- 24 Décembre 1965, Easton -  

Après une dure nuit de travail dans son club, le "Purple Howl", un célèbre club de soul de la ville où ont défilé Ray Charles, James Brown, Samm Cooke, Jackie Wilkinson et Otis Redding, Amos Z. Tomlins ferme l'établissement, et rejoint sa voiture sur le parking arrière. La nuit est glaciale, et la ville silencieuse. En ce réveillon de Noël, plus personne ne traîne dans les rues. Le patron du club se dirige vers sa voiture et s'apprête à y entrer lorsqu'une voix l'interpèle dans son dos. "Joyeux Noël, vieux !"  

Avant d'avoir eut le temps de se retourner, un coup de feu retentit et déchire l'épaule d'Amos. Sans perdre un instant, le patron du club saisit l'arme qui pend sous son imperméable et riposte tout en se mettant à couvert, derrière sa voiture, se glissant entre les balles des trois hommes qui lui tirent dessus. Puis d'un tir, il abat l'un de ses agresseurs d'une balle dans la tête. La seconde touche son autre cible en pleine poitrine. Hurlant de rage, le troisième canarde la voiture pour ne pas laisser le temps à Amos de lui tirer dessus, mais ce dernier s'est couché au sol, et pointe son arme sur la cheville de son dernier agresseur, par dessous la voiture. En s'écroulant au sol lorsque la balle lui traverse le pied, l'homme perd son arme qui glisse sur le sol verglacé à plusieurs mètres de lui.  

Amos se redresse alors, l'épaule ensanglantée, et se rapproche de l'homme toujours en vie. Pointant son arme droit sur sa tête, à quelques dizaines de centimètres seulement de sa cible, il fixe celle-ci droit dans les yeux avant de l'abattre de sang froid, sans se soucier des sirènes de police qui retentissent tout près. Avant que la police ne débarque sur les lieux, l'homme s'écroule au sol près de sa dernière victime.  

- Mars 1992, Centre correctionnel d'Attica, Etat de New-York -  

A la nuit tombée, la grille de sécurité s'ouvre pour laisser entrer le fourgon de transfert qui amène un nouveau détenu au pénitentier. Plus loin, celui-ci s'arrête puis le chauffeur descend pour ouvrir la porte arrière et faire sortir son voyageur ainsi que le collègue qui l'accompagnait. La tête basse, un jeune homme blond avance en trainant les pieds, encadré des deux gardiens. Passant une première porte, les deux hommes et leur détenu arrivent à la hauteur du guichet des admissions, et remettent à l'homme qui se trouve là le dossier de transfert du criminel.  

Arrêté pour le meurtre avec préméditation de sa fiancée et de son amant, Félix Mazza (Paulo Fischer), un jeune réparateur d'ordinateur de la banlieu de Newark, est incarcéré pour de longues années. Cependant, en découvrant son dossier, le guichetier ouvre de grands yeux et le relit à plusieurs reprise pour être sûr de ne pas s'être trompé. C'est pourtant bien ça, ce jeune homme au visage d'ange est incarcéré dans la cellule 701, avec le Soul Man. A croire qu'on ait décidé de le voir ressortir de là les pieds devant, et le plus tôt possible.  

Suivant les ordres qui lui sont donnés, l'homme inscrit alors le nouveau venu et laisse ses collègues l'esorter jusqu'à sa cellule. Toujours silencieux, Félix Mazza suit les deux gardiens et intègre ses quartiers sans dire un mot. Tandis qu'il s'allonge sur la couchette libre de la cellule, son nouveau compagnon allongé au-dessus reste lui aussi silencieux. Qui est donc ce gamin à la gueule d'ange ? Veulent-ils tout simplement sa mort où bien ont-ils quelque chose d'autre derrière la tête pour lui faire ainsi partager sa cellule ? Car au cours de ses vingt cinq années d'incarcération, peu de ses compagnons de cellule ont survécu plus d'une semaine.  

- 4 Juillet 1964, quelque part dans le désert de Pennsylvanie -  

Luisant sous un soleil de plomb, la cadillac blanche cabriolet ayant quitté New-York roulait en direction de Pittsburg. A son bord, Anthony "Half Finger" Giarolamo, un homme connu dans tout le milieu mafieux, et en qui tout le monde a confiance, accompagné de trois homme de main armés comme un bataillon de GI's.  

Depuis la prise de pouvoir de Cuba par Castro, les cinq familles de la mafia new-yorkaise ont décidé de changer leur fusil d'épaule, et d'aller investir leur fric ailleurs. Tandis que certains misent sur la Nouvelle-Orléans et la Floride, ces cinq parrains ont quand à eux les yeux tournés vers l'Ouest, vers Las Vegas, où ils possèdent déjà casinos et hôtels, mais où ils voient désormais plus grand. Pour ça ils décident de mettre chacun quatre millions de dollars au pot commun, soit vingt millions de l'époque en tout.  

Chargé d'envoyer le tout à destination, Tony "Half Finger" roule à bord de sa cadillac, avec sa valise pleine de biftons. Mais la voiture n'arrivera jamais à destination. Peu de temps plus tard, on les retrouvait tous les cinq, Giarolamo, ses trois hommes de main et son chauffeur, abattus en plein coeur du désert. La valise quand à elle a disparue...  

- Mars 1992, Centre correctionnel d'Attica, Etat de New-York -  

"Soul Man, tu as de la visite !" Voilà une phrase que le détenu entendait pour la première fois depuis vingt six ans. Restant d'abord tranquillement allongé sur sa couchette, appréciant peu cette mauvaise blague, l'homme finit par se redresser voyant que le gardien qui vient de prononcer cette phrase l'attend. Après que celui-ci lui ait ordonné de se dépêcher, Amos (Ewan Blakstad) descend finalement de sa couchette et accompagne le gardien jusqu'au parloir.  

Là, il découvre une jeune femme d'une trentaine d'années maximum, qui l'attend en masquant du mieux qu'elle peut son malaise. Lorsque le détenu est enfin installé face à elle, la jeune femme se présente à lui. Elle se nomme Angela (Sabrina Sbrizi), et lui annonce immédiatement la raison pour laquelle elle est là. Elle est sa fille. Sa fille ? Comment se fait-il qu'il ignorait son existence ? Angela lui explique alors qu'elle-même vient seulement d'apprendre l'identité de son père de la bouche de sa mère mourrante, une serveuse du club dont il était propriétaire. Ayant découvert qu'elle était enceinte peu de temps après l'incarcération d'Amos, elle a préféré cacher l'existence de cet enfant à son père. Mais à l'approche de la mort, prise de remords, elle a finit par tout avouer à sa fille.  

Amos Tomlins n'en revient pas. Voilà donc une nouvelle à laquelle il ne s'attendait pas. Lui, il a une fille. Mais pourquoi a-t-elle tenu à venir le voir ? Les larmes aux yeux, Angela lui explique que malgré ce qu'il a pu faire pour se retrouver où il était, elle tenait à faire la connaissance de son père. Pendant toute son enfance bien qu'elle ignorait qui il était, son absence avait été une grande souffrance pour elle. A présent qu'elle connaissait son identité, elle souhaitait donc profiter du peu d'instants qu'elle pouvait partager avec lui.  

L'homme et la jeune femme discutèrent alors un moment, sans trop savoir quoi se dire cependant. Que pouvaient avoir à se dire un détenu enfermé depuis bientôt trente ans et une jeune femme comme elle ? Malgré tout, lorsqu'il rejoignit sa cellule, Amos ne put masquer son trouble. Lorsqu'il rejoignit son co-détenu, Félix remarqua que celui-ci n'était pas dans son état normal. Un sourire satisfait se dessina alors sur le visage du jeune homme.  

- Janvier 1992, Maison de la famille Gambino, New-York -  

Assis dans son salon, au milieu des photos de famille qui trônaient sur tous les murs, Mario Gambino écoutait la nouvelle avec interêt. Voilà une histoire qui remontait à des années, et qu'il ne pensait pas voir remonter à la surface un jour. Et dire que pendant dix ans ils s'étaient tous arraché les cheveux à essayer de savoir qui avait fait le coup, graissant des pattes par centaines et secouant tous les indic'. Il y avait eut des coups de feu échangés, des pauvres gars complètement saouls qui voulaient faire les malins ou monter en grade, mais personne, même chez les flics, n'avait jamais été capable de retrouver l'argent, ni ceux qui avaient fait le coup.  

Non seulement ces gars-là avaient fait main basse sur les économies des plus grosses familles de New-York, mais ils avaient réussi en plus à s'en tirer sans même qu'on ne soupçonne qui ils étaient. Et voilà que tout un coup un type venait leur annoncer qu'il savait qui avait fait le coup ! Il s'agissait d'un certain Williams, un black sortant tout juste de prison et qui avait partagé sa cellule avec un type affirmant qu'il avait volé ce fric en 1964. Un soir, après s'être saoulé avec cet horrible tord-boyau fabriqué en prison, il avait commencé à parler tout seul dans son sommeil, et avait raconté que quand il était jeune il avait volé vingt millions à la mafia de New-York, mais que personne ne profiterait jamais de se pognon puisqu'il resterait en prison jusqu'à sa mort.  

Evidemment, la première réaction de Mario Gambino avait été de se dire que tout ça n'était qu'un ramassis de mensonge. Mais après réflexion, qui aujourd'hui était capable de ressortir une si vieille histoire, à moins de savoir au moins quelque chose à son propos ? Cela valait le coup de vérifier si tout cela était vrai ou pas, car il y avait quand même vingt millions à la clé.  

Mais comment réussir à faire parler cet homme qui avait gardé le silence pendant près de trente ans ? Debout près de la fenêtre, dans le salon familial, Félix Gambino avait écouté toute l'histoire avec attention, et choisi ce moment pour prendre la parole. Car il avait une idée pour obtenir ce qu'ils voulait de cet Amos. Pour ça, il fallait que la famille parvienne à faire enfermer un homme au Centre correctionnel d'Attica, dans la même cellule que ce black. Un plan réalisable, mais qui accepterait de s'en charger ? Qui accepterait de partager la cellule de ce monstre, l'un des meneurs de la révolte d'Attica ?  

La réponse de Félix surprit son oncle, car le jeune homme se proposait pour mener cette mission en personne.  

- Avril 1992, Centre correctionnel d'Attica, Etat de New-York -  

Marchant en direction des douches, Félix réfléchissait à son plan, et à son avancée. Cela faisait un mois qu'il avait été incarcéré, et il était parvenu à sympatiser avec Amos, en se racontant leurs vies respectives. Amos lui avait parlé de son club, qui représentait toute sa vie, de sa passion pour la Soul. Félix lui avait confié la vérité sur le meurtre de sa fiancée et de son amant, et sur le vieux fantôme de son père, abattu sous ses yeux par son oncle, qui le hantait toujours. Evidemment, il y avait du vrai et du faux dans ce qu'il racontait. Car jamais il n'avait tué sa fiancée, cette histoire ayant été créée de toute pièce pour le faire incarcérer. Par contre, en ce qui concernait son père, tout était vrai.  

Vingt ans plus tard encore, Félix revoyait son oncle Mario entrer en trombe dans leur maison, et tabasser son père qui avait osé porter la main sur sa mère. N'acceptant pas qu'on frappe sa soeur, Mario avait abattu son beau-frère sous les yeux de son neveu, un souvenir qui ne quitterait jamais le petit garçon qu'il était. Et aujourd'hui, il avait l'occasion de se venger de cet oncle à son insu. Car si Félix avait bien l'intention de parvenir à obtenir les confidences d'Amos à propos du fric qu'il avait volé, et à le convaincre de le mener jusqu'à lui en échange de son évasion, évasion qu'il organiserait avec l'aide de son oncle qui ne se doutait de rien, à aucun moment il n'avait l'intention de rendre ces millions à ce fumier.  

Avec l'aide de Lucille (Alyssa Mitchell), sa petite amie, et d'Angela, une amie qui avait accepté de se faire passer pour la fille d'Amos afin de lui offrir une raison de vouloir sortir d'Attica, il avait mis en place un plan pour piéger tout le monde : Amos, mais aussi son oncle.  

Pourtant s'il prenait la peine de bien faire attention aux détails de l'histoire de son co-détenu, il pourrait remarquer que si celui-ci était aujourd'hui en prison, et ne pouvait pas profiter de son fric, c'était à cause de ses co-équipiers sur ce coup, qui n'avaient pas voulu partager le magot et avaient préféré se débarasser des autres.  

Félix et ses complices ne risquaient-t-il donc pas de tomber dans le même piège ?  

Un sourire satisfait en travers du visage, le jeune homme entra dans les douches l'esprit serein, lorsqu'il s'aperçut qu'aucun gardien ne se trouvait là. Seuls trois ritals l'attendaient, bien décidés à lui casser la gueule. Car ils ne supportaient pas les fiotes qui se tapaient des black. Or ils ne voyaient pas d'autre raison au fait que Félix soit encore en vie après avoir partagé la cellule du Soul Man pendant un mois.  

Comprenant qu'il était piégé, Félix commença à se demander s'il avait eut raison de se faire ainsi incarcérer à Attica. Car s'il y avait beaucoup à gagner s'il réussissait à mener son plan jusqu'au bout, les risques qu'il encourait était également grands. Le premier coup qu'il reçut en plein visage lui confirma les risques qu'il avait pris, et lui fit regretter d'autant plus son choix.  

Passant près des douches, Amos Tomlins aperçu les trois mecs qui s'en prenaient à Félix, et hésita un moment. Devait-il intervenir ou les laisser faire ? Après tout, bien que depuis un mois il avait commencé à apprécier ce blondinet, il se demandait toujours ce que celui-ci faisait là, et pourquoi on l'avait mis dans sa cellule. Depuis un mois, il cherchait à le faire parler sans y parvenir.  

Mais si ces trois ritals le buttaient, jamais il ne saurait ce qu'il en était vraiment. Le Soul Man passa alors la porte des sanitaires, bien décidé à ne pas laisser le blondinet succomber sous les coups de ces types.  

(Script original, librement adapté de la bande-dessinée "Le casse - Soul Man" de David Chauvel et Denys)