Morcar Prod présente To bring you my love I was born in the desert I been down for years Jesus, come closer I think my time is near
Manu (Joel Gould) entendit le premier accord de guitare dans son oreille gauche à l’instant même où il aperçut un éclair au loin. Il compta machinalement les secondes. Huit... Avant le grondement du tonnerre. Enfin, la voix aigüe lui parvenait. Voluptueuse, Manu ferma les paupières pour savourer cet instant. Et se projeter vingt mois en arrière quand il accepta d’épouser la cause, en forme de rédemption. Pour donner un sens à sa vie. Les yeux fermés, Manu inspira profondément. L’humidité de l’atmosphère et les arômes des végétaux du sous-bois l’enivra. Manu tenta de se détendre pour approcher l’état de plénitude.
And I've traveled over Dry earth and floods Hell and high water To bring you my love
La perception de la pluie fut olfactive et auditive. Le tactile ne venant qu’après. C’est pour cela qu’on l’avait choisi pour cette mission. Lui, l’animal sauvage, agile et discret. Manu changea de position pour soulager ses membres ankylosés. Il actionna le cadran lumineux de sa montre de manière à ce que cette clarté ne le trahisse pas. Vingt-deux heures quarante-huit. Déjà en retard, le colis ne devait plus tarder. Manu parcourrut l’horizon du regard. De droite à gauche, de l’espace faiblement éclairé par le clair de lune à celui le plus sombre. Là où se trouvait la ferme. Manu posa une oreille contre le sol. Des vibrations lointaines, celles de roues patinant dans la boue. Deux paires de phares apparurent bientôt. Manu les suivaient en calculant approximativement le temps qu’il faudra au véhicule pour rejoindre la ferme. Cinq minutes. Six minutes tout au plus.
Climbed over mountains Travelled the sea Cast down off heaven Cast down on my knees I've laid with the devil Cursed god above Forsaken heaven To bring you my love
Manu devait gagner le terrier, situé quelques trois cents mètres en contrebas. Délicat moment où la mécanique devait prendre le pas sur les sens. Il appuya sur le bouton pause de son baladeur numérique puis son corps se mit en mouvement, ondulant à la surface du relief du sous-bois. Installé en position de guet, Manu réenclencha le lecteur. Entre deux riffs de guitares saturés, « I’ve laid with the devil » résonna dans son tympan gauche. Au même instant, une des fenêtres du premier étage s’illumina, et une femme blonde (Cassandra James) y apparut, observant l'extérieur. Ça correspondait à la topographie des lieux qu’il avait appris par cœur dans le mémo : le bureau, point névralgique de l’opération. Le regard de Manu oscilla d’une fenêtre à l’autre de la ferme en forme de L, jusqu’à la grange où devait s’effectuer l’échange. Des hommes de mains devaient être tapis dans l’obscurité, dans une attente plus confortable que la sienne.
I know he's gonna be here He know he's gonna be here Yeah alright
Histoire de calmer ses nerfs, Manu remis le morceau au début. Il y était et son esprit devait faire face à l’angoisse qui tentait de prendre d’assaut ses tripes. Manu tenta de changer de focale pour se concentrer sur son corps frigorifié. Il contracta un par un ses muscles histoire de se réchauffer et de ne plus penser. Surtout pas à l’après. Quand l’excitation sera retombée et qu’il faudra effacer ses traces puis en créer de fausses. Et rendre des comptes. Se justifier. La Land Rover Freelander entra dans la propriété et s’arrêta en parallèle de la grange. De son terrier, Manu évalua la distance à quatre ou cinq mètres. Juste assez pour que ce qui se passe dans le bureau soit hors du champ de vision de la grange. Le colis (Yvan Dressamaire) sortit enfin de la Land, une mallette à la main. Par rapport aux photos qu’il avait vues, le colis avait pris du poids. Manu estima l’heure à vingt-deux heures cinquante-cinq. Il aurait été trop risqué de s’aider de sa montre pour être plus précis.
Forsaken heaven Cursed god above Lay with the devil Bring you my love
Manu ferma les yeux et lança son compte à rebours. 300, 299, 298... Parallèlement, il ajusta sa lunette en repérant les contours de la tête de l’homme assis à la place du conducteur. Par chance, ce dernier avait ouvert la vitre où des volutes de fumée s’échappaient à intervalle régulière. Il faudrait ensuite passer au second, abrité contre le porche de l’entrée. Et puis tout s’accélérerait. Se préciserait. Cavalcade jusqu’au mur sud de la ferme, ramper, se positionner derrière le muret, puis viser une à une les cibles dans le bureau. Six ou sept si le mémo disait vrai. 5, 4, 3... Manu chuchota en silence « To Bring You My Love » une série B d'action de Josip Šubašic
Sorti le 28 août 2021 (Semaine 869) Entrées : 18 389 548 url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre§ion=vueFilm&idFilm=16920 |