Pudang - Viêt-Nam, fin 1974  

La couverture aérienne vient de réduire en cendres les dernières poches de résistance de l'ennemi, les soldats en fuite venaient de se faire tirer comme des lapins par la 7ème platoon aéroportée de Sacramento.  

La guerre n'est pas belle ici, elle ne l'est jamais du reste - pas de technologie mais des moustiques, de la boue, un taux d'humidité de 100% dans la jungle et de 80% dans les villes, ici un collègue qui perd ses tripes à terre, après s'être pris un shrapnel d'un tir ami. Pendant qu'on s'occupe de lui, le Lieutenant Forbes (David Reyes) est à la manoeuvre - sa mission : récupérer des gars enfermés dans une prison souterraine viêt-cong. Forbes n'a pas d'espoir de retrouver qui que ce soit vivant - il sait qu'il s'agit d'une manoeuvre de la hiérarchie pour que les "boys" voient de leurs propres yeux ce que ces sales "commies" font subir aux gars…  

Sacramento - USA, 2014  

Forbes (Manfred Ribic) ouvre les yeux. Il est assis dans un fauteuil confortable. Le Général aujourd'hui retraité a en face de lui son analyste, Rebecca Stylez (Jeanne Winstone).  

"- Et vos gars, vous les avez retrouvés ?"  

Le vieil homme baisse la tête. Après quarante ans, il vient de ré-ouvrir la boîte de Pandore… Comme hier dans ses souvenirs.  

Oui, ils les avaient retrouvés. Comme prévu, le spectacle en avait révulsé plus d'un. Forbes savait ce qu'ils allaient voir - d'un simple coup d'oeil il avait compris : ils n'avaient pas torturé la piétaille pour lui extorquer quelque information stratégique - les "rouges" connaissaient leurs modes opératoires, merci à l'espionnage et Jane Fonda.  

Non, ils les avaient laissés mourir comme de la charogne, abandonnés là à leur triste sort. Certains avaient probablement survécu plus longtemps que d'autres. Une étude des cadavres aurait probablement révélé des actes de cannibalisme.  

Ils étaient là depuis des mois - le Commandement ne s'était intéressé à leur sort que récemment. Les grosses légumes de Saïgon ne pouvaient ignorer qu'ils étaient déjà en train de pourrir à ce moment-là.  

Les gars en avaient voulu à la terre entière et ce spectacle dégradant avait décuplé leur fureur guerrière. Tellement remontés que le prochain village sur leur chemin allait déguster…  

"- On allait les prendre en tenaille, leur couper les approvisionnements. La stratégie établie était plutôt bonne."  

Les hommes n'avaient jamais failli - ou presque. La section de Forbes comprenait quelques fortes têtes appréciables : Radio (Amaury Kirdar) chargé des… télécommunications, Ruben Bronx (Denny Baxter) qui avait débarqué en Normandie et qui officiait en tant que Second et enfin Chang (Alisa Torkildsen), leur traductrice mandatée par le commandement. Une femme au milieu de tout ça qui servait également de repos du guerrier le soir venu. Le reste de la troupe était composée de gamins, repris de justice, soldats à la tire, mal formés, pas préparés, incultes et intéressés.  

Forbes lui, était marié. Cela faisait bientôt 5 ans qu'il pataugeait dans la gadoue, la mousson, les emmerdes. Il en avait vu crever, des jeunes recrues envoyées au front avec la promesse d'une bonne paye et d'un service rendu à la nation.  

Plus le temps passait, plus il en voulait à tout le monde, civils compris, de sa situation. Parfois, il avait du mal à se remémorer le visage de ses enfants. Il haïssait ce pays. C'est pourquoi il s'était montré intelligent sur le front, ménageant la troupe et les pertes. Plus il devenait un bon soldat, plus sa hiérarchie le renvoyait à l'ennemi… Lui attendait de monter en grade pour se carapater.  

Le général tenait ses médailles dans la main…  

"- Et vous voyez jusqu'où ça m'a mené ces conneries ? Jusqu'au Pentagone. Ouais."  

Il les soupesait, ses plus hauts honneurs militaires, comme il aurait soupesé ses burnes. Il savait ce qu'il leur devait et ce qu'il avait du faire pour en arriver là.  

L'analyste regarda sa montre : "- Nous allons nous arrêter je pense - je vous laisse réfléchir à tout ça. On se revoie la semaine prochaine."  

Elle venait de lui donner congé. Réfléchir à tout ça : ça faisait quarante putain d'années qu'il gardait ça pour lui.  

A l'extérieur, il tombait des braises. La clim' allait lui faire choper la mort. Revenu dans son véhicule d'un pas lourd, il repensait à ses amis du front, ceux qu'il avait commandés ou laissés là-bas. Dans un des tiroirs de sa table de nuit se trouvait un revolver d'époque. Il restait une balle dans le chargeur.  

Comment avait-il pu être si lâche ? Comment avait-il pu vivre des honneurs rendus tant de temps en continuant à se regarder dans la glace ?  

Comment avait-il pu être si aveugle ?  

(Script original)