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Loupieau Production France présente
From Morrigan to P.

Rose Flanagan était assise sur ce banc sombre et inconfortable, qui depuis une demi-heure déjà, les supportait, elle, et le poids de ses années – 88 pour être précis -. La vieille dame, dont seuls les yeux semblaient avoir gardé une lueur de vie, ces grands yeux bleus et vifs, qui contrastaient fort avec ce tout petit corps fripé et usé, aux cheveux définitivement ternis et blanchis. L’œuvre de la vieillesse, l’œuvre du Temps. Ce Temps qui passe indéniablement, et qui nous emporte tous un par un.  

Mme Flanagan, donc, était assise, le menton bien enfoncé dans le col de fourrure de son chaud manteau d'hiver, noir comme le crépuscule. Elle attendait, comme quelques rares personnes ici, que le train en direction de P. daigne bien vouloir montrer le bout de son nez en gare de Morrigan. Rose jeta un rapide coup d’œil autour d'elle: la gare était presque déserte: seules quelques ombres sombres et lointaines, aux contours incertains, semblaient s'affairer un peu. Un coup de sifflet sonore retentit, annonçant l'arrivé imminente du train. Rose se leva alors, imité par son mari, Padraig. Il la prit dans ses bras, et l'embrassa chaudement sur les deux joues, lui murmurant à l'oreille un petit «bon voyage» teinté d'émotions. Puis, Padraig se détourna, et s'en alla rejoindre les quelques ombres qui flânaient en la gare de Morrigan. Rose, jetant un dernier coup d’œil derrière elle, se mit à marcher de son petit pas de vieille dame, et ce fut péniblement qu'elle put enfin monter dans le compartiment du train.  

 

Rose était assise contre la fenêtre de ce vieux train comme hors du temps, aux roues énormes, qui atteignaient bien la hauteur d'une petite maison, et à la jolie locomotive de rouge et de noir, couleurs un peu écaillées mais qui donnaient à l'ensemble un style, et un charme non négligeables.  

La banquette cramoisie, elle, était bien plus confortable que le vieux banc sombre posé sur le quai. La porte du train était toujours ouverte, laissant s'engouffrer sans mal le froid glacial du dehors, et, par moment, quelques rares passagers, eux-aussi emmitouflés dans de lourds manteaux de peau, et qui semblaient tous aussi vieux que Rose, aussi étrange que cela puisse paraître.  

Soudain, un homme beaucoup plus jeune, au alentours de la quarantaine, fit son entrée dans le wagon, refermant la lourde porte d'acier derrière lui. Il tira un coup sur un fil d'argent qui pendait au-dessus de sa tête, et le train s'ébranla alors, mettant fin à l'attente, et aussi, à l'angoisse des quelques passagers. L'homme mit alors une casquette sur sa tête déjà dégarnie par endroits, et s'avança vers Rose:  

«Bonjour Madame, votre billet s'il vous plait!».  

Il avait lancé ces quelques mots d'un ton jovial qui, bien que le froid emplissait encore largement le wagon, venait de réchauffer un peu le cœur de la vieille dame. Rose fouilla une poignée de secondes dans la poche intérieure de son manteau, et tendit dans un sourire discret le fameux billet au contrôleur. Celui-ci s'en saisit avec délicatesse et l'inspecta rapidement du regard, avant de le tendre de nouveau à Rose, et de s'éloigner vers les autres voyageurs.  

 

Il avait été tant difficile de résister à l'appel du sommeil. Le froid ambiant, les paysages monotones et enneigés qui défilaient aux fenêtres givrées, et cette merveilleuse banquette aux accents rouges vifs, incroyablement confortable, avait finis par emporter Rose en la contrée magique des songes. Là, au moins, elle se sentait jeune, vive, belle encore, et aucune chose ne pouvait se refuser à elle. Ah, la puissance des songes, si grandes, et si douloureuses pourtant, quand sonne l'heure du réveil.  

Aussi, quand Rose se réveilla, il lui sembla qu'elle avait rajeuni un peu, que son esprit s'était un peu dégourdi, et qu'il faisait désormais plus chaud. Machinalement, elle jeta un coup d’œil au dehors et fut surprise d'y trouver un paysage fait de champs de blés, d'hirondelles et de ce soleil qui cognait. Elle ramena son regard vers l'intérieur du compartiment et se trouva nez à nez avec le contrôleur, qui lui souriait une nouvelle fois. Son rythme cardiaque s'accentua un peu, tel était l'effet de deux surprises coup sur coup.  

«N'ayez pas peur, je ne vous veux aucun mal», lui dit toujours en souriant le contrôleur. Rose lui rendit son sourire, un peu figé cependant, et lui demanda dans un murmure à peine audible avec le bruit du train:  

« Je le sais bien. Mais qui êtes-vous?  

- Stan Hanley, contrôleur de son état, misérable affecté à ce train peu fréquenté, et qui vient de trouver dans ce wagon la seule âme qui ne soit pas endormie.»  

Rose regarda autour d'elle et constata qu'en effet, tous les autres voyageurs, harassés et tiraillés par la fatigue comme elle l'avait été juste avant, dormaient profondément. Regardant à nouveau vers Stan, Rose brisa le silence qui s'était brièvement installé:  

« Quand le train arrivera-t-il vers P.?  

- Hum...Dans trois bonnes heures, tout au plus. Ce train voyage assez-vite, voyez-vous. Car le temps qui nous sépare de P. est assez conséquent pourtant...»  

Encore à moitié endormie, Rose ne releva pas.  

« Et qu'il y a-t-il de si intéressant à P. pour que si peu de monde emplisse ce train?  

- Ah, ça, Madame, je n'ai encore jamais mis les pieds à P., je n'en sais fichtrement rien!»  

Et puis, comme gêné, Stan se leva et partit, prétextant qu'il devait aller parler au conducteur.  

 

Une heure plus tard, Stan revint, et tira à nouveau sur la corde d'argent. Le train commença alors à freiner en douceur, et s'immobilisa après quelques minutes. La porte s'ouvrit en grand, laissant entrer un homme de grande taille, aux larges épaules et aux cheveux bruns, trempés par la pluie, qui retombaient en une large crinière sur sa nuque. L'homme releva les yeux et tendit son billet au contrôleur, avant que celui-ci ne lui ait demandé quelque chose. Puis, il s'approcha de Rose, et, se positionnant face à elle, lui demanda:  

«Cela vous dérange-t-il si je m’assois ici, Madame?  

- Non, au contraire, faites!», lui répondit Rose.  

A mesure que le train reprenait sa folle course, Rose ne pouvait s'empêcher de dévisager cet étrange visiteur. Derrière le journal qu'il lisait, elle devinait les traits d'un homme jeune, vigoureux, dans toute la la splendeur de la vie, loin de cette vieillesse accablante. Un homme jeune, et beau, si particulier. Rose ne savait trop dire pourquoi, mais cet homme lui semblait étrangement familier. Soudain, celui-ci, sentant certainement qu'il était observé, abaissa son journal, et adressa un franc sourire à la vieille personne qui se tenait face à lui. La conversation pouvais désormais s'engager.  

 

Après une bonne heure à parler, de tout et de n'importe quoi, de la pluie et du temps, du beau temps, de la belle époque même, de tout donc, et surtout de n'importe quoi, l'homme s'était levé. Pour aller aux toilettes, avait-il dit. Mais cela faisait bientôt une bonne demi-heure que Rose l'attendait avec impatience. Une demi-heure. Cela commençait à faire beaucoup, et Rose doutait désormais sérieusement de le revoir. Alors qu'elle se morfondait dans ses pensées, un jeune passa près d'elle. Un jeune? Le seul qu'elle avait vu jusque là, c'était cet homme qui venait de partir aux toilettes. Étrange. Elle appela alors le contrôleur qui passait par là:  

«Que se passe-t-il?  

- Nous roulons vers P., c'est tout.  

- Je veux dire, les gens?  

- Les gens roulent vers P. avec ce train.»  

Alors que Stan s'apprêtait à continuer sa marche, Rose lui posa une dernière question, tant l'évidence de la chose venait à l'instant même de la frapper:  

« Ce jeune homme, qui est monté tout à l'heure dans ce wagon et s'est assis un face de moi. Je crois que c'était mon fils, mais c'est impossible...  

- Vous êtes bien jeune pour avoir un fils, ma chère, lui répondit Stan. Mais, qui sait, rien n'est impossible,surtout ici.»  

Et il partit, laissant Rose seule avec le souvenir fantôme de cet homme, son fils. Comment cela était-il possible? Mark était mort il y a de cela 30 ans. Et puis, « Vous êtes bien jeune...». Rose regarda son timide reflet dans la fenêtre, et la stupeur prit définitivement le dessus sur toute autre chose.  

 

Alors que le train venait à peine de passer le panneau P.-88, Padraig se sentit bizarre. C'était la première fois que cette sensation l'emplissait.  

La gare de P. se dessinait enfin, et le train s'ébranla une dernière fois. Padraig avait remonté le temps, une fois de plus, et était arrivé au Passé. Ce passé si passé, que chacun qui y retourne, voit son existence être réduite à néant. Et Padraig n'avait pas eu le choix. Il venait de mener sa femme et son fils, brièvement ressuscité, au néant, comme avaient été menées de nombreuses personnes depuis des siècles, sous les ordres, indiscutables, de Morrigan, Hadès, ou Pluton. Il l’espérait, bientôt, ce serait son tour de rouler vers le néant. Comme toute chose.  

 

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Participe au concours Voyage dans le Temps.  

 

Avec:  

Elizabeth du Prez: Rose Flanagan vieille  

Anya Fox: Rose Flanagan jeune  

Patrick Maidstone: Stan Hanley  

Chris Kubota: Mark Flanagan  

Stjepan Boksic: Padraig Flanagan  

 

BO: Hate this and I'll love you - Muse (http://www.youtube.com/watch?v=C02-QgTQ7Yo)  

Scénario : (3 commentaires)
une série A fantastique de Simon Nober

Patrick Maidstone

Elizabeth Du Prez

Chris Kubota

Anya Fox
Avec la participation exceptionnelle de Stjepan Boksic
Musique par Gina Harland
Sorti le 26 mai 2029 (Semaine 1273)
Entrées : 21 602 692
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