Aujourd'hui, dans un college d'une banlieue anonyme des USA.  

Billy Perkins a 19 ans. Redoublant, mutique et obèse, les filles l'évitent autant que sa famille quand elles le peuvent. Billy n'est pas né autiste ni asocial, un père violent l'a juste abandonné à son sort avec une mère dépassée et percluse de dettes. Il sait qu'il ne pourra pas faire d'études, a entendu Eminem évoquer la condition des White Trash de l'Amérique profonde et parle de se suicider dans des poèmes qu'il enferme dans une petite boîte de jouet de plastique.  

Et de la profondeur de l'Amérique, Billy peut en juger tous les jours : de sa ségrégation sociale, raciale, économique, physique - Billy n'a jamais été un concours de beauté mais son laisser-aller actuel est le résultat des brimades de ses tiers. Lui qui passerait inaperçu dans une agglomération est ici stigmatisé. Sa graisse demeure son unique carapace.  

Ces derniers temps, il se maquille et a laissé tombé le rap (trop commercial selon lui) au profit d'une musique beaucoup plus extrême. Tombé dans le metal dès son plus jeune âge, il y est revenu par le biais des groupes les plus limites. Il ne pense pas faire machine-arrière. La barrière sonore de son lecteur MP3 volé comme protection vis-à-vis de l'extérieur.  

Exclu de ses pairs, il passe le plus clair de son temps loin du groupe, des gangs, de la drogue ou des ennuis (son imposante masse et son air hostile le dispensent de racket - un mal pour un bien) et ne pense même pas venir au bal de promotion de la fin d'année. Que fera-t'il l'année prochaine ? Il ne se projette même pas au lendemain et n'était pas là "le jour du photographe". A quoi bon ? A quoi bon laisser une trace ?  

Un soir, il est surpris d'un comportement similaire au sien d'une fille qu'il n'avait jamais remarquée auparavant. Parce qu'il est ce genre de garçon, Billy Perkins la suit quelques temps les jours suivants. Cette jeune beauté solitaire comme lui se nomme Agnieszka (Ada Blakstad), a débarqué de Lituanie il y a quelques semaines et les services de l'immigration l'ont parquée ici, dans cette banlieue, avec ses oncles tandis que ses parents sont encore en centre de rétention. Son accent est à couper au couteau, elle parle mal la langue, ne voulait pas venir aux USA et subit également le mépris et la pression de ses camarades.  

Billy ne peut s'empêcher d'avoir de l'affection pour elle. Au bout de plusieurs semaines, témoin impuissant de sa persécution par quelques infâmes adolescents, il décide d'intervenir.  

"- Tiens, Mr Gras Double joue les gentleman - on a envie de tremper sa nouille dans la pute Russe ?"  

Agnieszka n'a pas tout compris sinon "pute" et "russe" - Billy la prend par le bras, décrochant un regard plein de haine aux jeunes coquelets, beaux, aisés (bon, personne n'est vraiment "riche" ici - disons "plus riche" que lui, ce qui est aisé) et sans problèmes scolaires insurmontables.  

Le temps passe vite quand on sympathise avec quelqu'un, même sous les quolibets et les moqueries du reste de l'établissement. La gazette du college évoque même un couple couronné potentiel pour le "Prom". Mais nous ne sommes pas dans Carrie. Billy n'a aucune intention d'abuser d'elle : ils trainent ensemble, laissent de très longs silences renforcer leurs liens. Ils se sourient même, des fois.  

Quand une bande de petites frappes décide, un soir de beuverie, d'agresser sexuellement Agnieszka et faire porter le chapeau à Billy "pour le fun", il suffit de peu de choses pour que l'assistant du shérif local enferme le jeune homme. Billy a la gueule de l'emploi de toute manière, et la mère du shérif croit qu'il s'agit de l'antéchrist.  

Libéré trois jours plus tard faute de preuves tandis que l'enquête piétine, il apprend que son amie, traumatisée par la violence de l'attaque, est décédée.  

"Elle partie. Suicide dans sa chambre avec robe de bal" lui explique la tante de la jeune fille encore sous le choc. Billy, qui avait commencé à respecter cette famille et à parler, se renferme à nouveau dans son silence. "Tu vas encore nous attirer des ennuis avec tes fréquentations" lui reproche sa mère - qui pourrait être sa soeur vu son jeune âge.  

Au college, la nouvelle de la disparition d'Agnieszka s'est répandue comme une trainée de poudre. Deux jours plus tard, après le choc, on se moque toujours d'elle. De plus belle.  

Alors en lui, la colère grandit. Une colère froide adressée à toutes celles et ceux qui se sont mis entre eux deux.  

Une colère mortelle.  

(Script original, en partie inspiré de faits réels et malheureusement communs)