Ce qui agaçait Steward (Logan Lester) n'était pas que la Police soit venue le chercher. Non, ça, c'était normal dans le cadre d'une investigation.
Ce qui l'avait dérangé, c'était l'insistance avec laquelle l'inspecteur avait souhaité qu'il regarde les photos du cadavre du Dr Ashraf - enfin, des morceaux du cadavre : c'est comme si on avait joué au Lego avec son corps sur les murs de son cabinet.
Le problème pour Steward était qu'il demeurait le client le plus souvent traité par le bon docteur ces derniers jours. Ca n'en faisait pas un suspect idéal, vu que lui-même était "né" il y a six mois - mais quand même... Ca ne manquait pas d'être troublant. Quelqu'un avait cherché à faire parler Ashraf sur quelque chose, quelqu'un... Ca n'avait pas fonctionné - ou peut-être que si. Dans tous les cas, ça s'était terminé douloureusement.

Steward était un "Bêta", un clône de son "Alpha". L'Alpha avait contracté une police d'assurance qui lui assurait, au moment de son décès, une reproduction de ses cellules et le transfert de ses souvenirs afin qu'il puisse continuer ses petites affaires. La psychanalyse d'Ashraf faisait partie de son conditionnement pour retrouver la vie réelle et les réflexes de son Alpha désormais disparu.
Etienne Steward - l'original - avait été petit voyou à Marseille, soldat, homme à femmes, combattant à travers les planètes pour le compte de policorpos - industries sans âme dont le business avait fini par déborder le politique. Un des derniers survivants de l'expédition sur Sheol, une merde sans intérêt au fin fond de l'univers qui avait cependant mobilisé de grosses ressources de la part des belligérants. Le pourquoi n'était pas trop compliqué : on avait trouvé sur Sheol des armes. Des armes aliens. Les humains s'en étaient emparées.

Sûr, quand lesdits aliens s'étaient repointés, ils n'avaient pas trop appréciés le fait que l'humanité exploite leurs machines de mort. Ces armes-là avaient été confisquées aux hommes - qui pour se faire pardonner avaient négocié de bons accords commerciaux avec les extra-terrestres. Ce qui avait été appelé "La Guerre des Objets" n'était plus qu'un douloureux souvenir chez les vétérans, les "Faucons de Glace" de Sheol qui avaient été rappatriés. Steward en avait été, et ça ne s'était pas super-bien passé.

Le clône avait passé tous les tests physiques : il se sentait en pleine forme et possession de ses souvenirs. Enfin, d'une partie de ses souvenirs.
Le problème était que l'Alpha n'avait pas mis à jour ses "bases de données" mémorielles relatives aux douze dernières années ! Bref, le Bêta ne savait rien de cette période. Il avait des bribes, des flashs parfois - mais rien qui pourrait remplacer le vêcu. Ces douze dernières années étaient comme des pages blanches dans sa vie.

Steward avait très bien pu se foutre dans un abominable merdier, il l'ignorait - mais peut-être pas ceux qui avaient assassiné Ashraf. Sa femme Wandis (Jeanne Lillard) avait demandé le divorce et la garde de son fils handicapé - ça, on le lui avait dit. Il avait perdu son job - son ex-employeur ayant coulé dans l'intervalle.
Il avait également reçu deux messages. Le premier provenait d'un vétéran de Sheol comme lui : Griffith (Jonathan Noyes). Le second d'une ex de Steward, une certaine Ardala (Sandrine Stern) - une meuf dont le Bêta n'avait aucun souvenir...
Griffith aurait un job à lui proposer qu'il n'en serait pas étonné. Quant à Ardala, peut-être lui proposerait-elle quelque chose de plus intime.

Il ne se sentait pas pour autant très rassuré - il lui faudrait compléter les pages blanches de sa vie, résoudre des mystères et s'impliquer - peut-être - dans de sales affaires. Steward détenait un code d'accès à un coffre sécurisé dans une banque, sur Terre : un présent laissé par son Alpha à son attention. Peut-être lui laissait-il des clefs pour comprendre. Ou pour brouiller encore plus les pistes. (Script original, adaptation du roman éponyme de Walter John Williams)