Sur les pavés humides de la rue, au milieu de laquelle ils gisaient l'un à côté de l'autre, Mia (Courteney Campbell) observait en sanglottant leurs sangs se mélangeant l'un à l'autre. Assise sur les pavés, elle avait reposé la tête de son petit ami sur ses jambes et lui caressait doucement le visage, tout en se tenant le ventre de l'autre main. Blème, Brett (Adrian Ireland) observait sa bien aimée d'un regard fatigué. Observant les yeux remplis de larmes de la jeune fille, il ressentit soudain ce qu'il cherchait à retrouver depuis tant de temps sans y parvenir, alors qu'il sentait sa fin arriver.  

Tout en caressant le visage de l'homme qu'elle aimait, Mia suppliait le ciel de ne pas le lui retirer, pas maintenant. Elle observa le sang qui s'écoulait d'elle, et allait se mêler à celui de Brett, comprenant ce que cela signifiait. Elle qui n'avait pas réussi jusque là à annoncer la nouvelle à son petit ami, ne sachant pas comment il allait la prendre, ne trouvait pas la force encore de lui révéler la vérité. Devait-elle lui annoncer qu'elle était enceinte alors même qu'il était sur le point de mourir, et que le sang qui s'écoulait d'elle semblait indiquer le pire pour son bébé ? Observant le sang de Brett et le sien qui se mêlaient sous ses yeux sur les pavés, la jeune femme comprenait qu'elle était en train de perdre les deux seuls êtres importants pour elle, les deux seuls êtres à qui elle tenait, qui avaient donné un sens à sa vie.  

Malgré la violence de ses gestes, ce qu'elle ressentait en faisant l'amour avec lui était tout à fait différent de tout ce qu'elle avait ressenti jusque là. N'ayant jamais connu que des amours violentes, d'hommes qui la traitaient comme un animal, sans aucune considération pour elle, elle n'était pas choquée par la force avec laquelle son petit ami la prenait. Au delà de cette violence, elle ressentait quelque chose de différent des autres hommes avec qui elle avait couché. Allongée sur le lit, les mains maintenue avec une telle force qu'elle sentait ses poignets douloureux, elle profitait de la jouissance de cet amour que lui offrait cet homme.  

Debout sur le parapet, Brett observait le fleuve sous ses yeux, sombre et opaque comme le ciel sans étoile de cette nuit d'hiver, qui allait le libérer de cette souffrance qu'il ne supportait plus. Brisé, il n'arrivait plus à trouver aucune raison de vivre. Trompé et abandonné, il ne ressentait plus rien. Il se sentait comme vide. Et pourtant à ce moment, il eut encore un instant d'hésitation.  

C'est alors qu'une voix douce retentit derrière lui, lui demandant ce qu'il faisait là. Se retournant, Brett observa la jeune fille qui se tenait debout sur le pont, les yeux rivés sur lui. Malgré le maquillage et la tenue vulgaires qu'elle portait sur elle, il lut dans les yeux de la jeune femme une tristesse, une mélancolie qui lui parla. En croisant son regard, il ne se sentit soudain plus la force de sauter. Les deux êtres restèrent se fixer silencieusement quelques secondes, durant lesquelles le temps semblait s'être arrêté.  

Puis la jeune femme approcha du parapet, et tandis la main vers Brett, pour l'inviter à descendre, du bon côté du pont. Après une dernière hésitation, durant laquelle il jeta un dernier coup d'oeil au fleuve sous ses pieds, le jeune homme attrappa la main qui lui était tendue.  

Retournant la jeune fille sans ménagement, le jeune homme lui plongea la tête dans les coussins du lit et la saisit par les hanches pour la prendre avec toujours autant de vigueur. Sans comprendre pourquoi il avait besoin de ça, il semblait décharger sur cette fille pour laquelle il ressentait pourtant un amour fou, un amour sans limite, toute la rancoeur et la souffrance qu'il avait en lui, cette rancoeur qu'il avait pour celles qui l'avaient tant fait souffrir jusque là, et qui lui avait fait perdre confiance en lui, et en les autres. Tiraillé entre cet amour pour celle qui l'avait sauvé de la mort, et cette haine enfouie en lui qui ne demandait qu'à s'échapper, il se laissait emporter par les deux à la fois dans cet amour inconditionnel et sans limite.  

Ecartant doucement le rideau, Mia observa l'homme qui restait là, dans la rue, attendant qu'elle sorte. En disparaissant comme elle l'avait fait, la nuit où elle avait rencontré Brett, elle avait craint que ceci n'arrive, mais avait naïvement pensé qu'il l'oublirait. Mais à présent, elle était persuadée que cet homme sous sa fenêtre, qui attendait en fumant une cigarette, travaillait pour son Mac.  

Vendue par des parents sans le sous, alors qu'elle avait à peine dix ans, pour payer leur voyage jusque dans ce pays qui représentait pour eux l'eldorado, Mia n'avait jamais connue qu'une vie d'esclavage, au service de ces hommes prêts à payer pour coucher avec une petite fille de son âge. Pendant près de dix ans, elle avait été brisée et salie. Traitée avec moins de respect qu'un animal, elle avait connu de très nombreux hommes, sans qu'aucun ne lui accorde un quelconque intérêt. D'abord offerte dans une chambre miteuse, elle avait été mise sur le trottoir alors qu'elle avait tout juste quatorze ans. Et depuis, elle avait passé toutes ses nuits à chercher des clients pour rapporter à son proxénète la somme qu'il lui demandait. Pour rembourser la dette de ses parents, selon ses dires.  

Mais si la jeune fille avait un temps espéré un jour être libéré de cet esclavage, elle avait fini par comprendre la vérité. Jamais ce sale type ne la laisserait partir. Résigné, elle avait fini par accepter son sort, sans aucun espoir de voir un jour sa vie changer. Jusqu'à cette nuit où elle avait vu cet homme debout sur le pont, prêt à se jeter. Depuis cette nuit, elle se prenait à espérer une vie meilleure.  

Mais en voyant cet homme attendant sur le trottoir, ses espoirs s'envolaient, car elle était convaincue qu'il était là pour elle, pour la ramener à l'homme qui la possédait depuis toutes ces années.  

Allongée nue sur le lit, le visage de son homme posé sur sa poitrine, elle sentait son coeur battre dans sa poitrine. Depuis toutes ces années, elle n'y avait plus fait attention, comme si elle ne vivait plus. Mais avec lui, elle se sentait de nouveau vivre. Sa violence ne la choquait pas, elle n'avait jamais connu que ça. Caressant d'une main la chevelure de celui qu'elle aimait déjà tant, elle laissa échapper une larme, elle qui s'était promis de ne plus jamais pleurer.  

Mais cette fois-ci, elle ne pleurait pas pour les mêmes raisons. Cette fois-ci, il s'agissait de larmes de joie. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle ne se rappelait plus avoir pleuré une seule fois de cette manière. Ignorant s'il était réveillé ou pas, elle se laissa alors aller, et pleura encore.  

La violence avec laquelle il fut plaqué contre le mur ne lui fit aucun effet, bien que l'homme qui l'agressait espérer l'impressionner. Les menaces n'eurent pas plus d'effet. L'homme le menaçait de le descendre s'il ne lui ramenait pas Mia. Mais Brett affirma ne pas connaître celle qu'il recherchait. Evidemment, son agresseur ne le croyait pas. Mais peu importe. Ses menaces n'avaient aucun effet sur Brett. La vie ayant perdu tout sons sens à ses yeux, le menacer de la lui retirer ne l'effrayait pas du tout, au contraire. Soutenant le regard de l'autre face à lui, il affirma de nouveau ne pas connaître Mia. Il était mal informé, il se trompait de type.  

L'homme le poussa alors à nouveau avec violence, et lui lança un dernier conseil. Il lui laissait trois jours. Après ça, il les retrouverait, et il les descendrait tous les deux. Observant son agresseur qui s'éloignait, Brett resta impassible. Comment faire comprendre à ce type que ses menaces n'avaient aucun effet sur lui ? Quoique... Car depuis qu'il avait rencontré Mia, Brett se sentait reprendre goût à la vie. Lui qui s'était senti brisé, n'avait jamais cru cela possible jusque là. Etait-il possible qu'elle parvienne à effacer ses blessures ?  

Elle qui semblait souffrir tant elle-même, saurait-elle faire disparaître ces démons qui assombrissaient son esprit. Elle-même semblait avoir changée depuis cette nuit où ils s'étaient rencontrés. L'un comme l'autre semblait reprendre espoir. Pourtant, leurs blessures étaient profondes, et seraient longues à guérir. Mais à deux, ils seraient sans doute plus forts.