Skiverton & Co. était l'entreprise qui dominait tout le marché du pays. Les dirigeants de cette grande firme spécialisée dans la technologie avaient pour habitude d'écraser la concurrence. C'était un peu comme une histoire de famille, chaque fils Skiverton était destiné à ça. Mais Harry Skiverton (Harvey Winter), l'actuel PDG, avait une fâcheuse habitude que ne possédaient pas ses «illustres» ancêtres: il avait la main un peu lourde. En effet, il se montrait tellement dur et impatient avec ses employés qu'il lui arrivait très souvent – trop, aux dires des syndicats – de renvoyer quelques employés vers le pôle emploi, pour divers motifs, tous plus incongrus que les autres. Sa réputation était telle que certaines personnes affirmaient même qu'il lui arrivait de virer quelques gens pour son simple plaisir. Il s'était alors mit en place un odieux système où chacun pouvait parier sur qui serait le prochain à faire ses valises.  

Maggy Lofthon était une jeune femme d'une vingtaine d'années. Elle vivait seule dans son petit studio du centre ville et travaillait durement chez Skiverton & Co. En cette belle soirée ensoleillée de mai où soufflait une légère brise rafraîchissante, la jeune employé en comptabilité se rendait à sa voiture. Il était 19h et elle venait à peine de quitter son bureau. Elle démarra et s'engouffra dans les grands axes bouchés par la circulation qui devaient la conduire à son domicile.  

La jeune femme était assez énervée lorsqu'elle poussa la porte d'entrée de son appartement. Après sa longue journée de travail, elle avait dû affronter la circulation infernale pour enfin rentrer chez elle. Maggy ouvrit la boîte aux lettres: il n'y avait que de la pub. Elle jeta tout ça et commença à se préparer à manger, lorsqu'une petite sonnerie retentit. C'était son ordinateur portable. Elle s'approcha de l'écran et ouvrit le message qui s'afficha en grand.  

Mlle Maggy Lofthon, vous êtes virée. Motif: Vous paraissiez trop fatiguée.  

Harry Skiverton.  

Il ne fallait pas beaucoup de lettres ni de temps à Harry Skiverton pour faire du mal.  

Le lendemain, au bureau de comptabilité.  

- Alors Hélène, je l'avais parié que Maggy serait la prochaine à partir! Tu as mes billets?  

La femme en question (Marie Alborth), d'âge mûr, était une comptable ordinaire, qui, comme tout le monde ici, s’adonnait à ce jeux. Elle n'avait jamais grimpé dans l'entreprise, bien que cela faisait presque 15 ans qu'elle y travaillait. C'était en quelque sorte une miraculée. Hélène vivait avec sa fille de 8 ans (Lisa Gould), qu'elle a eu tardivement. Hélène regarda l'homme qui lui adressait la parole, puis, le cœur serré, elle plongea sa main dans son sac en imitation de peau de crocodile et en retira une grosse liasse de billets de 50 $. L'homme prit la liasse et entreprit de la compter.  

- 500 $, le compte y est! Merci Hélène, ajouta-t-il avec un sourire goguenard.  

Ce soir, Hélène rentrait chez elle, dans sa petite voiture cabossée. Elle ne cessait de penser à ces 500 $. Elle rentra chez elle, le cœur gros. A peine eut-elle poussé la porte de chez elle que sa petite fille lui sauta au cou pour l'embrasser.  

- Alors, maman, on va au restaurant?  

- Euh, en fait, je ne me sens pas très bien. J'ai mal à la tête, ma chérie. On verra la semaine prochaine si tu veux bien.  

- Mais t'avais dit qu'on irait ce soir!  

- Stop, Mélanie! Arrête! Je t'ai dit que j'ai mal à la tête.  

La pauvre gamine s'éloigna alors, comprenant qu'il ne fallait pas insister. Hélène, elle, était honteuse de ne pas avoir pu payer un restaurant à sa fille adorée à cause de ce pari. Elle devait impérativement se refaire la face, car elle avait perdu gros.  

Le weekend était passé, aujourd'hui était lundi. Hélène se rendit à son travail, espérant de tout cœur pouvoir se renflouer les poches avec un nouveau pari. L'homme de la dernière fois débarqua dans le bureau guilleret. Était-ce l'effet que faisaient 500 $? Il ne prit même pas la peine de dire bonjour à ses collègues et annonça d'un ton tout aussi joyeux qu'il y avait un nouveau pari. D'après une source sûre, la prochaine place éjectable se jouerait entre deux personnes. Entre deux jumeaux, Will (Adrian Harland) et Phil (Howard Kwiat) Foden. C'était là l'occasion rêvé pour Hélène. Par le passé, elle avait eu l'occasion de rencontrer l'un des jumeaux, Will. Et, ce dernier lui avait paru impoli, fouineur et prétentieux. Elle miserait pourtant sur l'autre. Car elle avait un plan.  

- Je mise 5 000 $ sur Phil! Qui me suis?  

- Moi. Tu n'y vas pas de main morte, dis donc. Mais je te suis. Je mise sur Will, répondit l'homme.  

Beaucoup d'autres collègues répondirent présent également à l'appel de l'argent, si bien que la somme totale mise en jeu était de 40 000 $, à se partager en 4 pour les vainqueurs.  

L'homme était sûr de son coup, et pour cause, sa source sûre n'était autre que Harry Skiverton, dont il était l'un des rares protégés. Mais Hélène aussi était certaine de sa réussite.  

Le soir même, Hélène, enfin assise chez elle, dans son canapé, mit en œuvre son plan. Elle prit son combiné et composa le numéro subtilement volé dans la journée. Cela sonna trois fois avant que Phil Foden ne décroche.  

- Bonjour Phil. J'ai, comment dire, un petit compte à régler avec votre frère. Je voudrais que vous l'éliminiez. Définitivement. En retour, je vous promet 2 500 $.  

L'autre acquiesça, puis raccrocha. Il voulait bien tuer son frère. Ce n'était pas si étonnant que cela, au vu de ce que l'on raconte sur les relations qu'entretiennent les deux jumeaux: ils ne peuvent tout simplement pas se voir. Et puis, Phil était motivé par la perspective de l'argent.  

Le lendemain, au soir, Phil avait quitté son travail cinq minutes plus tôt qu'à son habitude. Il attendait, terré dans le parking, de voir son frère surgir. Ce dernier apparut enfin. Phil le tenait dans sa ligne de tir. Alors qu'il allait presser la gâchette, quelqu'un lui tapota l'épaule: c'était Harry Skiverton.