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Drexl Production présente
Des jours pénibles

Le thé, c'est la vie, pense Charles en versant le chaud breuvage dans une petite tasse fleurie. Il tend celle-ci à son épouse avec précaution. "Prends garde à tes mains, c'est brûlant". Thérèse agrippe le récipient sans se soucier de la mise en garde. Elle tremble, renverse un peu de liquide sur le carrelage alors qu'elle marche tranquillement vers sa chaise. Une fois assise, elle prend une lampée. "Aïe! C'est brûlant, Charles." Le vieil homme ne répond pas. Il répond de moins en moins souvent à ce pauvre petit bout de femme à la dérive. Il se demande comment il fera quand, bientôt, elle sera complètement sénile. Charles craint de ne pas avoir la patience qu'il faut. Il est vieux, lui aussi. Usé.  

 

L'après-midi, Charles la passe à l'extérieur. Il fait un soleil radieux et la température est parfaite, ni trop chaude, ni trop fraîche. Il s'occupe de ses plantes, en pleine floraison. Elles sont magnifiques. Quelques années plus tôt, la municipalité lui a décerné un prix pour récompenser son aménagement paysager. Mais aujourd'hui, Charles est un peu dépassé. Il tond la pelouse moins souvent. Il a du mal à rester longtemps les genoux sur le sol, le dos courbé. Il s'accorde des pauses, fréquentes, bien conscient de son âge et de sa condition. Reste que pour lui, la passion est toujours là, et tant qu'il lui reste des forces, il continue d'essayer d'embellir un peu son monde.  

 

L'assiette tombe et se fracasse au sol, projetant des bouts de macaronis un peu partout dans la cuisine. Thérèse émet un hoquet de surprise. "Quelle maladroite je fais". Charles se lève en poussant un soupir. "Rassieds-toi, mami. Je vais m'en occuper. Faut que t'arrête de toucher aux choses, la vieille." Charles se montre un peu dur avec son épouse. Il sait qu'elle ne contrôle plus ses tremblements, mais elle semble refuser de l'admettre. Il faut toujours qu'elle touche à tout. Le vieil homme prend une nouvelle assiette et y dépose quelques macaronis trop cuits qu'il sert à Thérèse. "Tu manges maintenant." Charles s'occupe de ramasser le dégât pendant que sa femme déguste le repas qu'il a préparé.  

 

Le téléphone sonne. "Charles, on sonne à la porte." Charles lève les yeux en l'air. Il se redresse péniblement. Ses articulations lui font mal. Il se dirige d'une démarche lente vers le combiné, à l'autre bout de la maison. Il y arrive, finalement. Il répond d'un ton sec, de mauvais poils. "Euh... Qui parle ?" demande une voix féminine. "C'est toi qui m'appelle, la petite, à toi de savoir," répond Charles, excédé par tant d'impertinence. La fille met fin à l'appel. Le vieil homme lance un juron et revient dans la cuisine. Thérèse a terminé son repas. Charles débarrasse la table pour elle et l'aide à se rendre à sa chaise. Il allume la télévision. Un bon documentaire, ça le calmera. Il s'endort dans le salon. Thérèse aussi.  

 

Charles se réveille dans son lit. Son épouse est là elle-aussi. L'homme n'a pas souvenir d'avoir gagné la chambre à coucher. Il doit commencer à perdre un peu la mémoire. Il se rend dans la cuisine, prépare des rôtis tartinées de confitures de fraises. Une odeur bizarre attire son attention. C'est la même odeur qu'il produit lorsqu'il va à la toilette. Cela semble provenir du salon. Charles décide d'enquêter. Il se rend au salon et y découvre, sur le fauteuil, son propre corps inanimé. À ses côtés, Thérèse est toujours sur sa chaise, les yeux fermés, la bouche entrouverte. Charles s'approche de lui-même et s'administre une petite claque au visage. Aucune réaction. Mais qu'est-ce que... La télévision est toujours allumée au canal des documentaires.  

 

Le téléphone sonne. Charles décroche le combiné, mais il est incapable d'articuler un mot. "Allo, Allo y'a quelqu'un ?" Toujours cette même voix féminine que Charles ne reconnait pas. "On a donné votre numéro en cas d'urgence. Nadia a eu un accident. Vous la connaissez ?" Nadia. Charles connait ce nom. C'est le nom qu'il a donné à sa propre fille, il y a quarante ans. Une fille qu'il n'a jamais connu. À l'époque, il buvait comme un trou à tous les jours. Il avait rencontré cette femme, belle comme les étoiles, et lui avait fait un enfant. Un enfant qu'il n'avait jamais pu voir, à cause de sa violence. C'est Thérèse qui, plus tard, lui avait enseigné la patience.  

 

Charles tente de parler, sans succès. Il se retourne et, laissant tomber le combiner, se met à brasser le vieil homme inerte sur le fauteuil, dans l'espoir de le réveiller. Rien n'y fait. Il se dirige vers la chambre et y trouve Thérèse, parfaitement éveillée, l'air plus en forme que jamais. "On a sonné à la porte ? Qui était-ce de si bonne heure ?"  

 

Charles réprime un début de colère.  

Combien de temps avant qu'on ne les découvre ?  

Les prochains jours allaient être pénibles...  

 

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Charles - Jean-Luc Bellot  

Thérèse - Salome Hanson

Scénario :
une série Z dramatique de Sharon Nicotero

Jean-Luc Bellot

Salome Hanson
Sorti le 31 août 2030 (Semaine 1339)
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