Il est un peu plus de 17 heures et Delphine (Rumiko Golan) sort du lycée. Comme tous les jours, elle s'arrête chez un marchand de fleurs pour en offrir à sa mère décédée à 48 ans ; c'était il y a un peu moins d'un an maintenant. Tout ça à cause d'un cancer qui l'a rongée pendant six longues années. Ce n'était qu'une question de temps et Delphine l'avait su dès la première minute.  

Comme tous les jours, le commerçant sait ce qu'elle désire et il a pris pour habitude de préparer le bouquet à l'avance en faisant un sourire, sans joie et légèrement désolé, à la jeune fille. Delphine se contente de le lui rendre et de partir sans un mot, même après si longtemps – l'ambiance certainement. Elle file tout droit vers le cimetière du village, le bouquet au bras et sa musique dans les oreilles, mettant une petite ambiance dans le ton : Scorpions – Wind of Change, Green Day – 21 Guns ou encore Simple Plan – Untitled. Elle aime les écouter, cela lui rappelle de beaux souvenirs familiaux.  

Même si le cimetière se situe un peu loin de chez elle et l'oblige à un long détour, Delphine n'a jamais raté une seule journée de "parler" à sa mère, pour lui raconter sa journée, sa vie sans elle.  

Et puis, elle réfléchit. De temps en temps, elle trouve des réponses à ses questions - comme si la mère lui répondait depuis l'au-delà. Delphine aime ça, ça la déstresse d'une certaine manière. En plus, elle est tout le temps seule dans ce cimetière communal – à part un jour ou deux dans l'année lors d'un enterrement. Dans ce cas, elle ne fait que déposer les fleurs puis elle repart pour ne pas gêner, ça la met mal à l'aise.  

Arrivée devant la tombe, elle pose les fleurs puis s'agenouille, les yeux fermés et les mains l'une dans l'autre - commence à raconter sa journée.  

"- Tu sais qu'elle t'entend ?" fait soudainement une voix masculine derrière elle.  

Delphine sursaute, choquée. Elle ne l'a pas entendu arriver malgré le gravier – elle est dans son monde dans ces moments-là, ça la coupe de toute réalité. Elle ne sait pas quoi dire...  

C'est un jeune garçon (Damon Edward) du même âge qu'elle - ou peut-être légèrement plus jeune -, bien habillé et assez beau. Elle semble l'avoir déjà vu quelque part sans vraiment savoir où et quand.  

Devant sa réaction, il lui sourit et tend sa main. La jeune fille la saisit et se relève.  

- Je… Il me semble vous connaître, je suis sûre de vous avoir déjà vu quelque part."  

Lui hausse tout simplement des épaules, lui souriant puis regarde la tombe. Enfin, il fait demi-tour pour quitter les lieux sans dire un mot de plus, laissant Delphine à ses interrogations.  

Revenue chez elle, elle passe une nuit blanche à réfléchir d'où elle a pu connaître ce garçon. Elle ne s'en souvient pas, rien ne vient, pas de "déclic" qui pourrait ramener sa sérénité : c'est le flou le plus complet. Elle compte en parler à sa meilleure amie Noémie (Jenny LaSalle)…  

"- Tu es certaine de l'avoir déjà rencontré ?"  

Les deux jeunes femmes sont sur le chemin du lycée.  

"- Quasiment - c'est étrange : je ne l'ai vu que quelques minutes mais il m'est familier. C'est comme si... je ne sais pas. Il y a quelque chose…"  

Elles restent muettes quelques secondes, chacune cherchant à dire quelque chose.  

"- Il n'est pas dangereux au moins ?" demande Noémie au bout d'un moment.  

Delphine part dans un rire nerveux. Elle ne pense pas qu'il le soit. Pas pour le moment.  

Durant toute la journée, Delphine passe son temps à regarder l'heure. Elle est pressée de retrouver cet étrange garçon sans vraiment savoir pourquoi. Peut-on tomber amoureuse en si peu de temps ? Elle se le demande. Pourtant, elle ne se considère pas comme une fille facile, loin de là. Mais là, c'est différent. Elle ne l'a vu que quelques instants mais cette présence lui a fait du bien, du baume au cœur. Peut-être est-ce dû à la situation aussi -, ce cimetière, le fait qu'elle voulait au fond d'elle-même, un peu de compagnie - quelqu'un pour accompagner son deuil. Elle espère le revoir ce soir.  

Aujourd'hui en achetant son bouquet, le fleuriste lui a dit qu'il l'a trouvait plus épanouie que d'habitude. Elle lui a répondu qu'elle avait passé une excellente journée sans trouver quoi d'autre à répondre.  

Et puis bon, la journée n'avait pas été si pourrie. Sur le chemin, elle se surprend à marcher plus vite que d'habitude.  

Arrivée à la grille du cimetière, elle aperçoit l'étrange garçon. Rien n'a changé dans son allure - toujours cette belle veste, ce pantalon bleu/jeans, l'impeccable coupe de cheveux.  

C'est en le voyant la seconde fois qu'elle se rend compte de son coup de foudre pour lui… Mais toujours en s'interrogeant sur sa nature.  

"- Vous ne voulez pas me dire qui vous êtes ?" l'accoste directement Delphine, grand sourire enjôleur et sans plus de formalités.  

Le jeune garçon sourit, lui montre la tombe de sa mère pour qu'elle dépose le bouquet et reprenne son habitude, le tout sans dire mot. Puis il recule un peu - pour ne pas la déranger.  

Delphine dépose les fleurs puis raconte à sa mère qu'elle pense avoir rencontré quelqu'un depuis hier, qu'elle pense avoir trouvé l'amour. Le jeune garçon s'avance vers Delphine en posant la main sur son épaule, Delphine se retourne.  

"- Ne t'avance pas trop, dit le garçon. Tu pourrais être déçue, terriblement déçue."  

Le jeune garçon quitte une nouvelle fois le cimetière, laissant Delphine interdite. Elle réfléchit un instant, s'interrogeant sur ce comportement. Voyant qu'il arrive au portail, elle se précipite pour le rattraper.  

Le garçon ne l'attend pas. Elle le perd de vue. Sorti du cimetière, il a disparu.  

Le père de Delphine (Adrien CMP) revient tard ce jour-là. Cadre dans une grande entreprise, il rejoint la belle maison familiale après une nouvelle journée loin du souvenir de sa femme. Il mange en silence, seul, puis monte discuter un peu avec Delphine, encore scotchée au téléphone - probablement avec Noémie. Il lui sourit, met la main devant la bouche : chut, il ne veut pas la déranger… Elle lui fait un petit sourire et un geste de la main. Il referme la porte et redescend les escaliers sans bruit. Il ne veut pas brusquer sa fille unique : le décès de sa mère l'avait tellement perturbée…  

Elle avait perdu sa génitrice… Et quinze jours plus tard son petit ami, Rudolphe dans un terrible accident de voiture. Une photo du gamin avec elle à Disneyland trônait encore sur la cheminée du salon entre autres regrets. Comme à son habitude, il épousseta mécaniquement les cadres.  

Rudolphe était un peu plus jeune que Delphine. Toujours une belle veste taillée sur mesure, une pantalon bleu/jeans doublé d'une impeccable coupe de cheveux. Il reposa le cadre et alla se coucher, se promettant que demain, il passerait plus de temps avec sa fille.  

(Script original et affiche : Misterdada - retouches et production : MMP)