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Loupieau Production France présente
Mission Bontemps : from London to Belgium

1804  

 

Cela faisait plus d’une heure et quart que Jack Portey (Alan Pover) filait sa proie dans les rues de Londres. Ses supérieurs du bureau de l’Intelligence Britannique lui avaient demandé de suivre un homme du nom de François Bontemps (Roy McAllister), qu’il soupçonnait d’être un espion à la solde de l’empereur des Français, agissant sous le couvert de ses activités industrielles. Comme toujours, Jack n’avait pas rechigné à la tâche : il adorait traquer les gens comme les chiens chassent les bêtes aux abois. Pourtant, il doutait en son for intérieur de la dangerosité potentielle de sa cible. Bontemps était célèbre dans le tout Londres pour avoir fait fortune dans l’importation de vins français – champagnes, bordeaux et autres bourgognes -, autant que pour les splendides réceptions qu’il donnait dans sa résidence de Mayfair. Pourquoi diable aurait-il risqué de tout gâcher pour un empereur qui, si l’on en croyait ses dires, l’avait contraint à l’exil ?  

 

Cependant, Jack devait bien admettre qu’il se déplaçait d’une manière étrange. Il ne s’agissait pas de sa démarche de canard boiteux ; sinon de l’incongruité de son trajet. Il l’avait filé depuis son domicile de Mayfair, un grandiose hôtel particulier de style victorien, et Bontemps avait alors semblé prendre la direction de Westminster, au sud-est. Mais plutôt que de se rendre au palais, il avait traversé la Tamise une première fois en direction de Southwark, puis une seconde pour se rendre à la City. Et voici désormais qu’il se dirigeait d’un pas aussi assuré que lui permettait sa claudication vers la petite paroisse de St-Giles-in-the-fields, située à quelques minutes à peine de chez lui. À quoi rimait donc ce petit manège ? Exaspéré, Jack Portey sortit sa montre gousset de la poche de son veston de laine croisé, qui détonnait parfaitement avec sa culotte de velours côtelé d’un rouge éclatant.  

« Shit, déjà cinq heure moins le quart ! C’est bientôt l’heure du tea. J’espère que ce froggy va finir sa balade avant la night, car ce soir, c’est rencard avec ma Lisbeth. Quelle shame que Rushald ait refusé qu’elle m’accompagne. »  

 

À quelques dizaines de mètres de là, Bontemps s’était arrêté au coin d’une ruelle fameuse pour sa mauvaise réputation. Il leva les yeux pour chercher la pancarte, la trouva enfin, puis s’engagea dans Stephen Street, que l’on surnommait encore une vingtaine d’années auparavant Gin Lane. Jack fut piqué au vif. Que diable pouvait-il donc fabriquer dans un endroit aussi sordide ? Il haussa les épaules et passa les doigts de sa main droite sur la pointe de sa moustache blonde, qu’il avait décidé de faire friser récemment. Lisbeth l’avait trouvé ridiculement irrésistible, et il refusait désormais de la faire tailler par quelqu’un d’autre que lui-même. Un petit rictus apparut sur ses lèvres : Bontemps semblait marcher encore plus prudemment qu’ d’habitude. De fait, les pauvres gens de St-Giles se retournaient sur son passage, peu habitués à voir un homme ainsi accoutré se pavaner dans ces ruelles où la misère avait remplacé le gin. Enfin, il lui emboîta le pas, en prenant toutefois le soin de laisser une distance raisonnable entre eux.  

« Il ne manquerait plus que je me fasse repérer ! »  

 

Bontemps erra quelques temps dans St-Giles, prenant à droite, puis à gauche, et revenant si souvent sur ses pas que Jack décida de s’allumer un cigare et de le fumer sur une petite place, adossé à une fontaine mousseuse où l’eau ne coulait plus depuis belle lurette. Enfin, il parut trouver son chemin. Bontemps s’engouffra dans un pub miteux de Bainbridge Street, le « Canard boiteux ». L’ironie de la situation arracha un sourire à l’espion anglais.  

« Qui se ressemble s’assemble », dit-il, et il poussa la porte à moitié dévorée par le mauvais temps éternel.  

L’intérieur du bar était aussi miteux que la devanture le laissait paraître. Quelques tables de récupération avaient été jetées ça et là. Jack en dénombra sept. Le pub était à moitié vide. Quelques femmes s’enivraient au comptoir, et l’une d’elle tenta même de l’embrasser. Son haleine trahissait sa consommation : du gin, et plusieurs verres. Jack la repoussa gentiment.  

« Bah quoi, pédale, je suis pas assez bien roulée pour toi ?  

- C’est surtout que vous semblez avoir beaucoup trop de miles au compteur. »  

L’autre le regarda d’un air interrogatif. Évidemment, elle ne pouvait savoir ce qu’était un compteur de voiture ou un moteur à explosion. La femme le dévisagea quelques secondes, puis une amie l’attrapa par le col et lui bourra un autre verre de gin dans la main. Alors, elle se retourna.  

Jack pivota sur ses talons et examina l’endroit plus attentivement. Dans un coin, un homme, qui devait être au chômage, car la majeure partie de l’assemblée était composée de femmes, était en train de peloter une gamine de seize ou dix-sept ans, laquelle semblait prendre la chose avec délectation. Une queue immense s’étirait presque du comptoir vers les latrines, et Jack devina qu’on n’avait pas seulement abusé de spiritueux. Un groupe de femmes discutait avec entrain de la meilleure façon de faire jouir un homme.  

 

Cependant, aucune trace de Bontemps. Il semblait s’être volatilisé. Jack sourit : cette fuite et tout le petit manège qui l’avait précédée le confirmait assez : le français avait quelque chose à se reprocher. Seuls les espions se soucient de semer ceux qui les suivent. Satisfait d’avoir rempli sa mission, Jack se fraya un chemin jusqu’au comptoir et commanda une pinte. Au lieu de l’habituelle ale anglaise, le barman lui servit une choppe d’une bière brune épaisse au possible. On aurait même dit qu’elle contenait encore des morceaux, et Jack préféra ignorer de quoi il en retournait. Il l’avala d’une traite, laissa quelques shillings sur le comptoir et s’en alla. Une fois sortit de St-Giles-in-the-fields, il consulta de nouveau sa montre. Cinq heures vingt ! Voilà qui lui laissa largement le temps de rejoindre sa douce Lisbeth.  

 

Il regagna d’un pas pressé son domicile, situé dans Camden. Jack eut tout juste le temps de changer de vêtements. Il enfila une chemise blanche et rose, celle que Lisbeth préférait, ainsi qu’un pantalon de velours rouge propre. En ouvrant son armoire, il parut hésiter quelques instants devant la demi-douzaine d’exemplaires identiques, avant de se décider pour un pantalon qui paraissait avoir été rapiécé.  

« A little souvenir de Moscou », dit-il d’un air enjoué.  

Il opta par la suite pour un nœud papillon rose crème qui se mariait parfaitement avec sa chemise, puis se décida pour une veste bleu marine. En s’examinant dans le miroir, il se trouva irrésistible.  

Jack descendit en hâte dans la rue et héla un taxi hippomobile. En prenant place sur la banquette, il regretta que la voiture à essence ne serait pas inventée avant une dizaine d’années au moins. Grâce à la machine, les espions de sa Majesté travaillaient activement à sa confection, mais connaissaient quelques ratés.  

La voiture le déposa dans Kensington, et Jack poussa la porte d’un élégant restaurant. Un majordome en tenue complète – costume noir et queue de pie – l’accueillit d’une voix froide :  

« Bonsoir sir, que puis-je faire pour vous ?  

- J’ai réservé une table au nom de Portey. »  

 

Le majordome haussa les sourcils. Visiblement, il ne s’attendait pas à ce qu’in individu accoutré de la sorte puisse se payer un tel repas. L’Angleterre devenait si décadente, en ce début de siècle, que cela en était désolant ! Il consulta néanmoins le registre d’un œil distrait.  

« Je ne trouve aucune réservation à ce nom, vous m’en voyez désolé. Bonne soirée.  

- Wait a minute, vous avez à peine regardé. »  

L’autre leva la tête de son registre, visiblement interloqué.  

« Vous permettez ? »  

Jack n’attendit pas sa réponse pour se porter à sa hauteur. Il le bouscula gentiment d’un coup de hanche pour se positionner bien en face du grand livre. Ses doigts s’attardèrent quelques instants sur le papier ivoire.  

« Là ! Je le savais. Il y a some choses que je ne peux oublier. »  

Forcé de s’incliner, le majordome referma le registre d’un geste sec et le conduisit à sa table, une petite table ronde, aménagée avec soin. Jack fut aussitôt frappé par le fait que les restaurants qu’il fréquentait d’ordinaire avaient tendance à entasser les tables les unes sur les autres, alors qu’ici, elles paraissaient distantes d’au moins dix mètres. Pour ce soir, ce serait parfait. Il aurait sans nul doute besoin d’intimité.  

 

Le majordome le fit asseoir à table et le laissa patienter seul. Lisbeth n’était pas encore arrivée. Alors, le stress le gagna. Ne sachant que faire en l’attendant, Jack ouvrit le menu qui était devant lui, et le referma aussitôt comme s’il venait de se brûler les doigts.  

« Fucking prices ! Bande de voleurs. »  

À ce moment, Lisbeth Salsbury (Ashley Curtis) fit son entrée dans la salle, et Jack ne fut plus capable que de la voir elle. Elle avait revêtue une somptueuse robe verte, qui moulait assez ses formes et dont le décolleté béant laissait entrevoir bien plus que la naissance de ses seins. Elle s’assit en face de lui, un grand sourire aux lèvres, tandis que Jack demeurait bouche bée.  

« Tu vas te décrocher la mâchoire, mon amour. Ce serait dommage de ne pas pouvoir goûter les plats du chef. »  

Jack secoua la tête de gauche à droite, comme pour se sortir du rêve éveillé dans lequel il était plongé.  

« Tu as raison. C’est juste que… Tu te souviens, lors de notre rencontre, en 1796, j’avais lorgné tes boobs comme aujourd’hui, et…  

- … et je t’avais foutu ma main in your face. Oui, je me souviens parfaitement.  

- Alors, c’est ça, l’amour ? »  

Elle ne put s’empêcher d’émettre un petit rire cristallin qui le fit fondre de désir.  

« Oui, sans doute. »  

Le serveur les interrompit brièvement pour prendre leur commande, puis ils recommencèrent à parler de tout et de rien. Lisbeth avait passé une journée ennuyeuse au bureau. De toute manière, rien ne la distrayait autant que les missions de terrain. Or, cela faisait presque un moins qu’on ne l’avait pas envoyé. Pire : depuis qu’Alan Rushald, leur boss, avait découvert leur liaison, ils n’avaient effectué que trois petites missions dans le temps tous les deux. La dernière remontait à plus de deux ans, et pour parler franchement, cela leur pesait sur le cœur, à tel point qu’ils se sentaient prêts de poser leurs démissions.  

Le serveur revint avec une bouteille de champagne – Jack avait décidé de dépenser sans compter pour ce grand jour, ce grand saut dans l’inconnu – et le leur servit dans deux flûtes avant de s’éclipser sans un bruit. Jack leva son verre en regardant Lisbeth dans les yeux.  

« À notre amour !  

- Et à la fin de notre job », ajouta Lisbeth d’un air espiègle.  

Ils trinquèrent et burent une gorgée de champagne.  

« Pas mal, s’enquit Lisbeth, mais…  

- Ahhhhh ! »  

Le sol se déroba sous leurs pieds et ils furent aspirés par une conduite d’aération. Cela leur rappelait vaguement quelque chose. C’était franchement désagréable, et surtout malvenu. Les deux amoureux se tenaient la main, impatients de descendre enfin de ce manège à sensation. Et dire qu’ils n’avaient englouti qu’une seule gorgée de champagne.  

« J’espère qu’ils ne me factureront pas la bouteille. Ce foutu majordome en est bien capable.  

- What ?  

- Non rien. »  

 

Alors, leur supplice s’acheva et ils débouchèrent dans le bureau d’Alan Rushald, leur directeur, qui était en train de siroter tranquillement un whisky dans un fauteuil art déco.  

« Vous en voulez un, Jack ? Je sais que je vous ai interrompu en plein dîner ce soir. C’est un Redbreast 1947, une très belle année. Ces irlandais sont bloody tenaces, mais lorsqu’il s’agit de faire du whiskey, cela semble payer.  

- Volontiers. »  

Rushald, qui approchait des soixante-dix ans, s’empara négligemment d’un verre posé sur la petite table et servit un verre à Jack.  

« Puis-je me permettre de remarquer que vous êtes splendide, my lady ?, reprit-il l’adresse de Lisbeth.  

- Vous êtes trop aimable, répondit-elle froidement.  

- Oh, j’y pense, voulez-vous boire quelque chose ? Un gin ? Un porto ? Une suze ?  

- Un whisky, sec. »  

Le directeur fit la moue, convaincue que les femmes n’entendaient rien au whisky, mais il s’exécuta. Après tout, il venait de les déranger en plein repas. C’était la moindre des choses. Il tendit le verre à Lisbeth, qui l’avala d’un trait sous son regard médusé.  

« J’espère que vous avez une bonne raison, reprit-elle d’un ton autoritaire.  

- Of course. Vous repartez en mission. Tout de suite. »  

Les deux amants se jaugèrent un instant. Leurs yeux pétillaient de bonheur.  

« C’est vrai ? Où allons-nous, demanda Jack, au comble de l’impatience.  

- En Belgique, en 1815.  

- Super, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas mangé de french fries, s’exclama Jack avec enthousiasme.  

- Bof, je m’attendais à manger mieux ce soir…  

- Quand partons-nous ?  

- Sur le champ. Votre mission concernera une fois de plus ce Bonaparte qui se fait désormais appeler Napoléon Ier.  

- On ne doit pas shoot him j’espère ? Parce que la dernière fois, ça n’a pas été un franc succès.  

- Non non, rassurez-vous, rien de tout cela. Nos agents nous ont rapporté qu’à l’époque où nous vous parachuterons, il ne lui restera plus qu’une poignée de jours à se dresser face à l’Empire Britannique. Votre mission consiste à vous approcher du maréchal Grouchy et à le convaincre de s’exiler en Angleterre une fois le règne de Napoléon achevé.  

- Pourquoi diable ferait-il quelque chose comme cela ? C’est un fidèle de l’empereur, tout le monde le sait.  

- Disons qu’il détient nombre d’informations qui peuvent nous êtres utiles dans le futur, et que la France ne lui témoignera aucune gratitude après Waterloo.  

- Waterloo ? C’est quoi ça encore ? Une nouvelle marque de gin ?  

- Non non, Jack, ne vous inquiétez pas. Il s’agit seulement de la plus grande victoire militaire de l’Angleterre. »  

 

Lisbeth jeta alors un regard à Jack. Ils se comprirent aussitôt.  

« Alors, vous êtes partants ? demanda Rushald.  

- Yes ! » répondirent-ils en cœur.  

La porte du bureau s’ouvrit à la volée, et une employée à l’allure androgyne (Lola Azul) les conduisit au-dehors, à travers un vaste dédale de couloirs qui devait les mener – ils le savaient – à la salle qui abritait la précieuse machine à voyager dans le temps. Le couloir donnait sur quelques bureaux où des secrétaires de sa majesté pianotaient sur des machines à écrire – plutôt que de gratter sur du papier à la plume d’oie.  

« Elle n’est pas à ton goût que tu ne la dragues pas ? » demanda Lisbeth en plaisantant.  

Jack la regarda avec un peu plus d’attention. La vue de son menton proéminent, parsemé d’un long poil brun planté au beau milieu d’une verrue charnue faillit lui arracher un haut le cœur.  

« Sans façon, thank you. »  

Ils connaissaient ce chemin si bien pour avoir effectué des dizaines de voyages qu’ils tournèrent à gauche au bout d’un couloir, alors que leur guide venait de s’engager sur la droite. Celle-ci revint aussitôt, confuse.  

« Sorry, vous avez raison. Je suis arrivée la semaine dernière, j’ai encore tendance à me perdre dans ce labyrinthe. »  

Elle s’engagea dans le couloir à la suite des deux agents spéciaux – très spéciaux – et sortit un gros trousseau de clefs de sa poche. Elle approcha l’une d’entre elles et fit jouer la serrure. Alors, ils pénétrèrent dans la salle de la machine. Celle semblait ne pas avoir bougé d’un pouce.  

« Voilà, vos vêtements sont sur la chaise. Monsieur Rushald m’a précisé que ce n’était pas la peine de vous mettre deux pièces à disposition… Je vous laisse vous changer, prévenez-moi quand ce sera fait. »  

 

Jack jeta un regard plein de concupiscence à Lisbeth, mais celle-ci lui répondit en le fusillant des yeux.  

« Une petite étreinte ?  

- No ! On ne fait pas attendre le roi, Jack.  

- Une toute petite étreinte alors ? Promis, je serais bref !  

- As usual… »  

Il s’approcha d’elle, à peine vexé par sa remarque, et ses mains commencèrent à se balader le long de ses hanches. Ils les fit remonter jusqu’au renflement des seins, puis les empoigna carrément à pleines mains et enfouit sa tête entre eux. Cela arracha un petit rire à Lisbeth.  

« Allez, grand fou. Plus vite on part, et plus vite on revient pour ce genre de câlin.  

- Ok, darling », murmura-t-il la voix rauque.  

Si Lisbeth Salsbury enfila de bonne grâce une robe moins voyante (et un décolleté beaucoup moins plongeant, au grand dam de son acolyte), Jack refusa lui de changer quoi que ce soit à sa tenue, prétextant qu’il s’était toujours habillé ainsi lors de ses missions, ce qui n’était pas très éloigné de la vérité.  

« Nous sommes prêts ! » cria-t-il.  

L’employée des services de sa Majesté avait dû patienter devant la porte, car celle-ci s’ouvrit aussitôt.  

« Très bien, s’exprima-t-elle. La machine est déjà réglée à la date et au lieu dit. Permettez-moi d’emporter vos affaires. Vous n’en aurez pas besoin, là où vous allez. Je vous remets aussi ces deux pistolets. »  

Jack s’empara du Colt Defender qu’elle lui tendait et le plaça dans l’étui qui pendait à sa ceinture. Lisbeth dissimulait le même genre d’accessoires sous sa robe.  

« Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter good luck ! »  

La jeune femme se retira sans un mot, en prenant soin de refermer la porte derrière elle. Jack en profita pour quémander un dernier baiser à Lisbeth, laquelle ne rechigna pas le moins du monde à lui offrir. Leurs langues s’unirent jusqu’à ce qu’elle émette une protestation.  

« Ta moustache me chatouille !  

- Je croyais pourtant que tu l’adorais ?  

- I do. Mais c’est l’heure de partir. »  

Jack acquiesça. Il tendit la main à Lisbeth avant de presser le bouton rouge qui devait les envoyer 11 ans plus tard. Un rayon de lumière parcourut la pièce. L’instant d’après, ils avaient disparu.  

 

 

*  

 

Un homme d’un certain âge referma la porte de la salle à voyager dans le temps. Ses traits trahissaient l’extrême concentration qui l’agitait. Il paraissait aux aguets. Soudain, une jeune femme à l’allure androgyne croisa sa route.  

« Vous cherchez quelque chose ?  

- Non, merci. Je remonte voir le boss. »  

Elle le fixa quelques instants puis passa son chemin. S’était-elle douté de quelque chose ? François Bontemps s’empressa de quitter le siège des renseignements britanniques.  

 

 

 

*  

 

« Chaque fois c’est la même chose ! On atterrit in the mud ! Regarde mon pantalon : on dirait qu’il n’a jamais été lavé.  

- Calme-toi ! Il y a plus grave dans la vie. Si si. Même pour ton pantalon. Je te rappelle qu’il a pris une bullet.  

- Certes. Bon, où sommes-nous ?  

- J’entends des tirs de fusils et de canons vers le nord.  

- Des canons ? Holy shit, mais combien sont-ils ? J’ai l’impression qu’ils crachent leur boulet dix fois par seconde.  

- Toi, tu ne t’es jamais retrouvé sur un champ de bataille.  

- No.  

- Come on, avançons ! »  

Ils se dirigèrent selon le bruit des coups de feu en espérant gagner l’arrière de la ligne de front, et non pas le cœur des combats. Au bout d’un quart d’heure de marche, ils entrevirent les premiers soldats. Ceux-ci ne portaient pas la livrée habituelle des soldats français, mais un pantalon serré, presqu’identique à celui de Jack à ceci près qu’il était bleu, ainsi qu’une capote bleu marine semblable à sa veste. De plus, les fusils qu’ils arboraient semblaient bien plus modernes que ceux de 1804, et Jack peinait à croire que l’industrie martiale ait pu faire tant de progrès en dix ans à peine. Comble de la surprise : ces soldats parlaient bien français. L’un deux, un gradé sans doute, s’approcha de Jack et le détailla de la tête au pied.  

« Votre nom, soldat ! hurla-t-il, visiblement hors de lui.  

- Jack Portey », répondit-il sans réfléchir.  

Lisbeth se tenait en retrait, la main contre sa cuisse, prête à dégainer son Colt.  

« Et bien, Jacques Potée, je vous conduis aux arrêts pour désertion. Le colonel décidera de votre sort ce soir.  

- Désertion ? Désertion de quoi ? Je viens à peine d’arriver !  

- Taratata. Le pantalon rouge que vous portez signe assez que vous avez quitté l’armée l’an passé.  

- Comment cela ?  

- Nous n’en utilisons plus depuis presque un an.  

- Je ne savais pas, I swear it !  

- Te fatigue pas, mon gars. Garde tes explications pour le colonel. Mais à mon avis, ce sera le peloton d’exécution. C’est ce que les traîtres comme toi méritent. »  

Ce faisant, il n’avait même pas prêté attention à la dizaine d’hommes qui s’étaient rapprochés de lui. Ils formaient désormais un cercle qui l’empêchait de fuir dans quelque direction que ce soit. Jack dégaina son revolver, mais les autres le mirent aussitôt en joue.  

« Pas un geste, où tu es mort, le prévint-il. Évite les effusions de sang, ça vaudra mieux pour toi. »  

La mort dans l’âme, Jack jeta son arme au sol. Les soldats se jetèrent sur lui pour le faire prisonnier. En se relevant, Lisbeth avait disparu.  

« Et dire que je souhaitais lui demander sa main au restaurant… Je n’aurais jamais cru qu’elle puisse m’abandonner ainsi. Misery ! »  

 

Le lendemain matin, à l’aube, Jack fut extirpé de sa cellule sans avoir vu le colonel, ni que ce soit d’autre. Le soldat qui le conduisait au-dehors avait sa baïonnette pointée entre ses omoplates : toute tentative d’évasion n’aurait été que pur suicide. La parole était la seule chose qui pouvait encore le sortir de là.  

« Où m’emmenez-vous ?  

- Tu verras.  

- Vers la mort ?  

- Un conseil : ne gâches pas ta salive pour rien. »  

Cette fois, les mots ne lui seraient d’aucun secours. Le couloir de la prison déboucha sur une porte qui menait au-dehors. Sans doute la cour intérieure où l’on fusillait les déserteurs. Jack ravala le peu de courage qu’il lui restait. Il allait sans doute mourir ici. Ses jambes manquèrent de se dérober sous lui, mais son geôlier le força à avancer encore. Alors, ils débouchèrent au beau milieu d’un champ. Un champ ?  

« What the fuck ? »  

Le garde ne répondit pas. Au lieu de cela, il relâcha son emprise.  

« Je me présente, lieutenant Pierre Bontemps (Howard Kwiat).  

- Enchanté, mais que diable ?  

- Votre femme m’a expliqué la méprise dont vous avez été victime. Disons qu’elle a su se montrer persuasive…  

- Persuasive ? Mais tu te fous de ma gueule ! Je sais comment my wife sait se montrer persuasive, you cunt !»  

Attrapant la crosse du fusil de ce pauvre Bontemps qui venait de le libérer, Jack lui asséna un coup à la mâchoire qui le fit paraître groggy quelques instants. Alors, une silhouette, tapie derrière les fourrés, se précipita à leur rencontre.  

« Jack, arrête ça immediately ! »  

La voix de Lisbeth.  

« Toi ! dit-il avec rage.  

- Je peux tout t’expliquer.  

- Oui, j’aimerai bien que tu m’expliques ce que tu as fait avec ce Bontemps alors que je… Bontemps ! Bontemps ! Pourquoi n’y ai-je pas songé plus tôt ?  

- Oui, c’est son nom, et alors ?  

- C’est aussi celui du type que j’ai filé cet après-midi, et qui m’a filé entre les doigts. À la française, quoi.  

- Tu crois qu’ils sont liés ?  

- On va lui demander. »  

S’approchant du lieutenant français sans même prendre la peine de lui demander s’il n’avait pas frappé trop fort, Jack l’aida à se remettre debout et le questionna.  

« Bontemps, comme Bontemps & Co, l’importateur de vins londonien ?  

- Hein ? Oui, oui, c’est cela. Avec cette foutue guerre, les affaires ne vont pas bien, et je ne suis pas sûr de pouvoir perpétuer l’entreprise de mes ancêtres encore très longtemps.  

- Ah, je le savais ! I knew it !  

- Quoi ?  

- Non rien. Alors, que faisons nous à Waterloo ?  

- Waterloo ? s’exclama Pierre Bontemps. Mais nous sommes à Ypres.  

- En Belgique ?  

- Oui, répondit Lisbeth, demeurée silencieuse jusque là. Mais nous ne sommes pas à la bonne époque. »  

Ce faisant, elle lui tendit une coupure de journal datant du 13 mars 1915, que Pierre devait avoir rangé dans ses effets personnels.  

« C’est la guerre ajouta-t-elle. Et cette fois-ci, il s’agit d’une guerre mondiale.  

- Cela demeure quelque peu emmerdant, acquiesça Jack. Au moins, nous nous battons toujours aux côtés des allemands, n’est-ce pas ?  

- Non, darling. Nous nous battons avec les français. »  

Jack perdit subitement connaissance.  

 

Quelques minutes plus tard, Lisbeth lui épongeait le front à l’eau froide tandis qu’il revenait à lui. Ses pensées ne pouvaient se focaliser que sur deux choses : comment allaient-il pouvoir se sortir de ce mauvais pas, et surtout, qui diable les avait envoyé un siècle plus tard dans les couloirs du temps ? Au moins, sa tendre Lisbeth était avec lui.  

« Enfin, tendre… Quickly said ! »  

 

Scénario : (2 commentaires)
une série A d'action (science-fiction/comédie) de Simon Nober

Alan Pover

Ashley Curtis

Roy McAllister

Lola Azul
Avec la participation exceptionnelle de Howard Kwiat
Musique par Terry Fiedel
Sorti le 19 mai 2051 (Semaine 2420)
Entrées : 26 394 801
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