Au 6ème jour de sa Création, Dieu se rendit compte qu'Il avait créé trop d'espèces sur Terre car Il était toujours trop plein d'amour.  

Il prit alors une décision radicale, car Il était Dieu et il fallait pas le faire chier.  

Un peu comme la mauvaise ménagère met la poussière sous le tapis, Il décida d'enterrer ce qui ne Lui plaisait pas.  

Les choses que Dieu avaient exilées aux tréfonds de la Terre se rebellèrent.  

Dieu les en sortit du sol et les envoya promener dans les Cieux.  

Les choses que Dieu avaient exilées aux tréfonds des Etoiles se rebellèrent.  

Mais Dieu n'était plus là, parti loin du destin des Hommes.  

Alors les choses que Dieu avaient exilées aux tréfonds des Etoiles retombèrent sur Terre pour y prendre leur place légitime.  

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Aujourd'hui.   

C'était une terre aride dont Lamb (Pierre Mirren) avait hérité. Une putain de terre aride au milieu de cette île grecque, héritage du passé de spéculateur fou de son paternel. C'était un gros bout de terrain campagnard avec un mas luxueux mais des champs quasiment à l'abandon. L'endroit était cultivable mais le soleil accablant.  

Lamb venait de Kennebec, Dakota du Sud : autant vous dire que l'Europe était une autre planète pour lui - il avait du mal à comprendre pourquoi tout le monde ne parlait pas la même langue. Il avait fini par se faire une raison - la nana qui s'était occupée de la succession - Cally (Clarisse Camacho) qu'elle s'appelait - lui avait un peu expliqué les subtilités locales, historiques et géographiques. Il s'était arrêté aux fondements de la civilisation, préférant lorgner ostensiblement sur le décolleté de l'avocate.  

Heureusement pour lui, la famille de Lamb était cultivatrice de père en fils depuis des siècles. Il deviendrait donc cultivateur ici et si ça fonctionnait, pourrait se vanter de disposer d'un pied à terre cossu en Europe et crâner un peu. Ca ferait son petit effet auprès des ploucs et des minettes. L'Europe, la clââaasse. Hahaha - il se marrait intérieurement : Lamb se faisait des films.  

Le soleil tapait fort en ce mois de juillet - les volutes de chaleur s'échappaient de la terre craquelée. A ses côtés, Tony Perez (Amaury Jodorowsky) commençait à trouver le temps long - et sa gorge desséchée tout autant. Tony était l'ingénieur agronome qui présidait aux destinées des terres de la famille Lamb. Il avait un peu visité les alentours, recueilli des échantillons, analysé tout ça tandis que son patron se prélassait dans la piscine ou faisait du shopping avec sa fille Ally (Ella D. Chenz), celle qui attendait dans le gros Toyota garé là-bas.  

Lamb se tourna vers lui.  

"- Alors ?! C'qu't'en penses ?  

- On pourrait faire du vin ici.  

- Sérieux !?!"  

Ca changeait tout - Lamb ne put se retenir de pousser un petit cri - du type qui caractérisait chez lui l'approche de l'orgasme. Du vin. Ca changeait tout.  

Du vin. "J'ai des vignes dans le Sud de l'Europe". Putain, il allait vraiment scotcher tout le monde à Kennebec. A coup sûr, il aurait sa photo dans le journal - et cette fois, pas dans la rubrique des voies de faits alcooliques.  

Du vin, son père avait toujours essayé d'en produire de son vivant là-bas, aux USA. C'était l'échec de sa vie. Son seul échec. Ici en Europe, faire du vin, c'était le prestige.  

Lamb se trompait, il ignorait tout de la politique agricole européenne, des tracasseries administratives, des quotas et ennuis divers qui finiraient par se déverser sur son exploitation pour finalement le saigner : impôts, emplois, normes sanitaires, etc. Ils les ignorait - et pour cause : il rêvait éveillé et voyait l'Europe comme les USA l'imaginait dans les années 60, avec des yeux naïfs et condescendants d'enfants gâtés qui observent le tiers-monde.  

Tony scruta à nouveau l'horizon. Au loin, c'était la mer - la vue était belle. L'exploitation agricole était potentiellement rentable. Personnellement, lui aurait sous-traité le bordel et construit un hôtel. Là, il était sûr de faire du pognon.  

Au loin, un monticule de terre semblait avoir bougé.  

Tony ne s'en aperçut pas tout de suite - avec les volutes, tout semblait se déplacer en face de lui et les mirages, ça n'était pas que pour les déserts.  

Pourtant, il dut se rendre à l'évidence : au loin, il y avait une motte de terre qui se déplaçait en soulevant la poussière - et elle venait vers eux. Il prit le bras de Lamb qui regardait les plans de sol du terrain.  

"- Quoi ?  

- T'as déjà vu des taupes qui foncent vers les gens à 20 km/h ?"  

Tony pointait la terre mouvante du doigt. Lamb fronça les sourcils - non, il n'avait jamais vu ça non plus.  

Arrivé à une dizaine de mètres d'eux, ça remonta à l'air libre. C'était une araignée - une sorte d'araignée - gigantesque et bulbeuse, grise, dont chaque patte devait faire plus d'un mètre de long et le corps informe au moins 40 bons centimètres. C'était un cauchemar à huit pattes qui déboulait, crocs acérés en avant.  

Ally, restée dans le 4X4 écouter sa musique, avait vu la scène et se mit à hurler. L'arachnéenne créature se détourna immédiatement des adultes et fonça vers elle, provoquant la panique de Lamb et Tony qui se mirent à la courser.  

Ally avait fermé les portes et remontait manuellement la fenêtre conducteur à toute vitesse quand le monstre sauta dans sa direction... pour se coincer dans ladite vitre. Ally vit les crocs se braquer à quelques centimètres de ses yeux tandis que les mandibules passées la retenaient, la griffaient de toute part et commençant à l'enrouler dans une toile gluante.  

"- RELÈVES LA VITRE, TUES CETTE VERMINE !" lui hurlait son père - qui n'osait toucher aucune des extrémités de cette terreur. Tony fonça vers la porte passager.  

Dans le véhicule, la jeune lycéenne cherchait les commandes électriques : secouée, la chose n'arrêtant pas de se débattre, le contact de sa peau avec la toile commençait à l'engourdir.  

Tony se glissa à ses côtés, actionna la commande de fermeture de la vitre et l'aida à se désincarcérer de la toile.  

Le système s'actionna sans bruit - la créature sentant la pression sur son bassin s'immobilisa, émit un sifflement de douleur, laissa couler quelques gouttes de venin sur le siège et sembla leur jeter un regard de haine.  

Puis explosa, inondant la cabine et giclant sur Ally et Tony - mais surtout Ally. Ils venaient d'être baignés d'un liquide tiède uniformément noir et liquoreux.  

La jeune fille hurla de nouveau comme une possédée, se débattit de plus belle pour enlever les filins de toile collants et sortit du véhicule. Tony la suivit, enleva sa veste, ouvrit le coffre.  

Lamb regarda sa fille unique, hébété. Il n'avait pas su lui porter secours. Il avait laissé son personnel pour ça.  

Mais elle ne le calcula pas. Elle portait déjà son regard par-delà son épaule : d'autres monticules bougeaient et commençaient à se diriger vers eux !  

Elle pointa la menace du doigt, n'eut pas la force de crier et s'évanouit.  

Tony avait sorti des linges du coffre. On enveloppa Ally dedans et on se précipita de mettre les gaz. Les créatures sortaient de terre au moment où le moteur démarra.  

Le chemin était cahoteux, l'aller n'avait pas été de tout repos, il faudrait penser à goudronner pensa Perez. Tandis que Lamb hurlait les pires insanités dans son portable au répondeur de Miss Cally, il jeta un coup d'oeil aux environs.  

Mauvaise idée. Quel que soit l'endroit où son regard portait, des myriades de créatures identiques sortaient de terre. Il renforça instinctivement sa prise sur le volant et décida qu'il ne regarderait plus que la route.  

Il tourna brusquement dans un virage en épingle, évitant de peu un troupeau de chèvres complètement paniqué. Pas de berger - il n'était pas difficile de deviner son sort.  

Inexplicablement, quelque chose sembla soulever le puissant véhicule japonais. En douceur dans un premier temps, puis violemment.  

C'était impossible : ils roulaient à plus de 70 kilomètres/heure sur une voie non goudronnée.  

Tony perdit les contrôles, le 4x4 s'envola. Un choc monstrueux. Et puis plus rien. Un grand silence.  

Ally fut la première à s'extraire, complètement sonnée et à découvert. Fragile et sans défense pour ce qui l'attendait. Elle s'assit et ne bougea plus, à bout de force, terrassée.  

Une "araignée" qui semblait monter la garde devant le véhicule l'avait vue. Mêmes dimensions que l'autre - peut-être un peu plus petite - mais la même envie d'en découdre. Ally était trop faible, son père encore là-dedans, elle n'avait rien pour se défendre, puait encore du sang de l'autre saloperie...  

L'araignée se rapprocha d'elle doucement. Tout doucement.  

Une déflagration. La créature fut projetée contre un olivier, mortellement blessée par un gigantesque trou béant arborant désormais son sternum.  

Une femme (Laura Hess) venait de sortir des buissons. Elle ressemblait un peu à sa mère - du temps où sa mère était encore parmi eux. Elle tenait un fusil à pompes dans les bras. L'avocate, cette Cally, se tenait derrière elle, le regard fou.  

La femme rechargea son arme. A la regarder de plus près, c'était peut-être un garde-chasse, ou un flic du coin. Elle jeta un coup d'oeil à l'intérieur du véhicule et poussa un soupir de soulagement : les hommes émergeaient de l'inconscience, il ne fallait pas les brusquer.  

Cally parla la première.  

"- Vous... vous avez vu le cratère que la météorite a creusé, dans la plaine de l'autre côté de la montagne ?"  

Non, ils ne l'avaient pas vu - elles n'avaient pas pris le même chemin qu'eux et ils n'avaient rien entendu - ça n'était pas arrivé en leur présence.  

Des météorites, sa prof de physique lui avait expliqué qu'il en tombait des centaines par an sur Terre, tandis que des centaines de milliers d'autres se désagrégeaient dans l'atmosphère - en quoi celle-là serait-elle différente ?  

Celle-là avait fait un trou. Mais pas que.  

(Script original)