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Les Flims Plalstique présente
Silencieux

~~~~~~~~ SILENCIEUX ~~~~~~~~  

 

https://www.youtube.com/watch?v=45BqY0cpapQ  

 

 

Le réveil sonne. D’une main rapide, Dennis (Bob Peck) appuie sur le bouton qui stoppe l’irritante sonnerie. L’homme soulève ses draps et s’assoit au bord de son lit. Par la fenêtre, il n’aperçoit que l’obscurité de la nuit qui ne s’est pas encore fait la belle. Après quelques pas sur la moquette, il parvient au petit lavabo qui lui permet de s’arroser le visage. L’eau froide finit de le réveiller. Un coup d’œil rapide au miroir qui lui offre le reflet disgracieux d’un homme entre deux âges, au visage fatigué et au crâne légèrement dégarni, et Dennis s’approche de son armoire. Le linge est toujours aussi bien rangé. L’odeur de naphtaline lui agresse les narines mais il finit encore par s’y habituer. Il descend les escaliers qui grincent sous ses pas. Le poids des années. Une odeur de café chaud et de pain grillé lui parvient alors qu’il pousse la porte de la cuisine. Une vieille femme (Mylene Micoton) en robe de chambre et avec des bigoudis dans les cheveux l’accueille avec un rictus inexpressif. D’un geste diplomate, Dennis signale qu’il n’a aucune intention de déjeuner.  

- Je vais être en retard, maman.  

- J’veux pas l’savoir. Tu pars pas le ventre vide.  

Le train de banlieue est presque rempli et pourtant, il est totalement silencieux. Les couche-tard et les lève-tôt se croisent dans l’indifférence la plus totale. Certains terminent leur nuit alors que d’autres luttent pour ne pas la débuter. Par la fenêtre, Dennis observe les immeubles tous identiques qui se succèdent à un rythme monotone. À quelques mètres de lui, un jeune homme se met à diffuser du hip-hop sur son portable et en fait profiter l’ensemble du wagon.  

Après plus d’une heure et demie de trajet en transport en commun, les épaules voutées et la démarche traînante, il parvient enfin en vue du bâtiment de la LIF, la Life Insurance Foundation. Dennis travaille dans le service comptabilité de cette compagnie d’assurances depuis très longtemps. Il fait partie des meubles. Le genre de meuble qu’on pousse, qu’on bouscule, qu’on n’a même pas remarqué. Depuis quelques temps, on lui a même fait quitter son bureau pour investir un « open space ». C’est la mode paraît-il, on favorise les interactions entre « équipiers ».  

- Putain, mais qu’est-ce que t’as encore foutu, sombre crétin ?!  

Dennis lève ses yeux de cocker en direction de la grande silhouette (Richard Parker) qui le surplombe. Howard Masterson. L’un des sous-fifres du grand chef. Un connard carriériste et arrogant. Le genre de type qui porte une gourmette en or avec son nom écrit dessus et qui éclate de rire à ses propres blagues de cul. Dennis bredouille un début de phrase mais l’autre tape du plat de la main sur son bureau, faisant ainsi sursauter la boite de trombones.  

- Écoute, p’tite merde, tu vas pas me la mettre à l’envers, cette fois-ci. J’en ai rien à foutre qu’on t’ait placé sur d’autres dossiers. Tu sais c’que j’attends de toi en priorité.  

- Bien, monsieur Masterson.  

En partant, Howard Masterson bouscule encore une fois le bureau du comptable. Comme par réflexe, Dennis se relève légèrement et cherche Stella du regard. La jeune femme (Jenny McCole) se trouve effectivement à son poste. Elle lui tourne le dos. Dennis observe sa nuque pendant quelques secondes avant de s’asseoir lentement.  

La nuit est déjà retombée. En poussant la porte du pavillon, Dennis ne perçoit que le tic-tac de la vieille horloge et des paroles assourdies provenant de la télévision. Une odeur de ragoût froid émane de la cuisine. En entrant dans le salon plongé dans l’obscurité, Dennis se rend compte que sa mère est endormie dans le fauteuil en cuir. Elle ressemble à un flan renversé. Les ronflements en plus. Alors qu’à la téle la police scientifique a découvert un nouveau cadavre, Dennis observe sa mère, le regard vide.  

 

Le réveil sonne. Le geste de Dennis est toujours aussi prompt et précis. En passant dans le couloir, son costume sur le dos, il sent le regard pesant de l’homme à l’uniforme militaire qui pose sur les photographies parfaitement alignées. En entrant dans la cuisine, il pose sa mallette par terre, contre le mur, puis il s’assoit docilement à la même place depuis quarante ans. Sa mère lui lance un regard de feu.  

- T’es rentré tard, hier.  

- Je sais. C’est encore Masterson qui m’a…  

- Je n’veux pas l’savoir ! Tu te laisses marcher sur les pieds. Comme toujours. Si ça…  

- Mais je…  

- NE ME COUPE PAS LA PAROLE, DENNIS !  

Instinctivement, l’homme baisse la tête et regarde ses chaussures. Sa mère enchaîne.  

- N’espère pas devenir autre chose qu’un bon-à-rien, qu’un putain de parasite, comme ces négros qui squattent devant le supermarché.  

La femme parle presque toute seule désormais. Elle s’approche de l’évier et son regard se perd dans le vague. Sa voix devient presque inaudible.  

- S’il était là… S’il était encore là…  

Train, bus, métro, bureau. Dennis observe avec son défaitisme habituel la pile de dossiers qui l’attend à son poste de travail. Au loin lui parvient le rire sonore d’Howard Masterson. Pas le choix, le comptable se met au boulot, entame même sa pause méridienne. Lorsqu’il descend à la cafétéria et attrape son plateau, Dennis ne peut que déplorer l’absence de choix. Tout a été dévalisé par les autres employés et il doit se contenter d’une assiette morue-épinards peu ragoûtante. Il cherche une place. Pas le choix, une fois encore. D’un air las, il se dirige vers la table la plus bruyante de la salle, la seule qui a encore une place de libre.  

- Hey ! Mais c’est mon con.... mptable préféré !  

Dennis lance un regard craintif en direction d’Howard Masterson. Celui-ci semble réellement heureux de voir sa tête de turc s’asseoir à ses côtés. D’ailleurs, il hausse légèrement la voix, comme s’il espérait que tout le monde se tourne vers lui. Ce qu’il obtient.  

- Alors ducon… Ta môman ne t’a rien préparé aujourd’hui ?  

Dennis ne sait pas quoi répondre et, dans le doute, ignore totalement la présence de son voisin. Il se met à manger silencieusement, espérant écourter le supplice autant que possible. Le nez dans son assiette, il est néanmoins forcé de voir le petit bout de serviette en papier qui vient atterrir au milieu de sa purée d’épinards. Les rires gras qui se propagent autour de lui ne lui laissent aucun doute quant à la provenance du projectile. D’un geste précis, et sans lever les yeux, Dennis attrape le petit bout de papier pour… Violemment, et contre toute attente, une main puissante vient taper la sienne par-dessus. Ainsi, sans le vouloir, Dennis donne un coup violent dans son assiette, projetant ainsi la purée verdâtre sur son costume et son visage. Howard Masterson, suivi par une grande partie des employés, éclate de rire. Dennis tourne la tête dans sa direction, le regard ferme.  

- Hoooo… Regardez ! Dennis va se fâcher ! Regardez, il devient tout rouge et ses petits poings se serrent !  

Howard Masterson place ses mains autour de son visage en prenant un air faussement effrayé. Puis, il enchaîne d’une voix un peu plus basse, avec un sourire en coin.  

- Vas-y, frappe-moi, vas-y, si t’as des couilles…  

Dennis sent son cœur s’emballer. Il se lève et quitte la salle.  

 

Le réveil sonne. Plus fort que d’habitude. Tout comme la nuit est plus noire que d’habitude et l’eau encore plus froide.  

- C’est quoi ce carton qui traîne au milieu ?  

Sa mère, toujours en robe de chambre élimée, désigne du menton une boite placée sur une chaise. Dennis sourit.  

- J’ai retrouvé ça dans le garage. C’est mon train de quand j’étais gamin. J’y jouais avec papa. Il manque quelques pièces mais j’espérais aller voir sur l’ordinateur si…  

- Oublie ça. J’aime pas quand tu vas sur l’ordinateur. Y’a plein de saloperies sur internet. Alors tu vas dégager ce truc parce que c’est pas un palace ici. On manque de place.  

- Oui m’man.  

Dennis ne sourit déjà plus. Sa mère se remet à sangloter. Mais il ne sent plus ni culpabilité ni compassion.  

Les immeubles se succèdent de plus en plus vite. Le train passe sous un tunnel et les visages disparaissent dans la pénombre. La lumière est de retour. Par la fenêtre, Dennis observe sans surprise un tout autre paysage : des prés, des fermes, des montagnes aux sommets enneigés, des forêts. Il y a même des troupeaux de vaches qui regardent passer le train avec des yeux rieurs. Dennis se lève et s’avance vers la cabine du conducteur. Celle-ci est inoccupée. Alors il ouvre la porte et s’installe sur le fauteuil, attrapant les différents instruments de pilotage avec un savoir-faire déconcertant. Il accélère un peu alors qu’il traverse un petit village en hauteur. Après la colline, l’horizon se dégage. La voix ferrée se dirige vers une crevasse. Mais il n’y pas de pont. Les freins ne répondent plus. La chute est inévitable.  

Dennis sursaute. Il ouvre les yeux et croise le regard d’un de ses collègues qui hausse les épaules et lui tourne le dos. Le comptable se frotte le visage et finit par se diriger vers la machine à café, d’un pas moyennement assuré. Il est seul et la perspective d’éviter une conversation inutile et gênante ne lui déplaît pas. Pourtant, un bruit de pas résonne dans son dos. Maudissant celui qui ose perturber sa quiétude, Dennis prend néanmoins le risque de se retourner. Stella. Il manque de faire tomber son café mais garde une imperturbabilité de façade. La jeune femme lui lance un petit sourire amical que Dennis lui rend maladroitement. Elle met une pièce dans le distributeur et appuie sur les touches tout en délicatesse, sous le regard de l’homme qui observe la scène.  

- Tout va bien Dennis ?  

- Mvoui… Roui… Je veux dire, oui, tout va bien. Et v… toi ?  

- On fait aller. J’y retourne. À plus tard ?  

- À papa, baba bla…  

Dennis ne parviendra jamais à terminer sa phrase. Elle est déjà loin. Alors qu’il la regarde s’éloigner, il ne peut calmer son cœur qui s’est emballé. Malgré sa pitoyable prestation, il est heureux car il existe. À ses yeux, il n’est pas rien. Elle connaît son nom. Il la voit marcher, comme dans un rêve. Elle rejoint Howard Masterson et ils échangent quelques mots. Ils rient et se retournent pour regarder Dennis qui fait semblant de n’avoir rien vu. Mais il a tout vu. Elle se foutait de lui. Comme les autres. En lui, quelque chose se brise.  

Cette fois-ci, il a quitté le bureau plus tôt. Sa mère l’accueille avec des cris. Il n’a toujours pas viré le carton du passage. La prochaine fois, elle le fout à la poubelle. Sans un mot, Dennis attrape son train électrique et déplie l’échelle qui lui permet de grimper dans le grenier. Au moins, là-haut, sa mère est incapable d’y fourrer son nez. Trop vieille et trop fragile. Il pose le carton bien au milieu alors qu’une vague de nostalgie l’envahit. Ça faisait des années qu’il n’avait pas remis les pieds dans ce débarras, ce musée abandonné d’une vie entière. Avec amusement, il retrouve de vieux magazines, ceux qu’il achetait en cachette quand il était ado, puis il tombe sur des carnets de note, des dessins… Il traîne un peu au milieu de ces anciens souvenirs et finit par découvrir des affaires qui ne sont pas à lui. Un vieux sac en laine, dissimulé au bas d’une étagère poussiéreuse, attire son attention. La fermeture éclair résiste mais finit par lâcher prise. Dennis y plonge sa main. Un vieil uniforme militaire, des galons, un képi, un tube en métal, une paire de bottes, un pistolet, … Pris par surprise, il lâche l’arme sur le sol, le cœur percutant sa poitrine. Il tourne la tête de tous côtés, pour vérifier qu’il est bien seul, et s’agenouille pour ramasser l'arme. Son contact est froid mais, en le touchant, Dennis ressent une impression de terreur mâtinée de puissance. Il le manipule, le tournant dans tous les sens. Il attrape le tube de métal, l’observe et finit par le visser sur le canon du pistolet. Un silencieux. Puis il tend l’arme devant lui, visant une cible invisible. Ses sourcils se froncent alors qu’un sourire apparait sur son visage.  

Dennis trouve difficilement le sommeil. Pendant toute la nuit, sans s’en rendre réellement compte, il caresse l’objet caché sous son oreiller.  

 

Le réveil sonne. Il sonne encore. Personne ne l’arrête.  

Dennis est déjà dans la cuisine. Il grignote un toast en écoutant la radio. Il se met à siffloter alors qu’il se lève pour regarder son reflet dans le miroir. Il resserre son nœud de cravate et attrape sa mallette. Il tire sur la porte de la cuisine avant de quitter la maison. Mais la porte de la cuisine heurte quelque chose et ne peut se fermer. Le corps de la mère de Dennis bloque le passage. Elle est sur le dos, au milieu d’une mare de sang. Ce qui reste de son visage n’exprime aucune peur mais bel et bien de la surprise.  

Alors qu’il sort du train, la démarche de Dennis se métamorphose imperceptiblement. Son dos se redresse et une certaine assurance émane de son regard.  

Il entre dans l’open space. Celui-ci semble presque vide. Dennis jette un coup d’œil au planning : la brainstorming hebdomadaire a lieu en ce moment-même en salle de réunion. Et comme d’habitude, Dennis n’y est pas convié. Voyant son bureau en bordel à cause des dossiers qui ont encore été empilés n’importe comment pendant son absence, il lève les yeux au ciel. Il garde sa mallette et se dirige vers l’ascenseur.  

À travers la baie vitrée qui fait office de cloison de la salle de réunion, Dennis observe la scène. Howard Masterson est debout devant un grand tableau blanc et il pointe une courbe. Malgré les vitres en double-vitrage, Dennis perçoit la grosse voix qui affiche un sourire permanent. D’ailleurs, l’ensemble des employés se met à rire avec lui.  

Dennis entre.  

- Ah ben merde alors. Tu t’es paumé ? Tu cherches les chiottes, peut-être ?  

Là encore, tout le monde éclate de rire aux mots d’Howard Masterson. Même Stella qui est assise juste à côté de lui. Dennis n’affiche ni honte, ni gêne. Il sourit presque. Il sort l’arme de sa mallette et la tend devant lui. En direction du grand bonhomme qui manque de chuter en arrière tant il est surpris.  

Dennis ne tire pas. Pas tout de suite. Il se délecte de ce moment, de ce regard implorant.  

 

https://www.youtube.com/watch?v=Eab_beh07HU  

 

 

 

 

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Les Flims Plalstique présentent  

"Silencieux"  

 

Un film de Horacio Hisaishi (Marraine de Guerre)  

Sur une musique de Bernie Julyan (Le Renne des Neiges)  

 

Avec  

Bob Peck (Le Ninja de Brooklyn est à louer) dans le rôle de Dennis  

Richard Parker (Searching for Darius K.) dans le rôle de Howard Masterson  

Mylene Micoton (L'affaire Duprat) dans le rôle de la mère de Dennis  

Jenny McCole (Dynamite Baby) dans le rôle de Stella

Scénario :
une série B dramatique (Métro, boulot, bobo) de Horacio Hisaishi

Bob Peck

Mylene MICOTON

Richard Parker

Jenny McCole
Musique par Bernie Julyan
Sorti le 01 février 2036 (Semaine 1622)
Entrées : 20 582 393
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