- Shadow City, 30 Septembre, 21h37 -  

Assise devant la table de cuisine, dans le petit appartement qu'elle avait hérité de sa mère, Malaury Richards (Courteney Campbell-Seasong) restait fixer son téléphone portable, attendant patiemment qu'il sonne. Depuis sept minutes déjà elle attendait là, parfois assise, parfois debout à tourner en rond dans la pièce toujours à portée de main de l'appareil. Voilà deux semaines qu'elle enquêtait sur cette vieille affaire, pour innocenter le malheureux Dean Mattews qui avait été accusé dix ans auparavant d'un meurtre qu'il disait ne pas avoir commis, une affaire que sa mère avait laissé tomber à l'époque, malgré son insistance après que son patron lui ait ordonné de classer l'enquête. Ce soir, Malaury allait peut-être découvrir le fin mot de l'histoire, mettre un point final à cette affaire. Alors qu'elle était sur le point de découvrir ce que sa mère n'était jamais parvenue à découvrir à l'époque, la jeune femme ressentait une sorte de jouissance intérieure, qui la rendait d'autant plus impatiente.  

Sur la table, le téléphone se mit enfin à sonner. Malaury se jeta sur lui et, avant de décrocher, nota le numéro de téléphone qui s'affichait sur l'écran. Elle ne voulait rien laisser lui échapper. Griffonnant à la hâte celui-ci sur un bloc de papier qui était posé lui aussi sur la table, elle décrocha enfin avant que son interlocutrice ne raccroche. Elle était parvenue à obtenir qu'elle l'appelle, mais elle savait que celle-ci ne lui laisserait pas une autre chance de lui parler. La voix qu'elle entendit alors à travers l'écouteur lui procura un frisson qui remonta le long de son échine. Elle ne connaissait pas cette voix, mais sachant à qui elle appartenait, c'était comme si celle-ci revenait d'outre-tombe.  

- Allo ! Mademoiselle Richards ?  

- Oui, c'est bien moi.  

- Vous vouliez me parler ? Je suis Kara Corwin...  

- Hole City, 30 Septembre, 21h46 -  

Assis à son bureau, le lieutenant Jeffrey Morgan (Shawn Green) analysait pour la dixième fois au moins la liste des visites qu'Edouardo Sanchez avaient eut au parloir depuis la date de l'incarcération de Dean Mattews jusqu'à celle de sa mort, convaincu que parmi eux se trouvait le commanditaire du meurtre du détenu. Malgré les directives de son supérieur, qui lui avait ordonné de laisser la direction du pénitencier s'occuper de cette querelle de détenu qui avait mal tournée, le lieutenant avait poursuivi ses investigations et découvert que l'assassin était un dénommé Sanchez, un homme détenu depuis six ans pour braquage et meurtre. Face aux preuves qu'il avait contre lui, le prisonnier avait été forcé d'avouer son crime au policier, mais affirmait l'avoir fait à cause d'un conflit personnel.  

Jeffrey Morgan croyait peu à cette version, les témoignages des vigiles de la prison ne faisant pas écho de désaccords entre les deux hommes ayant pu dégénérer à ce point. Bien sûr, Sanchez avait été chercher des noises auprès du nouveau détenu qui faisait la une des médias depuis plusieurs jours, n'appréciant pas de se faire voler la vedette par un pauvre junkie en manque qui avait été se planquer chez les curés, mais Dean Mattews avait toujours gardé son calme et ignoré les provocations du détenu pour éviter toute discorde. Pourquoi donc cet homme aurait-il été le poignarder à mort ? Cela paraissait excessif pour la situation.  

Morgan restait donc convaincu que Sanchez n'avait en réalité fait qu'exécuter un ordre qu'on lui avait donné, et avait couvert ça en provoquant dans un premier temps celui qu'on l'avait chargé d'assassiner. Restait donc à trouver qui avait pu lui donner cet ordre, qui pouvait bien vouloir faire taire le principal suspect de cette enquête vieille de dix ans. Dans un premier temps convaincu de la culpabilité de Mattews, le lieutenant était maintenant persuadé qu'il n'avait été qu'un bouc émissaire dans cette affaire, et qu'il n'avait du sa survie pendant ces dix années qu'à la bonté de ces moines qui l'avaient acceuilli parmi eux.  

Passant devant le bureau du lieutenant, le commissaire s'arrêta à la porte entrouverte, surpris de voir Morgan toujours là à cette heure. Qu'est-ce qui pouvait le retenir ainsi, alors que l'affaire du Docteur Becket était close et qu'on avait le nom de l'assassin de Mattews ? Désobéissant à ses ordres, le lieutenant avait poursuivi son enquête sur la mort du suspect, mais le commissaire avait décidé de ne pas lui en tenir rigueur. Mais maintenant qu'il avait obtenu ce qu'il voulait, pourquoi donc Morgan trainait là encore ?  

Le commissaire poussa alors la porte et entra dans le bureau.  

- Morgan, que faites-vous ici encore à cette heure ?  

- Je jette un oeil aux registres de la prison, répondit laconiquement le lieutenant.  

- Pour quoi faire ? Vous avez obtenu ce que vous vouliez, non ?! Sanchez a avoué son crime !  

- En effet, mais je ne crois pas à son histoire. Je reste convaincu qu'il n'a été que l'exécuteur d'un ordre.  

- Morgan, vous commencez à me fatiguer avec vos histoires ! s'emporta le commissaire. Arrêtez de voir des complots partout et classez-moi cette affaire ! ordonna-t-il.  

- N'est pas mon travail d'analyser la moindre piste ? lui demanda le lieutenant comme pour défier son supérieur.  

N'appréciant pas les allusions de son lieutenant, qui semblait sous-entendre qu'il ne le laissait pas faire son travail, le commissaire serra les dents pour tenter de retenir sa colère, et devint soudain blème. Ce n'était quand même pas lui qui allait lui apprendre son métier ! Ne pouvant plus se contenir, il se mit soudain à hurler.  

- Ca suffit, Morgan !! Je sais au moins aussi bien que vous quel est le métier de flic ! Et justement, je sais faire la différence entre la réalité du terrain et la fiction telle qu'on la lit dans les romans de cette Richards !  

Il cracha ce dernier mot avec dédain, montant toute la considération qu'il avait pour cette jeune femme dont il ne supportait plus de voir le nom sans arrêt apparaître dans les affaires policières. A chaque fois c'était la même chose ! La presse en faisait une héroïne qui réussissait là où la police échouait. Cette fouille merde n'était pas là au quotidien avec tous ces flics qui oeuvraient à la sécurité de la ville. Elle ne venait fourrer son nez que là où ça l'intéressait, pour faire parler d'elle et vendre encore d'avantage de livres. Alors voir un de ses hommes qui tombait dans on piège, et commençait à croire aux histoires qu'elle racontait le mettait hors de lui.  

Assis à son bureau, le lieutenant Morgan resta silencieux face aux hurlements de son supérieur, ne comprenant pas la raison pour laquelle il s'emportait comme cela. Le regard fixé sur le commissaire, il resta sans dire un mot, attendant de savoir si celui-ci avait encore autre chose à dire. Voyant qu'il en avait visiblement fini, il ferma le dossier contenant les registres du parloir, se leva de sa chaise, attrappa sa veste et s'appréta à rentrer chez lui en emportant son dossier avec lui. Contournant son bureau pour se diriger vers la porte, il fut coupé dans son élan par le commissaire qui l'attrappa par le bras.  

- Le dossier, siffla-t-il entre ses dents en fixant le lieutenant de son regard rouge de colère.  

Dégageant son bras d'un mouvement sec, pour bien signifier à son supérieur qu'il n'appréciait pas qu'on lui interdise ainsi de faire son boulot, Morgan jeta le dossier sur le bureau puis quitta celui-ci en claquant la porte. Pestant contre son patron tandis qu'il rejoignait sa voiture pour rentrer chez lui, Morgan se promit de ne pas abandonner ses investigations malgré les ordres. Il était convaincu que tout ça cachait quelque chose, et il n'était pas prêt de laisser tomber.  

- Ailleurs, 30 Septembre, 21h54 -  

"Retrouvez-moi ces papiers et je vous dirai tout ce que je sais" Ce furent les derniers mots de Kara Corwin à l'adresse de Malaury avant qu'elle ne raccroche. Cela faisait bientôt dix ans que Kara (Marlene Somers) avait du abandonner sa vie passée, abandonner sa mère qu'elle n'avait plus jamais revue depuis et qui la croyait morte. Aujourd'hui, elle commençait à espérer se sortir de la situation dans laquelle elle se trouvait.  

Victime de viols répétés par son beau-père, le respecté Docteur Becket, l'adolescente qu'elle était alors avait pensé trouver un moyen de se débarasser de cet homme que sa mère admirait à un tel point que jamais elle ne l'aurait cru si elle lui avait parlé de ce qu'il lui faisait subir depuis plusieurs années. Meurtrie, elle ne se supportait alors plus, ne supportait plus son corps qu'elle venait au plus offrant en jouant l'escort-girl auprès de la société bourgeoise de Shadow City. L'un de ses clients réguliers était Tyrell Donnelly (Isaac Chenowith), un riche magnat de l'immobilier qui à l'époque oeuvrait beaucoup à la construction de nouveaux quartiers de la ville. Pour beaucoup, il était celui qui allait sauver Shadow City. Depuis, il était d'ailleurs devenu l'un des hommes les plus respectés de la ville. On parlait même de lui pour le prochain mandat de Maire. Or à l'époque, Kara avait découvert les trafics entre Donnelly et son beau-père.  

En découvrant cela, elle avait pensé trouver un moyen de pression pour forcer son beau-père à quitter sa vie et celle de sa mère. Après une nuit passée avec Donnelly, elle avait dérobé des documents compromettants pour le Docteur Becket, grâce auxquels elle comptait le faire chanter. Sa mère allait souffrir de cette rupture, mais c'était aux yeux de Kara le seul moyen de les débarasser de cet homme qui sous couvert de sa réputation de médecin était en réalité un tout autre homme. Malheureusement pour elle, le Docteur Becket avait trouvé où elle avait caché les documents, et s'en était à son tour emparé. Le piège s'était alors retourné contre la jeune femme, son beau-père la menaçant de révéler à Donnelly ce qu'elle avait fait si elle ne faisait pas tout ce qu'il voulait.  

La jeune fille s'était alors débattu, était entrée dans une rage folle, et dans leur dispute, avait frappé son beau-père de plusieurs coups de couteau. S'apercevant de son acte, elle avait alors pris la fuite pour éviter la prison. De plus, elle craignait que Donnelly ait déjà découvert ce qu'elle lui avait fait, et qu'il ne la traque pour récupérer ses papiers. Or elle ne savait pas où son beau-père les avait cachés.  

Pendant toutes ces années, elle avait du vivre cachée, se prostituant pour gagner de quoi vivre, en laissant tout le monde la croire morte. Mais aujourd'hui, l'arrivée de cette romancière dont la réputation la précédait lui faisait entrapercevoir une lueur d'espoir. Si elle était si douée, peut-être parviendrait-elle à découvrir où le Docteur Becket avait caché les documents. Grâce à ceux-ci, Kara pourrait négocier un accord avec la police en leur livrant Donnelly.  

Son avenir était désormais entre les mains de cette Malaury Richards. Elle avait plusieurs fois entendu parler d'elle, et lui faisait toute confiance. Son calvaire était peut-être bientôt terminé.  

- Shadow City, 30 Septembre, 22h12 -  

Caché dans l'obscurité, derrière le volant de sa voiture, l'homme observait la fenêtre de l'appartement de Malaury Richards. Lorsque la lumière s'éteignit, il saisit son téléphone portable et composa le numéro de son patron, qui l'avait chargé de la surveiller. Il ignorait pourquoi il lui avait confié cette mission, mais il avait compris que celle-ci était de la plus grande importance. Comme tout le monde il avait plusieurs fois entendu parler de cette femme, cette ex-journaliste qui aujourd'hui était auteur de best-seller. Il ignorait ce que son patron pouvait bien avoir après elle, mais il n'était pas déterminé à le décevoir.  

Comme promis, il le tiendrait informé de ses moindres faits et geste, et n'allait pas la lâcher d'une semelle.