La pièce est sombre, ténébreuse. La porte, entrouverte, laissait s'échapper un mince filet de lumière qui venait éclairer quelque peu les lieux. On parvenait ainsi à deviner le contours de quelques objets ordinaires ; des cadres, une horloge, et des chaises disposées autour d'une petite table à peine assez grande pour accueillir quatre personnes. Quelques verres minces, vides, trainaient sur cette table brute. Les traits du bois avaient dessiné une chose étrange. On aurait dit un jeu de société. Une main sortit de la pénombre, et s'empara de deux dés posés là. Ils s'entrechoquèrent pendant de longs instants, comme si l'homme qui les tenait voulait faire durer le suspense. Son suspense – il était seul -. Enfin, les dés s'abattirent et indiquèrent le chiffre « 7 ». L'homme prit son pion, un petit couteau bien aiguisé, et avança de 7 cases. Il tira une carte...  

Julia s'était soudainement affaissée. C'était comme si quelque chose d'invisible lui était tombé sur la tête. Elle se releva, se massant le crâne douloureux, et cherchant du regard l'objet de cette frayeur. Pourtant, il n'y avait rien sur le sol de son appartement. Elle prit un livre, et s’assit confortablement dans un fauteuil.  

L'homme retournait la carte désormais. Le visage de cette jeune femme lui apparut, et un sourire mauvais parcouru ses lèvres. Il la reposa, face visible, sur la table, et entreprit enfin de lire ce qui était marqué sur la table. « Vous êtes dans la salle de torture. Prenez du plaisir et avancez de deux cases ». L'homme s’apprêtait à faire avancer son couteau de deux cases, mais il comptait bien prendre du plaisir, avant.  

La lumière s'était éteinte. Un silence à glacer le sang parcourait désormais la pièce. Au dehors, un puissant éclair stria le ciel avant que le tonnerre ne gronde à son tour, laissant paraître la fureur des cieux à tous. La lumière qui s'était propagée dans la pièce grâce à l'éclair avait illuminé pendant quelques secondes cette pièce redevenue sombre depuis. Le fauteuil avait été lacéré de coups de couteau, son « ventre » et ses « tripes » ressortaient. Au sol, il y avait quelque chose, cette-fois. Julia était étendue, face contre terre, tenant toujours dans sa main le livre qu'elle lisait avant. Ce livre était tâché de sang. De son sang.  

Mike - car c'était bien là son nom – venait de terminer son premier tour. Et il s'était amusé comme un petit fou. Une joie intense et noire emplissait ses yeux. A la case « salle de torture » avait succédé la case «Nouvelle arme : la scie ». Il était désormais grand temps de rejouer. Car Mike avait bel et bien une partie à finir. Le même rituel étrange et muet reprit. Les dés s’entrechoquaient dans la main fermée de Mike. Elle s'ouvrit et les dés jaillirent à nouveau. Cette fois-ci, ils indiquaient « 3 ».  

Julia reprenait peu à peu ses esprits. Elle ne savait pas ce qui s'était passé. Machinalement, elle se massa les tempes – c'était ce qu'elle faisait quand elle avait mal à la tête -. Pourtant, elle s'aperçut vite que quelque chose n'allait pas. Elle saignait. Elle essuya ses mains dans son pull tout neuf, et entreprit d'aller nettoyer la plaie béante qui continuait de saigner abondement. Mais elle n'eut pas le temps d'atteindre la porte, elle s'écroula avant qu'elle ne puisse poser sa main sur la poignée.  

Mike était tombé sur la case « Violence gratuite ». L'une des meilleures du jeu, selon son humble avis. Cette femme allait subir toutes sortes de choses immondes. Il pourrait lui faire ce qu'il voulait. Et le meilleur, c'était qu'il le ferait sans jamais la toucher ni même l'effleurer.  

Pour autant, cette partie n'était pas gagnée pour Mike. Pour remporter la victoire, il devait en effet traverser toutes les cases du plateau. Le prochain tour pourrait être le bon. Ou pas. Il pouvait tomber sur la case « Fin de vie », ce qui signifierait qu'il aurait gagné, tout comme il pouvait atteindre la case « hôpital », qui sauverait Julia d'une mort certaine, lente, et douloureuse.  

Les dés remuaient de nouveau entre les mains jointes de Mike. Soudain, ils roulèrent sur la table. On était tout près de connaître enfin l'issue de ce « sanglant jeu de dés »...