Les cimes sombre des arbres morts côtoyaient le ciel ténébreux dans une harmonie triste et froide. Le cri d'un oiseau sur une branche retentit, puis, il s'envole vers l'inconnu. La terre est sale. Une grande bâtisse sombre se dresse ainsi dans ce paysage. Un manoir. Sa stature est aussi imposante qu’inquiétante. Soudain, une note parvient à nos délicates oreilles. On se met à jouer un air triste, sombre, ici. Et, ainsi, cet air funeste, parfaitement interprété au piano, retentissait dans la nuit, encore et encore.  

Ana Foleron était agenouillée depuis des heures dans la bibliothèque de sa grande maison espagnole. Mariée à un vieil homme incapable mais riche, sa seule distraction, son seul amusement, c'était de venir ici, et de lire, encore et encore, pour s'échapper de ce lieu et de cette vie qui la faisaient souffrir. De nombreux ouvrages précieux, tous reliés de cuir, traînaient à même le sol, dans le désordre le plus total, et Ana, au centre de tout cela, lisait. Elle releva les yeux et arrêta de lire, observant cette pièce qu'elle aimait tant. Elle en connaissait tout les recoins ; le papier arraché au mur d'en face, la forme de chacune des étagères, la trace de sang séché sous le tapis de fourrure de tigre...Tout. Pourtant, un petit détail qu'elle n'avait jusque lors pas remarqué attira son attention. Elle se redressa et attrapa un livre. Pourtant, celui-ci resta à moitié collé à l'étagère. Ana força, et une petite trappe s'ouvrit, laissant tomber un petit bout de parchemin. Elle le ramassa fébrilement. Quelqu'un frappa à la porte.  

- Mme Foleron ? Monsieur votre mari vous désire !  

Ana s'empressa de cacher le parchemin dans la pièce, et sortit.  

Cet abruti lui avait encore fait perdre son temps avec des choses futiles. Énervée, Ana s'était de nouveau réfugiée dans la bibliothèque. En ouvrant la porte, quelle ne fut pas sa surprise en découvrant que la pièce avait été saccagée ! Et le morceau de parchemin n'était plus là, il avait disparu. Dans tout ce foutra, une chose avait retenu son attention : la mappemonde. On voyait bien que quelque chose n'allait pas. En fait, les deux parties n'étaient pas alignées, comme si on les avait bougé. Ana eut alors l'idée de l'ouvrir, ce que l’intrus n'avait visiblement pas eu idée de faire. Après quelques minutes d'effort, elle y parvint et un bout de parchemin, un autre, roula au sol.  

« ...au Manoir de Hankvist. La vie est éternelle ».  

Ana avait eu beau tourner et retourner ces quelques mots dans sa tête, elle n'en saisissait pas le sens. Que venait donc faire ce vieux manoir là ? Après quelques recherches, elle avait appris qu'il se trouvait en Norvège, dans les eaux glacées de la Mer de Norvège. Pourtant, cela l'excitait. Cela la changeait de son ordinaire, de sa vie monotone.  

Un jour, ne pouvant plus supporter le poids de ce secret à elle seule, elle décida d'aller voir son vivre, Alfredo. Le vieil homme était au lit, à moitié sourd et aveugle. Il écouta ce que sa jeune femme avait à lui dire avec intérêt. Une flamme semblait même se ranimer en lui, et il murmura à son valet de chambre :  

- Organisez une expédition vers la Norvège. Nous partons la semaine prochaine.  

Le bateau voguait désormais sur les mers glacées du Nord. Les marins grelottaient, les voiles gelaient, mais, tant bien que mal, le bateau avançait, poussé par l'envie qui régnait à bord.  

Alfredo s'approcha de sa femme, à l'intérieur. Elle semblait fatiguée par ce voyage autant qu'intriguée.  

- Il faut que je te dise...Ce manoir de Hankvist est dangereux. Je comprendrais que tu ne veuilles pas venir.  

- Non, je viens. En quoi est-il dangereux ?  

- Tu le découvriras bien assez tôt...  

Loin de là...  

Magnus Petersen, le valet d'Alfredo, posa pied à Terre, après de longues semaines de voyage. Il avait devancé son maître et était arrivé sur l'île en premier. Il commençait à s'enfoncer dans les terres, à la recherche du fameux Manoir perdu, quand, tout à coup, un courant d'air glacé vint lui lécher la peau. Il releva la tête et aperçu une jeune femme blonde qui se tenait devant lui. Elle lui sourit, mais ce sourire se transforma vite en une grimace affreuse. Magnus hurla, mais c'était trop tard, la créature l'attaquait férocement. Puis, elle laissa derrière elle le corps sans vie du traître de Magnus.  

Alors qu'Alfredo et Ana se rapprochaient à grands pas du manoir d'Hankvist. Alfredo savait où il emmenait sa femme. Et, lui avançait vers la vie immortelle. Ana ignorait qu'on la conduisait vers l'ennui.  

Dans le manoir de Hankvist, une femme, blonde, était là. Elle continuait de jouer cette mélodie sombre, sans savoir que bientôt, Ana prendrait sa place. Pour l'éternité. Car telle était la condition...