La poussière vient de retomber autour du pistolero, immobile au milieu de l'hacienda.  

Les quatre membres mâles de la fratrie Garibaldi viennent de tomber sous ses balles. Lui, c'est Anton Coburn (Reginald Attree), le meilleur chasseur de primes d'El Paso et sa région. Devant lui, la mère (Summer Charest) et la fille, pelotonnées sous le porche et abruties par le soleil.  

Coburn a sa méthode : pas de témoins, pas de vengeance.  

La mère balbutie quelque chose en espagnol.  

La première balle tue la fillette. Un troisième oeil vient d'éclore sur le front de la petite - Paix à son âme. Tuer les gosses, c'est tuer les ennuis dans l'oeuf : dans 15 ans, la pisseuse serait partie à sa recherche avec une bande de mercenaires et aurait voulu à tout prix lui faire la peau. Elle y serait peut-être parvenue. Plus maintenant.  

La mère prise de panique, vient de se lever. Elle court à présent dans la plaine désertique. Anton ajuste son arme.  

Clic.  

Plus de balles. Gênant : le temps qu'il recharge, remonte à cheval et la bute, d'autres ordures comme lui, attirées par les charognards et les coups de feux pourraient bien avoir récupéré les cadavres : 200 billets par tête de Garibaldi, on y réfléchit pas deux fois. Il cogite un instant, s'assied. S'allume un vieux mégot.  

Par dépit, il décide d'abandonner là les corps, enfourche son canasson et file à la rencontre de la jeune veuve.  

Eel Janouaux (Emo Bill) est marchand ambulant, boutiquier âpre à la négociation et inventeur de remèdes-miracles. En plus de ses potions, il trimballe à ses côtés sa frangine Louise (Amanda Jagger). En cet été 1860, les affaires vont mal - presque pire qu'en Europe mais il vaut mieux être ici que là-bas. Les grands espaces, les indigènes, la conquête du monde, les esclaves : ça, c'est de l'aventure.  

Mais Eel n'aime pas les ennuis et il sait que dans ces terres sans foi ni loi, sa Remington est encore sa plus fidèle alliée. Et quand il aperçoit cette hispano entre deux âges débouler de la colline, il sait que des ennuis la suivent. De près. Il ordonne à Louise de s'abriter sous les affaires dans la carriole et dégaine sa carabine.  

La femme lui hurle quelque chose en espagnol - Eel qui ne parle qu'anglais et un peu hollandais lui crie de s'arrêter, de rester à sa place.  

Elle ne comprend pas ou s'en fiche. Ou les deux - elle accélère sa course comme si le diable lui-même lui léchait les fesses.  

Un cavalier finit par apparaître en haut du monticule. Raide comme un piquet. Instinctivement, Eel relève l'arme vers lui.  

En contrebas, un témoin qui n'a rien à faire dans cette histoire : Coburn est troublé ; les événements prennent une tournure inattendue.  

L'homme a l'air d'avoir une vingtaine d'années - un commerçant peut-être, un escroc sans doute. La femme est maintenant à ses côtés, le supplie de lui prêter asile.  

Le petit gros a l'air de s'en foutre, il n'a pas l'air dangereux. Une nouvelle tête sort de la carriole, curieuse et attirée par la voix de la femme. Une gamine. Damn.  

Coburn décide de battre en retraite. Temporairement. Il regarde le ciel : dans deux heures, la nuit sera tombée. Il retrouvera les témoins et - soit ! -, le hasard décidera.  

Il sort de la petite monnaie de sa veste : s'il réussit un dead eye (trou de balle dans la pièce jetée), il les exécutera aussi. Sinon, les laissera tous les trois à leur sort.  

Du pouce et de l'index, il projette la pièce, dégaine. Une détonation. La pièce retombée, il la ramasse et observe avec un léger sourire l'impact de sa balle à travers le métal.  

Ce sera la mort. Pour tous les trois.  

Il revient rapidement à l'hacienda. Les corps sont toujours là, attaqués par les rapaces qu'il fait fuir. Il desselle, cherche quelque chose dans le hangar… En revient avec une scie et se lance dans la découpe consciencieuse des têtes des Garibaldi, ex-voleurs de bétail et criminels à sang froid. Il comptait "emprunter" leur charrette mais finalement, pourquoi s'encombrer des corps ? Surtout que ce soir, il retourne à la chasse.  

Il grimace un instant en repensant à la gamine vue dans la carriole : les gosses devraient pas voyager comme ça, ce monde est tellement dangereux pour eux.  

A quelques kilomètres d'ici, Eel a fini par embarquer la femme qui implore le pardon de Jesus-Christ. Elle ânonne un anglais atroce - Eel lui annonce que ça ne va pas durer longtemps et qu'il la larguera à la prochaine étape.  

Ce qui l'a finalement décidé à mettre les voiles, c'est le coup de feu qu'il a entendu peu de temps après que le gars ait disparu de son champs de vision, de l'autre côté de la colline. Ce gars était probablement un hors-la-loi ou un chasseur de primes et il ne voulait pas avoir affaire à lui - mais c'était trop tard.  

L'important était maintenant de mettre le maximum de distance entre lui et eux, même si ça devait lui imposer de rater de bonnes affaires dans la prochaine ville.  

(Script original)