Hole City -29 avril - 10h00  

Voilà plusieurs semaines que Martin Smith (Raoul Frizzell) était mort et son ancien supérieur, le commissaire Samuel Lawrence (Bradley Howarth) n'arrêtait pas de penser à lui.  

Dans cette affaire, Smith avait parfaitement joué la partition que Lawrence attendait de lui. A y repenser, le commissaire avait vraiment manipulé tout le monde, à commencer par son ex-subordonné, cette journaliste Sanders (qui lui préparait un coup dans le dos, c'était sûr - raison pour laquelle elle avait quitté la ville précipitamment pour Boston peu de temps après les événements), y compris l'ex-collègue de Smith, Winona Richards - pour laquelle lui en avait pincé un jour et qu'il avait opportunément fait revenir... Richards, repartie chez elle, désespérée.  

L'opération avait failli tourner à la catastrophe mais finalement, les filles s'en étaient bien tirées et Smith mis hors d'état de nuire les éléments les plus "ripous" du Central.  

Mon dieu, cette tuerie.  

Malgré tout, Lawrence n'avait reçu aucune médaille, aucune félicitation de sa hiérarchie - et pour cause : personne n'avait su voir qu'il avait mis en place cette machination : pour éliminer la corruption à Hole City, il fallait user des mêmes stratagèmes qu'elle. Il l'avait compris depuis la mort de sa femme. Depuis, il n'avait plus jamais importuné les puissants, plus jamais menacé les pontes du crime organisé.  

Juste, de temps à autres, rendu la justice par l'intermédiaire d'un flic "qui pétait les plombs" soudainement : ça faisait la Une de la presse, venir les psys sur les plateaux télé... et puis on oubliait. L'hydre criminel se remettait à l'oeuvre et lui aussi, échafaudant de nouvelles stratégies. C'était une partie d'échecs sans fin.  

Lawrence se voyait comme une sorte de Chevalier Blanc de l'ombre, un tireur de ficelles. Dans l'affaire "Smith contre Le Monde Entier", une des ficelles s'était juste déliée trop vite : il avait vu les gars de la morgue emporter le cadavre de Martin. Lui-même avait personnellement appelé ce qui lui restait de famille pour les obsèques.  

Et puis on avait perdu le corps, comme volatilisé. La hiérarchie avait organisé un blocus de l'information vis-à-vis de la presse mais de méchantes rumeurs couraient : trafic d'organes, enlèvement, etc.  

Fichu Smith : il avait vraiment attiré sur lui les médias comme la lumière les papillons. Sa disparition arrangeait tout le monde : le peuple et la presse pouvaient en faire soit un héros solitaire devenu fou par la mort d'une proche, soit un taré gone postal à cause de l'alcool et la fréquentation trop assidue des Racines du Mal, la Mafia pouvait tirer un trait définitif sur un élément des forces de l'ordre incontrôlable, la Police locale soufflait un peu, débarrassée d'un gêneur qui lui rappelait un passé douloureux.  

Lawrence s'en fichait - il jaugeait de l'efficacité de son plan par un horizon dégagé. Et le sien, s'il s'était un peu dégagé (quelques tordus en moins, quelques gêneurs plombés, la Police des Polices qui s'était détournée de son service), s'encombrait encore de Jérémy Wong (Daniel Erotas), un enquêteur fédéral venu de la Capitale éclaircir certains éléments des enquêtes passées de Smith.  

Encore remuer la boue : Samuel avait fait le gars ouvert et compréhensif, le bon flic qui n'a rien à cacher et avait mis à disposition tous les documents en sa possession. Mais il sentait bien que ce Wong se méfiait même de sa propre ombre. Restait cette histoire de corps. Il n'était pas tranquille : il incombait au "fed" de le retrouver - question de principe. Lawrence était déchargé de l'enquête : pas une sanction (au bureau il était désormais celui qui avait le mieux connu Smith, il pouvait être appelé à témoigner) mais pour "ménager sa susceptibilité".  

Et puis parce qu'il avait bien assez à faire avec son enquête actuelle.  

Elle s'appelait Pamela Teese (Johanna Rammstein), ancienne actrice de Série B qui avait fait un trait sur ses ambitions artistiques en signant récemment pour un soap opera. Elle avait déboulé dans leurs locaux comme une tornade méchamment parfumée et réclamé... que l'on retrouve son mari.  

Ledit mari, le producteur du ci-devant soap, sorti officiellement de la clinique Cavendish il y a 24h00 après une opération chirurgicale "mineure". Le problème, c'est qu'au lieu de rentrer chez lui, ce vieux rabougri s'était offert comme qui dirait une petite escapade à putes : Lawrence avait recueilli une dizaine de témoignages, des bandes vidéos et tout concordait : Monsieur inaugurait un nouveau sexe (c'était ça, l'opération...) et n'avait qu'une seule hâte, le voir à l'ouvrage. On avait retrouvé sa Porsche dans une des artères les plus mal famées de la ville.  

Teese soutenait que son mari n'avait jamais quitté la clinique, que quelque chose s'était forcément mal passé, bref la parano médicale habituelle. Les moeurs libérées du producteur et sa vie dissolue reconnue laissaient pourtant peu de place au doute. Lawrence avait envoyé des hommes effectuer des contrôles à Cavendish et oui, on le voyait bien partir à bord de son puissant véhicule vers de "nouvelles aventures". "Trucages" avait répondu Pamela.  

Bien sûr, l'image n'était pas super-claire mais avec les témoignages recueillis, on avait un faisceau d'indices attestant de son départ. Elle n'en démordait toujours pas. L'intéressée était assise en face de lui, à son bureau, à écumer cigarette sur cigarette comme une héroïne de polar qui va de toute façon mal finir car ce n'est pas elle, la Femme Fatale. Un cadavre disparu, un mari en cavale - Lawrence savait que l'équilibre de ses contrariétés passait par la recherche de personnes plus ou moins disparues et plus ou moins mortes. Il commençait à en avoir marre - il lui proposa une visite à la Clinique. Manière pour lui de prendre l'air et de se sortir de l'ambiance un peu renfermée du Central.  

"- Mais à la moindre parole de travers, je vous laisse dans la voiture, vu ?"  

Elle opina.  

La clinique était à une vingtaine de kilomètres du centre-ville, dans la petite ville de Cavendish - d'où son nom. Teese avait récupéré le dossier médical de son mari, sanglotant à nouveau dans la vieille Ford Mustang de Lawrence. Entre deux hoquets, elle articulait le drame de sa vie :  

"Une greffe de bite - et lui qui m'avait dit qu'il s'agissait de se faire retirer des cors aux pieeeeeds !"  

La vie des riches. La dure vie des riches. Elle laissait exploser tout son stress : impudique, fragile, humaine - et amoureuse.  

C'est le Docteur Glover (Johnny Kubota) qui les accueillit. Ce n'est pas lui qui avait opéré le producteur priapique mais il avait suivi l'affaire et c'était un peu son rôle de chapeauter l'opérationnel en l'absence de Monsieur le Directeur. Dans son bureau, il mit tout en oeuvre afin de rassurer Mme Teese. Celle-ci écoutait, les yeux encore embués de larmes, le récit par la voix sûre et confortable de Glover. Le commissaire Lawrence avait lu tout ça. Il préféra prendre congé et se promener dans le parc.  

Les patients étaient plutôt choyés ici, les jardins magnifiquement entretenus par un personnel dévoué et même par les malades qui le désiraient. Une thérapie comme une autre. Il remarqua alors une jeune fille (Shany Larock) qui l'observait de manière insistante, assise sur un banc. Elle les avait croisés en venant et avait déjà posé sur eux ce regard pénétrant et quelque peu désorientant. Il n'avait rien d'autre à faire. Il regarda autour de lui - personne n'avait l'air de les surveiller particulièrement.  

Il se rapprocha, lui demanda s'il pouvait s'asseoir et sans attendre, posa ses fesses à ses côtés.  

"- Belle journée, hein ?" C'est vrai qu'il faisait beau.  

La gamine était plutôt mignonne - trop jeune bien sûr - mais mignonne...  

Elle tourna vers lui un regard mort, qui avait perdu toute humanité. Un étrange frisson caressa l'échine de Samuel Lawrence.  

Elle articula alors avec difficulté, sans doute sous une emprise médicamenteuse...  

"- Smith. Est. Proche."  

(Script original, suite de Lost Shadows - S04E01 : L'Eveil : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=14649)  

Lost Shadows est une création Morcar Prods.