L'obscurité absolue noyée dans un bruit blanc. Une lumière tamisée nimbe progressivement des corps allongés sur des blocs de béton tandis que le bruit se retire et ne devient plus qu'un fond sonore assourdi.  

Une jeune femme sort de l'inconscience (Gemma Rosen) et se lève. Elle ne sait pas ce qu'elle fait là. D'ailleurs, elle ne se remémore pas qui elle est. Elle observe ses compagnons d'infortune quelques instants - qui sont-ils, que font-ils ici avec elle ? Elle est habillée de bric et de broc mais sur sa blouse a été brodé un nom : Ailian.  

"- Bonjour Ailian."  

Une voix métallique (Adrien Flanagan) a surgi des hauts-parleurs du plafond.  

"- Qui... ?!? Que..." Surprise, la jeune femme manque de perdre l'équilibre...  

Ses compagnons s'éveillent à leur tour. Ils sont deux.  

Le premier à prendre la parole (Johnny Kubota) a un nom brodé sur sa veste : Adam.  

"- Quel jour sommes-nous ?"  

La voix métallique lui répond 'mardi'.  

"- Merde je déteste quand ça fait ça..."  

Il se tourne vers Ailian : "- Et vous êtes... ?"  

Ailian : "Vous avez l'air d'en savoir plus que moi à ce sujet. Vous aimez pas quand ça fait quoi !??!"  

"- Vous pouvez pas baisser le ton ?!! - c'est déjà pas facile..."  

La seconde femme (Jewel Du Prez) vient de s'exprimer. Sa voix reflète lassitude et abandon. Sur sa chemise est brodé "Alma".  

Adam se lève - difficilement, on sent que la gravité l'indispose - s'étire et se tourne vers un petit bureau sur lequel on a disposé un écran cathodique éteint et un ordinateur personnel des années 80.  

Il se penche dessus, tape mécaniquement ce qui semble être un code.  

Regarde l'écran. Qui reste uniformément noir. Esquisse un demi-sourire. Il se relève, ouvre un tiroir du bureau - en sort des barres de céréales qu'il distribue à ses compagnons.  

Adam : "Nous ne sommes pas morts, c'est déjà ça..."  

Ailan : "OK, si ce qui est brodé est notre identité..."  

Alma : "Nous sommes des scientifiques."  

Ailan se retourne vers elle. Alma n'a pas bougé de son bloc de béton.  

"- Nous étions en train de... faire des tests. Quand tout a sauté là-haut"  

Là-haut ?  

Adam : "Je me souviens d'un complexe souterrain, oui. La dernière fois que nous nous sommes endormis, c'était un dimanche."  

Alma : "Un jeudi. Les phases de sommeil sont de plus en plus longues." Elle déchire le cellophane de la barre de céréales.  

Ailian ne comprend pas - elle aimerait savoir sur quoi elle et ses compagnons travaillaient. Ils n'en ont aucun souvenir. Elle lève la tête, vers les hauts-parleurs.  

"Et tu le sais, toi ?"  

La voix : "Cette information n'est pas disponible."  

Elle se tourne vers Adam : qu'était-il en train de vérifier sur l'écran, il y a quelques instants ?  

Adam : "Je sais pas - c'était comme... un automatisme ?"  

Ailan regarde l'écran, l'ordinateur. Prend les câbles dans sa main :  

"- Ces équipements ne sont même pas reliés à une source électrique."  

Elle cherche une prise, un générateur, une batterie - quelque chose dans le bric-à-brac entassé à côté de la table. Sans succès.  

Alma : "Savez-vous qui vous êtes ? - je veux dire, au-delà du code brodé qui pourrait être n'importe quoi... !!?"  

Adam et Ailan se regardent. Les trois se mettent d'accord : s'ils sont des scientifiques, ils doivent raisonner comme tel, logiquement - un carnet de procédures doit être disponible quelque part sur un support matériel. Ils se lancent à sa recherche.  

C'est Ailan qui trouve le cahier à spirale, dans une petite caisse sous sa couche. Le document a été brulé.  

Ils se regardent à nouveau en silence. Un silence de plomb brisé par Alma :  

"- Vous avez remarqué qu'il n'y a pas de porte dans cet endroit ?"  

Rien que des murs de béton uniforme.  

Adam : "S'il n'y a pas de porte, comment sommes-nous venus ?"  

Ailan : "... Et comment pouvons-nous sortir ? En imaginant que quelque chose nous attend dehors ?!"  

Adam baisse les yeux. Il avise l'alliance à son doigt. Il ne l'avait pas remarqué la première fois. Il déteste quand ça fait ça...  

Sa bouche est pâteuse. Il devrait avoir soif mais ce n'est pas le cas.  

Adam : "Alma, tu as bien dit que 'tout avait sauté' à la surface ? Comment le sais-tu ?"  

Alma : "Je le sais, c'est tout - un souvenir j'imagine, quelque chose en lien avec des rapports de l'ordinateur... ou peut-être un automatisme, comme toi à l'instant..."  

Ailian regarde au bout de la pièce - un recoin moins éclairé, la faute à des LEDs défectueux sans doute... Une couche de béton s'y trouve, identique à la leur. Personne dessus.  

"- Ordinateur, combien étions-nous à notre arrivée ici ?"  

(Script original, réalisé dans le cadre du Concours "Au Théâtre ce Soir")