Le ciel était à l’orage. Le vent hurlait furieusement au dehors, venant lécher la cime des arbres, à deux doigts de l’arracher. Soudain, le tonnerre. Puis la pluie. Elle se mit à tomber, à grosses gouttes, chaudes et humides. Comme si cela était attendu depuis trop longtemps. C’était une nécessité. Un frêle oiseau essayait tant bien que mal de voler, mais le vent, violent, l’en empêchait. Et la foudre frappa de nouveau. On vit le petit oiseau s’effondrer d’un coup, et tomber face contre terre, pour ne plus jamais se relever, foudroyé. Un bruit sourd se fit tout à coup entendre à travers la campagne balayée par l’orage. Vite, on se retourna, et puis, on en aperçut les phares, encore allumés. Et puis, le silence.  

Bip, Bip, Bip. Le bruit incessant des innombrables appareils médicaux, branchés sur cet homme. Sa femme et sa fille avaient accourues toutes les deux quand on leur avait appris la triste nouvelle. Mais le patient de la chambre n°186 n’en avait aucunement conscience. Et pour cause, il était plongé dans un coma profond, voué à lutter de trop longues heures durant pour entrevoir l’espoir de s’arracher à une mort certaine. De son visage, à peine touché par l’accident de voiture dont il avait été victime, se dégageait une terrible sérénité, accentuée par le pénombre ambiante. Comme s’il paraissait résigné à son triste sort. Amusante ironie. Entre deux sanglots, sa femme, belle blonde aux traits tirés par cette épreuve, se prit à regarder par la fenêtre.  

« Quelle idée de prendre la route par ce foutu temps ! » Mais sa colère s’effaça vite, dans le but de laisser place à la tristesse, et à l’horrible certitude : il ne s’en sortirait pas vivant.  

On frappa à la porte. Le médecin. Que pouvait-il bien apporter d’autre comme nouvelle ? A coup sûr, rien de bon. Janis leva la tête vers celui qui serait certainement le bourreau de ses espoirs. Celui qui, bientôt, se chargerait d’annoncer que son mari venait de retourner poussière, tel une fidèle brebis divine.  

Le Dr James Cooper (Steve Damian) avait eu une étrange sensation en pénétrant dans la pièce. Une sensation de déjà-vu. Oui… A bien y réfléchir, le beau visage ovale de cette femme blonde lui était familier, sans qu’il ne sache trop dire pourquoi. Et celui de sa fille aussi. Une étrange sensation l’envahit de la tête aux pieds. Puis, il se ressaisit. « Non, je dois me faire un film ».  

- Bonjour Madame Jarod. Nous avons fait passer de nouveaux examens à votre mari et…  

Elle (Carla Morane) coupa.  

- Alors ?  

- Et bien, il semblerait que le cerveau soit gravement atteint. Les lésions seront irréversibles.  

A l’annonce du médecin, Leila Jarod (Cécile Bodin) avait fondu en larmes. Son père ne pouvait pas mourir. Pas lui. Pas maintenant. Pas comme ça ! La vie était injuste, pensa-t-elle. Pourquoi lui enlever ce père modèle et dans la force de l’âge ? Pourquoi à elle ? Elle n’en avait pas les réponses. Les seules certitudes qu’elle possédait étaient qu’il allait mourir, et que ce serait par sa faute.  

Leila ne pouvait s’empêcher d’y penser : si elle n’avait pas été au téléphone avec son père, juste avant l’accident, il sera encore là, auprès d’elle. Mais au lieu de cela, c’était elle qui était à son chevet. Elle qui le voyait mourir d’une manière si inhumaine. Si artificielle. Elle qui le pleurerait jusqu’à sa propre mort. De rage, elle frappa dans la petite table disposée devant elle, d’où un gros dossier tomba.  

Rapport de Police N°127-35 du 12 juillet 2035  

Il apparaît que la route était détrempée lorsque monsieur C. Jarod fit une sortie de route et s’en alla percuter un platane avec une violence inouïe. Lorsque nous sommes arrivés sur place, la carcasse de la voiture ne laissait rien présager de bon, et ce que nous avons découvert à l’intérieur ne fît que le confirmer. Monsieur Jarod était là, dans l’habitacle, les mains toujours solidement attachées au volant. Son cou décrivait un angle douloureux qui laissait présager de graves lésions cervicales. Les pompiers ont mis une heure à le désincarcérer. Les premiers secours, prodigués sur place, montraient déjà un pouls faible et de nombreuses hémorragies externes.  

On retrouva, à l’intérieur de la carcasse, le téléphone de monsieur Jarod. En consultant l’historique des appels, il apparaît clairement que la victime était au téléphone avec sa fille lorsque l’accident eu lieu. Le…  

Leila leva les yeux du document : c’était insoutenable. Elle ne pourrait jamais se le pardonner.  

Le docteur Cooper était revenu dans la chambre n°186. Ce numéro ne lui avait jamais paru si familier, avant. Il venait d’exposer toutes les possibilités envisageables à la famille, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’aucune n’était réjouissante. Cela le mettait encore plus mal à l’aise que d’habitude, comme s’il se sentait directement concerné par le triste sort réservé à cet homme qu’il ne se souvenait pas connaître. Et puis, il y avait toujours cette femme et sa fille, toujours aussi familières à son souvenir, bien qu’il put jurer ne jamais les avoir vues auparavant.  

Il avala un grand verre d’eau, comme pour oublier ses étranges tourments. Il devait se reprendre, ce n’était pas digne de lui.  

La fin de sa garde approchait. Le docteur Cooper jeta un rapide coup d’œil à son infortuné patient. Tout le monde dormait dans la chambre. D’un sommeil instable et dévastateur. Il referma la porte en toute discrétion, puis ôta sa blouse. A peine eut-il fait un pas qu'un interne, Nicolas Figgis (Lenny Slepers), l'apostropha:  

- Docteur, je dois vous faire part des mes inquiétudes concernant Mr Jarod. Il semblerait que d'étranges co...  

Cooper coupa:  

- Nicolas, soyez gentil. Vous savez bien que nous ne pouvons plus rien pour lui. Bonne soirée, gardez tout de même l'oeil ouvert.  

- Mais il ne s'agit pas de lui.., ne put s'empêcher de murmurer Nicolas.  

Le Dr Cooper ne prêta pas l'oreille à cette remarque à peine audible, et se dirigea alors vers le parking. Il monta dans son véhicule : c’est sa fille qui n’allait pas être contente : encore 2h de retard. Il démarra en trombe.  

Sa petite Audi bleue avalait la route avec appétit, comme pour combler le retard qu’il avait accumulé à l’hôpital. A cette heure-ci, la route était déserte. Cooper accéléra franchement : il serait plus vite rentré, et il ne prenait pas beaucoup de risques. C’était la pleine lune. Mais le ciel paraissait s’assombrir dangereusement : comme si un orage allait bientôt s’abattre sur cette petite route de campagne.  

Vrooom  

Le ciel virait au noir profond. Bientôt, on ne verrait plus rien. Mais il connaissait la route par cœur, tant il avait empruntée : il était capable d’en citer les moindres courbes, les moindres irrégularités de l’asphalte. Et, il devinait que la belle et longue ligne droite, à peine à 5 minutes de chez lui, se dessinait sous les roues de son bolide. Cooper remis un coup sur l’accélérateur.  

Dans la chambre n°186, Janis s’était réveillée. Trouver le sommeil n’était pas chose aisée dans une telle épreuve. Elle se repassait intérieurement les quelques images marquantes qu’elle allait garder de Chris. Son Chris.  

Elle posa la main sur le front de son mari. Puis, celle-ci glissa jusqu’à ses yeux : ils semblaient s’agiter, exactement comme s’il avait été en train de rêver. Mais se pourrait-il que ?  

Le bruit déchirant du tonnerre. Le petit et frêle oiseau qui tombe par terre. Et James Cooper, qui continue d’accélérer sous les trombes d’eau en cette nuit noire d’orage. Son téléphone sonne. Sa fille. Il décroche, fixant la route à moitié.  

- Allô papa ? Tu seras bientôt là ?  

- Oui ma chérie, je suis sur la route. J’arrive dans 5 minutes, je suis sur la ligne droite, tu sais, à 5 minutes de la maison ! Tiens, écoute le moteur.  

Les chiffres défilaient sur le compteur : 184, 185, 186km/h.  

« BAAAAAM. »  

Le choc fut d’une violence inouïe.  

Il recouvrit l’audition. Dans un hôpital, lui semblait-il. Il croyait percevoir la voix de Janis, et celle de sa fille, Leila. Puis, il entendit le médecin lâcher d’une voix grave et si étrangement familière :  

- Je crois qu’il part.  

Il distingua furtivement le numéro de la chambre : 186. Puis ses yeux cessèrent de bouger.  

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LPF est heureux de vous présenter son nouveau film, "The Mysterious Dr Cooper", réalisé par Adam Lester. Avec Steve Damian, Carla Morane, Lenny Slepers et Cécile Bodin. Musique de Sarah Figgis.  

BO : Svefn-g-englar - Sigur Ros: https://www.youtube.com/watch?v=rtemrZ7-pj0