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MMP présente
La Marche des Crétins

Stanley Kubrick, il n'y a pas si longtemps que ça.  

 

Alain "Al" Labarge (Tom Kent) n'était pas un homme pressé : on peut même dire qu'il avait compris de la vie que la précipitation avait entrainé son père dans la tombe prématurément. Aujourd'hui, il se laissait doucement vivre, surdiplomé mais employé dans une PME au sein de laquelle il exerçait sans motivation particulière des taches qui lui rapportaient un salaire lui permettant de survivre.  

Survivre. C'est ça : Alain survivait et ça lui suffisait. Malgré les recommandations de ses proches et amis, il se laissait vivoter. Le père - toujours le père - avait été l'image de la performance.  

Et pour quoi ? Claquer à 54 ans d'un infarctus alors qu'il était en train de 'bomber' sa maitresse ? La belle affaire : son entreprise d'alors l'avait remplacé en 24h. L'homme qui se croyait indispensable était finalement une belle pièce de mécanique. Une fois gripée, on ne faisait juste qu'en changer, l'Agence pour l'Emploi locale était pleine de gens de talent.  

 

Alain, lui, ne voulait pas de ça. Inspiré par le personnage de "Rodolphe" d'un FAI Français bien connu, il avait "tout compris" : ne pas gagner beaucoup mais ne pas dépenser plus (c'est d'ailleurs à cause de cette mentalité que le FAI en question l'avait fait disparaître des spots TV : il fallait consommer, consommer, consommer). Alain n'était pas près de ses sous, sa vie était juste une question de priorités : il roulait dans une ruine écolo-padutoucompatible, mais s'offrait de belles sorties avec ses potes. Il s'habillait chez le discounter mais s'offrait - de temps à autres - un "trip to London". Bref, il vivait benoîtement, dépourvu de la moindre once d'ambition et de responsabilité. Son père en avait eu pour les trois prochaines générations de Labarge.  

 

Maman Labarge bien sûr se désolait de ce statu quo : à 25 ans passé, Alain était encore célibataire mais ne résidait plus sous le toit familial. Il était indépendant et Madame sa mère se désespérait aussi de ne plus disposer de moyen de pression sur son garçonnet. Elle aurait tant voulu lui faire passer la bague au doigt à Caroline Cortez (Sophia Birwin), une jeune fille d'un bon ami à feu son père. Pour les deux familles de la petite bourgeoisie Kubrickienne, cela leur aurait donné l'impression de faire partie de "la haute". Un peu.  

Pour Alain, cela était exclu : "Caro" était une copine d'enfance, presque une soeur pour ce fils unique - elle-même partageait cette opinion : pas question de "sortir" ensemble, cela aurait été carrément contre-nature.  

 

"- Vous êtes des crétins. Le monde est au bord du gouffre et vous vous en foutez !"  

C'était le père de Caroline, Jonas (Joséphine Hytépatatte) qui vitupérait ainsi, un travesti d'origine belge qui partageait les mêmes clubs échangistes avec le père d'Alain.  

"- P#tain, on s'est battus pour un monde meilleur, la liberté sexuelle, la pilule et contre la vie chère et c'est comme ça que réagit la nouvelle génération ?!"  

Ce soir-là, Madame Labarge et son fils dinaient chez les Cortez. Al n'avait accepté que parce que Caroline lui avait un peu forcé la main. Au dessert le paternel, grimé comme Serrault dans La Cage aux Folles et légèrement éméché, s'était laissé aller à quelques considérations psycho-éco-politico-pouêt-pouêt.  

 

Il faut dire que le bilan de leurs parents n'était pas reluisant : ils avaient "joui sans entrave", leur avaient laissé un hyperlibéralisme débridé sur le dos, une Cinéjeu Island désindustrialisée (tout pour le loisir !) et polluée, un chômage de masse, une génération d'"emplois-futurs-jeunes" précarisée, une classe politique que la finance agitait comme un hochet pour amuser la galerie ; ils avaient relégué leurs valeurs au trou : pour "trav'" qu'il fut lui-même, le père de Caro ne voulait "ni arabe ni gouine" dans la famille.  

C'était dommage sachant que Caroline avait fait son coming-out au sein de son cercle amical depuis au moins quatre ans. Bien sûr, Jonas se défendait de faire dans le stéréotype caricatural : il votait à gauche et versait son écot annuel aux "Restos de Stanley" en guise de bonne conscience. Alain regardait ça avec un peu de tristesse : son père était limite faf et lui éco-bobo mais ils s'étaient tous les deux retrouvés dans les plans cul et business plus d'une fois - comme quoi certaines choses n'avaient aucune couleur politique.  

 

"- Nous sommes au bord du gouffre…" Jonas continuait à se désoler théâtralement de la situation. Les jeunes allaient sortir de table quand il les apostropha.  

"- Mais enfin, qu'est-ce qu'il vous faudra pour que vous vous bougiez un peu et preniez notre relève ?"  

Alain n'avait aucune envie de reprendre la "relève" de quiconque. La relève pour quoi d'ailleurs ? Non, pour qu'il se décide vraiment, il faudrait qu’un évènement majeur change leur vie, à tous. Caro et Alain savaient déjà ce qui se passerait le jour de la fin du monde : ils prendraient la route, direction nulle part…  

 

Par une étrange curiosité culturelle, l'île de Cinéjeu Island ne partageait pas le même calendrier que le reste du monde.  

Partout ailleurs sur Terre, il était le 10 septembre 2001.  

 

(Script original)  

PS : vous aurez bien entendu noté l'anachronisme, le "Rodolphe" de Free n'étant apparu sur les ondes qu'à partir de décembre… 2008. ;)

Scénario : (2 commentaires)
une série A comique (Dramatique) de Alan Caine

Tom Kent

Joséphine Hytépatatte

Jack Carta

Sophia Birwin
Avec la participation exceptionnelle de Aurélien Delgrange, Sophia Banks
Musique par Joel Hoskins
Sorti le 05 mars 2022 (Semaine 896)
Entrées : 16 948 939
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