leur yeux.

"- Putain, on vient de se faire gauler... De combien tu dis ?
- 200... millions... de... dollars.
- Canadiens ?
- Très drôle."
Les deux hommes sont Frederic Schneider (Klaus Weiner) et son collègue Rob Reno. Rob, c'est celui qui essaye de faire de l'humour. Frederic, c'est le trader n°1 de la compagnie de courtage pour laquelle ils bossent. Et le frère de la vice-présidente Carla (Virginia Weiner). Que Carla soit la maîtresse du Président du Directoire Hanser M'Gobato (Tristan Torres) ne changera rien à leur destin respectif : la porte dès l'annonce des pertes. Demain matin. Soit...
... dans quatre heures.

On dit souvent que les traders sont des oiseaux de nuit, qu'ils ne dorment jamais, qu'ils se shootent à toutes les substances qu'ils peuvent trouver. Pour tenir. Pour être plus productifs.
On dit souvent beaucoup de bêtises à leur encontre.
Mais dans le cas de Frederic, on est encore loin de la réalité.

Reno lui, tombe de fatigue : leur marathon de 72h00 s'étant soldé par la catastrophe financière qu'ils savent, il prend congé complétement défait, prêt à rendre sa lettre de démission tout-à-l'heure, à faire ses bagages pour retourner chez sa mère... ou à se faire sauter le caisson.

Frederic, lui, ne partage pas cet état d'esprit : il est intimement convaincu qu'il peut se refaire dans le temps qui lui reste, en utilisant la technologie mise à sa disposition par les réseaux, c'est un "f*cking winner" et il tient à continuer à voir affiché aussi longtemps que possible son portrait dans le hall de la boîte. Aussi longtemps qu'il lui restera un souffle de vie, il fera TOUT pour récupérer cet argent : c'est sûr, il va se refaire sur les bourses étrangères... 200 millions. La pression serait insupportable pour n'importe qui d'autre. Mais Fred n'est pas "un autre".

Son portable le rappelle à la vie. Encore un message de Claudia (Sandrine Stern), cette fille de l'Ohio un peu perdue avec laquelle il avait un rencart ce soir... enfin, hier. Cinquième message : hum, il serait peut-être temps pour lui de lire le premier déjà, ha ha ha... Dans quatre heures, quand il aura le temps. Un bouquet de fleurs, trois grammes de coke et un dîner chez Marcel's et on pourra repartir sur de bonnes bases.

Juste avant de sortir de la salle pour se diriger vers un box annexe, il remarque une jeune femme (Christina Swann), une des ménagères, qui porte sur lui un regard appuyé. Le plus étonnant dans cette jeunette, c'est qu'elle a l'air de sortir de nulle part, seule caucasienne au milieu de toutes ces mamas latino-américaines, un peu penaude dans une combi trop grande pour elle.
"- Ils prennent des filles de la campagne pour faire le ménage ici, maintenant ?
- Je sais comment vous sortir de vos ennuis..."
Frederic reste interdit.
"- Qui vous dit que j'ai des ennuis ?!?
- Vous avez des soucis d'argent, ça se voit. Je peux vous en faire gagner beaucoup. Quand le soleil se lèvera tout-à-l'heure vous regretterez même de ne pas m'avoir connue plus tôt." (Script original)