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MMP présente
Tuned

Naples, 2011.  

 

Comme beaucoup de jeunes culturistes, Vincent Leonardi (Chris Kubota) a été tenté par la course à la résistance, au remodelage physique extrême de son corps. Initié à la discipline par feu-son père, il n'a jamais été tenté pourtant : son paternel, décédé d'une crise cardiaque à 42 ans avait, lui, abusé de telles substances.  

 

Vincent subissait pourtant dans les concours la concurrence déloyale : brûleurs de graisse, créatine et stéroïdes anaboliques n'étaient plus utilisés au service d'un art de vivre, d'un soupçon de culture mais d'une véritable foire du trône dans lequel il voyait le milieu tomber et - le pire - séduire de nombreux jeunes et sponsors.  

 

Farid (Weston Gold) faisait partie des clients de la mode biologiquement bodybuildée. Comme Vincent, lui aussi était sorti du ghetto pour s'essayer à une vie meilleure - et avec quelque succès. Quand ce succès avait croisé sur sa route Barbara (Cynthia Mathurin), jeune femme très mature mais totalement dénuée d'éthique, les choses s'étaient envenimées. C'est Barbara qui avait introduit dans leur couple le "Docteur" Fran Lupo (Maxxie Kanno), un adonis au charme certain qui abusait peu de la gonflette mais dont le père avait concocté quelques sérums sur le Tour de France - un dealer de saloperies dont les mixtures se nommaient bien peu poétiquement dresseurs d’oestrogène, gonadotropin chorionique humain, performeurs thyroïdiens…  

 

Fran avait arrêté le shit et l'héro quand son père était tombé pour dopage aggravé - il y avait beaucoup plus à se faire à la lisière de la légalité que dans l'illégalité totale. Une nuance qu'un bon businessman italien était en mesure de comprendre - l'époque s'y prêtait tant.  

 

Farid et Chris, amis d'enfance, avaient vu leur chemin se séparer quand le premier avait abandonné la rationalité pour se consacrer au seul "tuning" de son corps, accomplissement qui, croyait-il, lui apporterait argent et gloire. Chris avait continué son chemin, pour lui surtout et un peu ses proches, se retirant petit à petit de la compétition, témoin muet et dégoûté de la "course à l'armement", de la transformation physiologique de ses amis et de leur endoctrinement progressif par l'argent (le milieu brassait) et les laboratoires. Il s'était marié avec Maria (Alexandra Dolby), journaliste sportive d'une chaîne privée rencontrée aux compétitions nationales.  

 

Plusieurs années s'étaient écoulées avant qu'elle ne lui présente un projet d'émission TV que sa patronne (Margaret Wildbitch) avait commanditée auprès de son service : le titre ne laissait pas de place à l'ambiguité : "Extrême Bodyshaping : fantasme ou réalité ?". Il y avait une clientèle pour ça sur le câble mais Vincent n'aimait pas le caractère sensationnaliste du titre ; il le trouvait racoleur et axé sur une seule partie de la communauté - la pire, à ses yeux. C'était le meilleur moyen pour lui donner mauvaise image, ce dont elle n'avait pas besoin.  

Maria l'avait à moitié convaincu que ce n'était (peut-être pas) le titre définitif, juste un titre de travail.  

 

Elle lui avait proposé d'être un des fils conducteurs du documentaire : lui qui avait connu de près la compétition, lui dont certains amis étaient devenus champions d'Europe, lui dont les contacts s'avéraient précieux sur un tel projet.  

Il avait bien besoin d'un coup de pouce : l'affaire qu'il avait montée avec ses cachets et "sa vie d'avant" vivotait au mieux et ce que lui offrait Maria s'avérait belle et bien une jolie opportunité. Il travaillerait donc pour elle le temps du montage de ses 80 minutes d'émission.  

 

Pour préparer entretiens et témoignages, il avait dépoussiéré son carnet d'adresse, retombant - fatalement - sur les coordonnées de Farid.  

"Pourquoi pas ?" : Farid était sorti de son radar depuis si longtemps. Le plus surprenant était que, suivant l'actualité du milieu, il n'avait plus jamais entendu parler non plus du jeune homme dans le monde de la compétition. Peut-être ce dernier avait-il finalement abandonné la gonflette et les drogues ? Il espérait juste qu'il soit encore en vie… Ca sonnait - la ligne du portable n'avait pas été coupée.  

 

La voix qui décrocha était faible et semblait sortir d'outre-tombe. Farid était vivant mais c'était comme s'il n'avait plus parlé à quiconque depuis des années ; il avait des difficultés à articuler deux phrases cohérentes et Vincent eut le plus grand mal à lui faire comprendre la nature de leur projet avec Maria. Vincent comptait interroger Farid sur l'usage de la drogues et des produits dopants - il présenta la chose de manière détournée.  

"- On peut se voir ?  

- Se voir… ? - la voix de l'autre côté se fit encore plus hésitante, si c'était encore possible - euh… oui, peut-être, attends, non…"  

Farid venait de lui raccrocher au nez.  

 

Un peu déçu, le couple continua ses repérages, sillonnant le Sud de l'Italie, se rendant à diverses conventions, rencontres et dans divers clubs, recueillant durant plusieurs semaines, des heures de témoignages passionnants. L'incident Farid était totalement oublié quand l'intéressé rappela : il avait changé d'avis, voulait voir Vincent - seul.  

On arrangea un rendez-vous en fonction du planning de chacun (le montage avait commencé et Maria n'avait plus de caméraman à disposition) et Vincent demanda à son épouse un équipement de "caméra cachée".  

 

Les jours précédant sa visite à mon ami, Vincent fut de plus en plus convaincu que ce dernier aurait des choses passionnantes à lui faire partager : il avait déménagé au 9ème étage d'une barre HLM de la banlieue Turinoise. Parti du ghetto, il y était retourné - seule la ville avait changé.  

Le jour venu, il se farda 7 étages à pied dans un immeuble vétuste à la limite de l'effondrement - Vincent n'y croyait pas… On lui avait conseillé de venir en transports en commun : étranger à la zone, il ne retrouverait jamais son véhicule sinon. Il avait préféré faire preuve de prudence. Son gabarit et sa naturelle assurance lui avait évité les embrouilles et voilà qu'il sonnait à la porte du F2 de son ami d'enfance.  

 

C'est Barbara qui lui ouvrit - son corps musculeux n'avait plus rien de sexuel, elle ressemblait à une caricature de camionneur noir gay ; son visage même semblait s'être aplati et ses yeux n'étaient plus que deux billes dans des orbites renfoncées. Vincent comprenait qu'en plus de tomber dans les extrêmes, elle s'était faite botoxer.  

 

Elle le fit rentrer et lui indiqua le salon. L'odeur qui régnait dans les lieux était un mélange fermenté de nourriture avariée et de fragrances médicamenteuses. Sur les étagères du couloir qui menait à la pièce de vie à moitié obscurcie par des tentures, il pouvait voir des dizaines de boites multicolores - surement toutes à moitié pleines. Il n'avait pas eu le réflexe de déclencher l'enregistrement.  

 

Farid trônait dans un canapé - dont on avait retiré les pieds - regardant la télévision. Il occupait deux places.  

Qu'était-il devenu ? Vincent s'arrêta au beau milieu de la pièce. Son ami était nu mais c'était comme si son crâne et son visage avaient été noyés sous un amas de chairs hypertrophiées : son torse et ses jambes avaient subi une croissance spectaculaire au détriment de ses bras, il était littéralement gonflé et devait peser 200 à 250 kilos. Il devait être impossible pour lui de se lever à présent...  

Farid avait autant d'os et de muscles que Vincent mais ce qu'il était devenu ressemblait à un fake de Photoshop sur le net. A la différence qu'il était bien réel.  

 

Un bruit venant de la cuisine : c'était Fran Lupo qui ramenait une bassine remplie d'une bouillie brune-beige. En passant devant Vincent, il le regarda droit dans les yeux :  

"- Des protéines pour notre ami."  

 

Il se plaça à genoux devant Farid qui ne lui jeta même pas un regard de dégoût. Le "Docteur" sortit alors une longue cuillère de sa poche et commença à donner la becquée à Farid.  

Vincent s'était assis, hébété, sur un tabouret et regardait le spectacle grotesque qui se jouait devant lui. En observant Lupo, il remarqua que lui aussi avait commencé à subir des outrages physiques de la prise médicamenteuse. Son cou, son entrejambe et ses seins semblaient étrangement gonflés - mais jamais harmonieusement.  

 

Au bout d'un quart-d'heure, il se leva. Il en avait assez vu et Farid n'avait pas décroché un mot. Il n'avait rien enregistré - il n'y avait rien à dire, ces images le hanteraient jusqu'à la fin de sa vie mais jamais il ne ferait subir ça à quelque téléspectateur que ce soit.  

Alors qu'il reprenait le couloir, il perçut, enfin, la voix autrefois familière :  

"- Reviens ici, et ne prends pas cet air dégoûté : ce que je vis à présent, je l'ai CHOISI."  

 

(Script original)

Scénario :
une série A dramatique (Requiem for a dream) de Kenneth Richardson

Chris Kubota

Alexandra Dolby

Weston Gold

Margaret Wildbitch
Avec la participation exceptionnelle de MATHURIN Cynthia, Maxxie Kanno
Musique par Stanley Landowski
Sorti le 07 août 2021 (Semaine 866)
Entrées : 21 100 834
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