Ne te bats pas en animal. Bats-toi en Homme.  

Ne te bats pas en Homme. Bats-toi en Dieu.  

Un désert gris s'étendait devant lui, à perte de vue. L'homme regarda un instant vers le ciel à la recherche du soleil, sans succès. Il avait l'impression de marcher à l'intérieur d'une gigantesque bille grise. Aucun point de repère ne s'offrait à lui. Il décida donc de s'arrêter. Il devait économiser le peu d'énergie qu'il lui restait.  

Il empoigna sa gourde et constata que celle-ci était déjà vide. Étrange. Il pensait n'y avoir pris qu'une seule lampée. Il fouilla dans son sac à la recherche d'une barre d'énergie. Il ne trouva que des sachets vides. Il n'avait plus la moindre provision. Me reste plus qu'à mourir, pensa-t-il amèrement.  

Il remarqua qu'il ne pouvait plus bouger. Il était étendu sur le côté, les genoux remmenés vers son abdomen. Il constata alors pour la première fois sa chaire putréfiée, et pourtant il ne pouvait en sentir l'odeur. Ah, c'est donc déjà fait.  

Un désert rouge s'étendait devant lui, à perte de vue. L'homme regarda un instant vers le ciel à la recherche du soleil...  

***  

Amanda tâtait nerveusement son sac de billes, essayant tant bien que mal de ne pas restituer le contenu de son estomac dans le dos du pilote. L'hydravion passait dangereusement près des arbres au gout de la jeune femme qui commençait à remettre en question ses choix de vie. La plupart des gens ne s'imposait pas pareil supplice. Et ça ne faisait que commencer.  

Le pilote s'essaya à un brin de conversation. L'homme dans la quarantaine était jovial de nature et doux comme un agneaux malgré sa carrure de bucheron. Amanda ne l'aimait pas du tout. Elle répondit cependant à ses questions et fit mine de rire de ses blagues éculées. Ici, dans cette forêt froide et vaste, elle ne pouvait se permettre d'être hautaine et arrogante. Elle avait besoin qu'on l'apprécie. Il aurait été de mauvais ton de se mettre à dos le seul être humain à des kilomètres à la ronde.  

"On est bientôt arrivés?" L'impatience ne trahissait nulle malice. Le pilote hocha positivement la tête. L'engin fit un écart soudain à droite et Amanda pu voir un lac étroit se profiler devant eux.  

L’amerrissage ne fut en rien délicat et elle poussa malgré elle un petit cri d'épouvante bien humiliant. Le pilote ne fit aucune remarque mais son sourire en disait long. Il ramena l'appareil le long d'un quai en bois accroché à la berge. La jeune femme se précipita à l'extérieur et mis enfin le pied sur la terre ferme.  

"Adieu, jeune fille", lança le pilote.  

"Quoi? Non, attendez..."  

Trop tard. L'homme venait d'empoigner une carabine qu'il pointa droit sur Amanda. Il fit feu.  

L'impact projeta la jeune femme quelques mètres plus loin. Son sac de billes vola dans les airs et retomba tout près de l'eau. Le pilote alla le récupérer tandis qu'Amanda râlait comme une truie à l'agonie. Sans un regard pour la mourante, l'homme repris place dans son avion et mit le moteur en marche.  

Amanda mourut deux heures plus tard.  

***  

Il se tenait devant une stèle blanche d'un peu moins d'un mètre de hauteur. Elle ne portait aucune inscription visible, pourtant l'homme pouvait y voir miroiter des symboles étranges qu'il ne pouvait déchiffrer. Il observa la pierre durant plusieurs heures sous tous les angles possibles. Puis il décida de creuser. Son sac ne contenant aucun outil, il n'eut d'autre choix que d'y aller à main nue. Il commença de gratter la terre avec ses ongles. Celle-ci se révéla d'une bonne fermeté. L'homme parvint néanmoins à dégager un peu de terre blanche, rougit par le sang qui coulait du bout de ses doigts. Il creusa ainsi longtemps avant de finalement arriver sur quelque chose. Une caisse de bois blanche était enterrée là. L'homme la dégagea complètement et, à bout de force, il en ouvrit le couvercle.  

Ce qui avait du être une jeune femme reposait à l'intérieur. Le cadavre était à un stade avancé de décomposition, mais les cheveux blonds et longs ainsi que les vêtements ne trompaient pas.  

L'homme resta de longues minutes à contempler sa découverte. Il avait soif, mais sa gourde était vide. Il ne trouverait sans doute pas l'énergie nécessaire pour ressortir du trou de deux mètres de profondeur qu'il avait creusé de ses mains. Il décida donc de s'allonger aux côtés du cadavre putréfié de la jeune femme.  

Me reste plus qu'à mourir.  

Un désert noir s'étendait devant lui, à perte de vue. L'homme regarda un instant vers le ciel à la recherche... Il s'arrêta. Il fit demi-tour et courut comme un fou dans l'immensité de ce monde vide. Il ne tarda pourtant pas à tomber sur une stèle noire d'un peu moins d'un mètre de hauteur. Une femme était agenouillée devant la pierre, une main délicatement posée sur celle-ci. Elle ne pleurait pas, mais le chagrin semblait l'habiter toute entière. L'homme resta un moment en retrait, sans faire le moindre bruit.  

"Vous êtes un Ange, ou un Démon?" demanda finalement la femme, sans relever la tête.  

L'homme s'approcha doucement. Il lui tendit sa gourde, toujours pleine. La femme s'en empara et y but à pleine lampée.  

"La soif ne peut être étanchée, ici, mais ça fait toujours du bien d'essayer.  

Ils restèrent en silence autour de la stèle.  

"Nous sommes dans le noir, cette fois. Ce n'est jamais bon, le noir".  

La femme releva les yeux et elle vit que l'homme était noir de peau. La surprise dû se lire dans son visage car le type lâcha un petit rire sec qui fut repris en écho plus loin dans le désert.  

"Je suis Amanda May".  

"Très heureux".  

"N'avez-vous pas de nom ?  

"..."  

L'homme se détourna et commença à marcher d'un pas rapide dans une direction quelconque. Amanda hésita un instant. Elle regarda la stèle noire, puis l'homme qui commençait déjà à se fondre dans le décors. Elle décida de le suivre à distance respectueuse.  

Un léger vent se leva. Il transportait une odeur de souffre qui souleva le coeur d'Amanda. Elle ne tarda pas à ralentir puis à s'arrêter complètement. Elle étouffait. L'oxygène se faisait rare à mesure que l'odeur s'intensifiait. Puis soudainement, le vent retomba et Amanda ne sentit plus rien. Elle respira bruyamment pour reprendre son souffle, sans vraiment y arriver. Elle se releva au prix d'un effort titanesque et tenta maladroitement de mettre un pied devant l'autre. Elle ne voyait plus l'homme et elle ignorait dans quelle direction il était partit. Elle le maudit intérieurement et continua de déambuler à la recherche d'un repère visuel. Peut-être pourrait-elle retrouver la stèle noire au milieu de ce désert noir.  

Amanda avait soif. La gourde qu'elle tenait toujours à la main était vide. La jeune femme finit par s'effondrer de nouveau. Elle était à bout de force. Me reste plus qu'à mourir, se dit-elle à haute voix.  

Elle remarqua alors pour la première fois que sa chaire était putréfiée. Ah, c'est donc déjà fait.  

***  

Un désert bleu s'étendait devant elle, à perte de vue. Du coin de l'oeil, elle pouvoir voir la stèle bleue, immobile, qui l'a narguait silencieusement. Elle regarda un instant vers le ciel à la recherche du soleil, sans succès. Elle avait l'impression de marcher à l'intérieur d'une gigantesque boule de billard... La jeune femme fouilla le contenu de ses poches. Rien. Comment pourrait-elle enterrer les billes de sa grand-mère si elle ne les avait plus en sa possession ? Elle avait pourtant promis...  

Amanda se tourna vers la stèle, les yeux humides. Évidemment !  

Elle passa les heures suivantes à creuser la terre, s'arrachant les ongles sans se soucier de la soif intense qui la tenaillait. Elle parvint finalement à son but. Elle dégagea la caisse et fit sauter le couvercle sans cérémonie.  

Plus loin, l'homme observait la scène, debout tel un piquet, stoïque. Il assistait à un spectacle nouveau, mais il en connaissait déjà l'issu. Un cri d'horreur lui parvint de la stèle. Son sang se glaça. Il y avait quelque chose d'inhumain dans ce cri, d'abominable. L'homme se détourna et s'éloigna d'un pas rapide.  

Quelques minutes plus tard, la femme le rattrapa. L'exploit en soit était impressionnant. Un feu vif brûlait dans ses yeux. Elle força l'homme à s'arrêter et s'empara de sa gourde qu'elle vida d'un seul trait.  

"Qui est-il ?" demanda-t-elle d'une voix pressante, autoritaire.  

"Le Gardien" répondit l'homme. "Il protège l'Obscurité de ceux qui veulent la détruire. C'est pour ça qu'il t'a tué, et qu'il m'a tué... et qu'il a tué tous les autres."  

"Peut-on l'atteindre, de cet endroit?"  

"Si tu es prête à affronter plus atroce vision que celle de ta propre mort, oui, tu peux l'atteindre. Mais il te faudra le pouvoir d'un Dieu. Moi, j'ai déjà donné. Prends ma gourde. Elle te sera plus utile qu'à moi."  

Un désert brun s'étendait devant elle, à perte de vue. Amanda ne perdit pas une seconde et elle entreprit aussitôt de creuser un petit trou peu profond. Elle s'arracha quelques cheveux qu'elle plaça dans le trou, puis elle le recouvrit. Elle utilisa ensuite la gourde pour arroser la terre. Quelques heures plus tard, une petite branche émergea du sol et se balança avec grâce devant les yeux ébahis de la jeune femme. Un murmure incompréhensible se fit entendre dans le désert.  

Plus loin, l'homme observait la scène, debout tel un piquet, stoïque. Il assistait à un spectacle qui n'avait rien de nouveau, mais il n'en connaissait pas l'issu...  

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Amanda May - Kaylee Cobb  

L'Homme - Roy McAllister  

Le pilote / Le Gardien - Thomas Gabriel  

Titre repris de la chanson éponyme du groupe norvégien Burzum.