Le soleil brillait sur le royaume, en cette fin de printemps. A l'avant de sa charette, Robyne (voix de Léa Geoffrey) quittait son village en direction du château en chantant gaiement. Devoir se rendre au château de Lord Drakola ne l'enchantait pas beaucoup, mais elle se réjouissait de pouvoir ne serait-ce qu'un moment échapper à son oncle, chez qui elle vivait depuis la mort de ses parents, et qui la traitait comme une esclave. Vivant chez son oncle et sa tante, la pauvre fille passait ses journées du matin au soir à effectuer les tâches les plus difficiles, en échange d'une assiette le midi et le soir. Alors lorsque son oncle lui avait ordonné de se rendre jusqu'au château pour livrer de la paille à la demande du Seigneur, Robyne ne s'était pas fait prier, avait attaché le boeuf à la charette, et avait filé au plus vite.  

Tandis que les dernière maisons de son hameau disparaissaient dans son dos, la jeune fille passa près de la forêt. Fixant les arbres, elle espèrait voir apparaître le museau de son fidèle ami Rousset. Elle n'eut pas besoin d'attendre longtemps pour l'apercevoir. Sautant d'un arbre, le petit écureuil bondit vers la charette et grimpa jusque sur l'épaule de Robyne. Voilà deux ans qu'elle avait sauvé le petit animal, alors qu'une chasse organisée par le Seigneur décimait les siens. Accusés de grignoter les récoltes et d'être à l'origine de l'épuisement des stocks du royaumes, les pauvres rongeurs avaient été exterminés sur simple ordre de Lord Drakola. Rousset n'était encore qu'un bébé écureuil lorsque Robyne l'avait trouvé roulé en boule dans un fourré. Ayant perdu lui aussi ses parents, la jeune fille s'était prise d'affection pour lui, et l'avait emmené jusqu'au moulin du Père Farine pour lui demander de quoi nourrir le petit animal. Depuis, Rousset ne manquait pas une occasion de rejoindre celle qui l'avait sauvée.  

Tandis que la charette approchait du château, Robyne fut surprise de trouver la route chargée de monde. Il y avait toujours des allées et venues au château, mais il lui semblait qu'il y en avait cette fois particulièrement beaucoup. Sans doute le Seigneur organisait-il une fois encore une grande fête pour étaler toutes ses richesses, et était-ce la raison pour laquelle il avait demandé de livrer plus de paille, pour constituer les couches de ses invités. Lorsque les portes du château furent visibles, Rousset abandonna son amie et, sautant de la charette, partit vite se mettre à l'abri loin des gardes qui lui rappelaient ces hommes qui avaient tué les siens.  

Après avoir passé le contrôle à l'entrée du château, à coup de fourches dans le tas de foin de sa charette pour vérifier que rien ni personne n'y était caché, Robyne put faire avancer son véhicule jusque dans la cour. Un soldat lui fit signe d'avancer dans sa direction, et la jeune fille s'exécuta sans discuter. Plus vite elle aurait effectué la tâche pour laquelle on l'avait fait venir, mieux elle se sentirait. Elle n'aimait pas se rendre dans ce château où les domestiques étaient roués de coup à la moindre erreur.Lord Drakola était réputé être un seigneur tyranique, mais ses soldats ne valaient pas mieux. Lorsqu'elle arrêta sa charette, trois adolescents arrivèrent au pas de course et commencèrent à décharger son contenu. L'homme qui dirigeait l'opération ordonna à Robyne de s'y mettre elle aussi, et de prendre le plus de paille possible à chaque aller/retour pour ne pas perdre de temps.  

Les bras chargés de paille au point qu'elle ne voyait rien devant elle, la jeune fille traversa la cour en direction des chambres où elle devait déposer son chargement, craignant de se prendre le pied dans une pierre. Elle savait ce qui l'attendait si elle trébuchait et étalait au sol tout ce qu'elle avait dans les bras. Le soldat n'était pas loin, armé d'un bâton, et n'attendait qu'une occasion de pouvoir se défouler sur le premier venu. Soudain, une explosion retentit dans l'une des tours du château, faisant trembler tout le bâtiment. Surprise, la jeune paysane trébucha et s'étala à terre, le nez dans la paille. Immédiatement, elle se recroquevilla en anticipation des coups qui allaient pleuvoir, mais rien ne vint.  

Se relevant, elle observa tout le monde dans la cour qui avait les yeux rivés vers la tour où avait retentit l'explosion. Un bonhomme bedonnant en sortit, les cheveux ébourrifés et le visage noirci, marchant de manière peu assurée et toussant fortement. Qui était ce curieux personnage ? Robyne ne l'avait encore jamais vu au château. C'est alors que retentit une voix que tout le monde reconnut, et qui fit frémir la jeune fille. "Qui m'a fichu un bon à rien pareil ?!!" Lord Drakola (voix de Fabrice Dobson) surgit de la tour à son tour, visiblement furieux de ce qui venait de se passer. Le gros bonhomme se confondit alors en excuses, expliquant que c'était une de ses expériences qui avait mal fonctionné. Le Seigneur du château se tourna alors vers tous ceux qui restaient les observer silencieusement et hurla de nouveau. "Ne restez pas là sans rien faire ou vous aurez affaire à moi !".  

Sans perdre de temps, chacun se remit à sa tâche. Robyne ramassa au plus vite la paille qui était étalée au sol, et reprit sa route en direction des chambres. La jeune fille curieuse ne put cependant s'empêcher de ce demander ce que ce bonhomme étrange faisait comme expérience, et pour quelle raison le Seigneur Drakola l'avait fait venir. Mais tandis qu'elle marchait dans un couloir, autre chose attisa encore sa curiosté. Elle croisa une curieuse escorte, une jeune fille encadrée par quatre soldats, et qui semblait afficher un regard triste. Etait-ce la fille du Seigneur du château ? Beaucoup au village en parlaient, mais rares étaient ceux à l'avoir vue. Elle se nommait soit disant Pétronille (voix de Melany Morgan), et on racontait que son père la retenait enfermée, empêchant quiconque de s'approcher d'elle.  

Tandis qu'elle arrivait à l'angle du couloir, Robyne se cacha pour observer ce que faisait cette étrange escore, et observa l'un des soldats qui déverrouillait une porte pour y faire rentrer la jeune fille, puis la referma derrière elle. A ce moment là, l'une des domestiques qui l'aidait à décharger sa paille apparut, et la jeune paysane reprit sa route comme si de rien n'était. Tandis qu'elle continuait sa tâche, elle songea à cette pauvre fille qui, bien que vivant dans un immense château, n'avait pas une situation vraiment enviable. Certes Robyne se sentait parfois comme emprisonnée chez son oncle et sa tante, mais elle avait malgré tout le loisir de pouvoir sortir, tandis que cette pauvre fille était véritablement enfermée à longueur de journée.  

Lorsque la charette fut vide, Robyne fut soulagée de pouvoir enfin partir. Mais tandis qu'elle arrivait à la herse du château, une voix la héla à nouveau. "Toi là, la jeune fille à la charette, viens jusqu'ici !" Les épaules basses, la jeune fille manoeuvra pour faire demi-tour et se dirigea jusqu'à l'homme qui se trouvait près du pigeonnier, à l'autre bout de la cour. Dès qu'elle fut à sa hauteur, il lui expliqua ce qu'il attendait d'elle. Plutôt que de repartir avec une charette vide, il lui ordonna de la charger avec la crotte de pigeon après avoir gratté le sol du pigeonnier, puis d'emmener cet engrais au village. Soupirant à l'idée du temps qu'elle allait encore devoir passer entre ces murs, Robyne s'exécuta sans rien dire.  

L'accès au pigeonnier s'effectuait par une échelle collée contre le mur. L'entrée se trouvait en effet au niveau d'un premier étage. Un gros soldat lui fit signe d'approcher sa charette jusqu'au pied de l'échelle, pour faciliter son chargement. Cependant, en faisait cela, elle bloquait une lourde porte ferrée qui se trouvait au rez-de-chaussée. "Ne t'occupe pas de cette porte !" lui ordonna-t-on. Robyne s'exécuta alors, puis grimpa à l'échelle.  

A l'intérieur du pigeonnier, le gros soldat l'attendait en souriant, visiblement satisfait d'avoir pour une fois un commis pour l'aider à cette tâche ingrate qu'il exécutait tous les jours. Il lui donna une pelle les outils nécessaires pour gratter le sol, puis il grimpa pour nettoyer les cases des pigeons. Sans doute pour démontrer encore une fois sa richesse, le Seigneur Drakola avait fait ériger ce pigeonnier en créant autant de case qu'il possédait de parcelles de terre, ce qui représentait un nombre inimaginable. Cela donnait énormément de travail au gros soldat qui devait les nettoyer quotidiennement. Ce qui frappa en premier la jeune fille fut l'odeur qui y régnait, qui piquait le nez tant cela sentait fort.  

Tandis qu'elle grattait le sol à l'aide d'un balais, et amassait la crotte de pigeon, Robyne aperçut soudain son ami Rousset au sommet du pigeonnier. Content d'avoir retrouvé son amie, et n'ayant pas aperçu l'autre homme qui se trouvait là, le petit écureil sauta vers elle. Mais au moment même où il entra, les pigeons affolés se mirent à voler dans tous les sens dans un braouhaha assourdissant. Alors hissé au sommet d'une échelle, le gros bonhomme fut emporté dans un tournoiement de pigeons, tomba en arrière sous la surprise, et chuta de plusieurs mètres de haut sur le sol du pigeonnier. Comprenant que les choses allaient mal tourner pour elle et surtout pour Rousset si on le voyait là, Robyne lui ordonna de s'en aller. Le petit écureuil disparut juste à temps lorsque le soldat à l'extérieur arriva pour découvrir ce qui s'était passé.  

Découvrant son collègue allongé au sol, tordu de douleur avec sans doute au moins une jambe cassée, il exigea des explications, ce que la jeune fille ne put lui donner. L'homme fit immédiatement venir quelqu'un pour aider son collègue, puis se tournant vers Robyne qui craignait de recevoir des coups, il lui donna une consigne qui lui parut être une punition pire encore. A partir de ce jour, et jusqu'à ce que son collègue soit de nouveau sur pied, elle allait devoir venir quotidiennement faire son travail, et repatirait avec sa charette chargée de crotte de pigeon tous les soirs.  

Rentrant chez elle, la pauvre fille devina comment son oncle allait accueillir cette nouvelle. Car si elle n'était pas là pour effectuer toutes les tâches qu'il lui confiait tous les jours, qui allait les faire à sa place ? Elle avait vu juste, car le soir-même non seulement l'oncle la disputa bien qu'elle n'était pour rien dans ce qui lui arrivait - elle se garda bien de lui dire pour quelle raison ces pigeons s'étaient affolés - mais il décida en plus de cela qu'elle n'aurait le droit qu'à une demie-portion de nourriture jusqu'à ce qu'elle revienne travailler chez lui. Robyne espéra alors que le repas qui lui serait donné le midi au château lui permettrait au moins de tenir jusqu'au lendemain, car les portions que lui servait chaque jour sa tante n'étaient déjà pas bien grandes, alors si elle devait se contenter maintenant de la moitié de ça...  

Dès le lendemain, elle partit tôt le matin pour le château où elle allait devoir passer la journée. Une fois sur place, elle s'équipa du matériel à sa disposition et se mit à la tâche en chantant. Nettoyer les cases des pigeons, aller au puit au centre de la cour chercher de l'eau, retourner nettoyer, amasser la crotte puis la charger dans sa charette. La tâche n'était pas de tout repos, et s'il n'y avait pas eut cette odeur insistante qui lui brûlait les narines, Robyne aurait même pu prendre goût au fait de pouvoir travailler seule, sans avoir son oncle sur le dos.  

Le deuxième jour, alors qu'elle traversait la cour en portant un seau d'eau, elle aperçut Lord Drakola surgir par la porte se trouvant sous le pigeonnier. Jusqu'à présent, la jeune fille ne s'était jamais interrogée sur la présence de cette porte et de ce qui se trouvait derrière, et si un garde se trouvait à longueur de temps au pied du pigeonnier, elle pensait que c'était pour surveiller son travail et vérifier qu'elle ne passait pas ses journées à ne rien faire. Sans doute était-ce une remise qui se trouvait sous le pigeonnier. Mais à peine le Seigneur était-il sortit que le garde referma à double tour la porte, ce qui intrigua Robyne. Baissant les yeux lorsqu'elle croisa le seigneur tyranique, elle fila droit devant elle en direction de l'échelle se trouvant juste à côté de la porte, et qui permettait de monter au pigeonnier. Tandis qu'elle grimpait à celle-ci, elle crut entendre comme des pleurs et des gémissements.  

Curieuse de savoir ce que tout cela cachait, Robyne décida d'en savoir plus. Se mettant à genoux, elle examina les joints des dalles du sol, puis prenant un racloir elle décida de tenter d'en délocaliser une. Peut-être pourrait-elle jeter un oeil à ce qui se trouvait alors sous ses pieds. Au bout de quelques temps, elle finit par dégager une dale. Le coeur battant, elle glissa les doigts dans les fentes dégagées et souleva la pierre. Elle était petite, mais épaisse et lourde. Il lui fallut un gros efforts pour la tirer sur le plancher, mais elle y parvint.  

Quand soudain, la tête d'une jeune garçon aux cheveux roux apparut par l'ouverture qu'elle venait de créer.  

"Aide-moi, qui que tu sois, aide-moi !" implora le jeune garçon. Robyne lui demanda de se taire, pour ne pas attirer l'attention du garde qui veillait au pied de l'échelle devant la porte. Si jamais on les trouvait là tous les deux, elle n'osait pas imaginer à quelle punition elle aurait droit. Elle demanda alors au garçon qui il était ce ce qu'il faisait là.  

Garin (voix de Rio Sandoval) se présenta alors, et lui expliqua comment il s'était retrouvé ainsi enfermé. Il était le fils d'un Seigneur rival de Lord Drakola. Lors du dernier déplacement de ce dernier au château de son père, Garin avait par hasard aperçut la fille du Lord, qu'il gardait toujours près de lui, mais qu'il veillait toujours à ce que personne ne la croise. Garin n'aurait jamais du se trouver là, mais ce fut le cas. Tombé sous le charme de la jeune fille, il avait décidé d'aller la libérer de sa prison. Mais évidemment, son plan n'avait pas fonctionné et il avait été capturé par les soldats de Lord Drakola. Depuis, celui-ci avait exigé à son père une raçon contre sa libération.  

Le jeune garçon demanda alors à Robyne de l'aider. Il devait s'échapper d'ici pour rejoindre son père, mais il devait également libérer Pétronille sans laquelle il ne partirait jamais. Robyne n'eut pas le temps de lui répondre, car elle entendit le garde qui grimpait à l'échelle. Poussant Garin à retourner dans sa cellule, elle s'empressa de remettre en place la dalle qu'elle avait délogée, puis la recouvrit d'un tas de crotte de pigeon et se remit à la tâche.  

Le soir, en rentrant chez son oncle, la jeune fille réfléchissait encore à la situation. Si jamais elle tentait de venir en aide à ce Garin, elle risquait de se faire emprisonner elle aussi s'ils étaient coincés. Mais à l'inverse, si elle réussissait à le faire s'échapper, elle pourrait lui demander de le suivre jusqu'au château de son père. C'était la moindre des choses. Ainsi elle pourrait abandonner derrière elle son oncle et sa tante et vivre une vie bien meilleure.  

Mais comment faire pour réussir à le faire évader ? Elle allait devoir imaginer avec Garin tout un plan pour y parvenir, dans lequel elle allait avoir besoin de l'aide de son ami Rousset.  

(Script original, très librement adapté du roman pour enfants "Le prisonnier du château fort" de Daniel Hénard)