La famille Sig aurait pu connaître un bien meilleur sort : il aura fallu qu'un jour du début du XXème siècle, l'arrière-grand-père souffre de la faim et tombe dans le cannibalisme le plus débridé pour que la famille, tout à coup, se retrouve au ban de la communauté.  

Et le cannibalisme, même à la montagne et au Canada, ce n'est pas bien vu.  

Alors, la famille Sig s'est exilée. Dans le seul pays plus barbare qu'eux : les USA au coeur de la Grande Dépression. Land of the Free, les voilà !  

Les années passent, les Sig forment une petite communauté anthropophage au milieu de la grande banlieue de Chicago. Personne ne s'étonne vraiment du calme du quartier : régulièrement, clochards, animaux domestiques, dealers et autres petites frappes véreuses disparaissent du radar de la Police. Règlements de compte, disparitions inexpliquées aux yeux des autorités - mais banquets ces jours-là dans la petite famille.  

Dans les années 70, elle est même récompensée pour son implication dans la vie sociale. C'est leur moment de gloire, mais on ne se presse pas pour autant dans leur immeuble : des rumeurs commencent à courir autour d'eux. On parle de "secte" et de personnages ambigus et - surtout - ils ne vont pas à la messe, ce qui attire doute et suspicion.  

La famille connaît un autre problème : le renouvellement des générations devient problématique. Le seul petit dernier viable a eu le temps de "faire ses gammes" dans la catégorie serial-killer : bon mastiqueur élevé au milieu des scies et des haches familiales soigneusement entretenues dans le deuxième sous-sol du bâtiment dans lequel les Sig résident, il a hérité du surnom de "Jaw" - c'est court et facile à retenir, et surtout tout le monde a oublié son vrai prénom. A 4 ans, il a déjà assassiné ses frères débiles au moyen de pièges diaboliques à base de poulies et de poupées qui font peur...  

Devenu adulte, Sig Jaw (Sylvain Barré) commet l'erreur ultime : celui de ne pas essayer de se reproduire avec une fille, une cousine, une nièce proche. Non : "Jaw" a compris que les cas de débilité de plus en plus fréquents avait cette origine. Il veut renouveler le sang. Il se met la famille à dos (on dit alors poliment de lui qu'il est devenu sot) mais cette dernière n'ose rien : "il" est devenu le "mâle alpha" de la communauté. Mais à la différence des autres, lui n'engrossera pas sa soeur, sa mère, sa tante… Sig Jaw est supérieurement intelligent, il le sait. Et il a des ambitions qui dépassent les quatre murs de l'immeuble.  

Il compte donc enlever une fille, lui faire des enfants et la dévorer (ça, c'est normal) mais après. Et renouveler l'opération autant de fois que possible afin de créer un nouveau cheptel de tueurs. Oui, il voit grand : même s'il n'est pas allé à l'école, c'est une sorte de surdoué du crime.  

Nous sommes à la fin des années 90, c'est un miracle qu'aucune autorité n'ait remonté la piste des Sig. Seulement, le FBI veille.  

Quelqu'un chez eux a fait le lien entre différentes affaires de disparitions et de cannibalisme de la région de Chicago et ce depuis plus de 50 ans. Le Bureau, déjà suffisamment brocardé dans X-Files, a envie de taper vite et fort - on organise bientôt un plan d'attaque de l'immeuble.  

Le soir de la rafle, Sig Jaw conte fleurette à Emilie (Bianca Clinton) dans un restaurant pakistanais : il ne veut pas la ramener à l'immeuble. Avec ses derniers salaires de docker, il a loué un petit garage souterrain qu'il a transformé en boucherie et salle d'accouchement. Après l'avoir droguée, il fera sa petite affaire avec elle et attendra que la nature fasse le reste.  

Emilie est une jeune étudiante de Lettres bien née qui aime le frisson : ce docker, elle l'a rencontré sur le Meetic local en ligne et elle apprécie les hommes violents. Elle est un peu déçue en fait : "Jaw" est une crevette là où elle s'attendait à une armoire à glace qui aurait pu la lutiner comme la biatche qu'elle rêverait d'être.  

Quand ils sortent du restau, elle est déjà bien "faite" et quand il lui propose un dernier verre chez lui, elle ne se sent pas la force de décliner. Ramenée au garage en scooter, elle dort à poings fermés quand il la prend sur la table. Il l'attache et s'en retourne au QG familial, plutôt satisfait du déroulement de la première phase de son plan diabolique.  

Arrivé dans le quartier, des dizaines de véhicules de police bloquent l'accès à l'immeuble, Jaw croise des ambulances : l'intervention du FBI ne s'est pas déroulée comme prévue, l'opération a été un carnage. Demain, les gazettes titreront sur le "massacre des cannibales" et on citera le Directeur de l'antenne locale du FBI, fier d'avoir débusqué "un nid monstrueux"… Bien sûr, il était dommage que lesdits monstres aient emporté leurs secrets dans leurs tombes mais on laisserait la presse, le journalisme d'investigation et Hollywood s'occuper du reste...  

Sig Jaw venait de comprendre que plus rien ne serait pareil : pour avoir voulu "améliorer la famille", il avait échappé à son extinction. Il ferait donc les choses en solo avec le seul but de détruire l'institution. Il passerait le reste de la nuit à se promener à travers la banlieue, à pieds, à échafauder de nouveaux plans d'une inutile complexité.  

Cette même nuit, Emilie devait se réveiller la bouche pâteuse, harnachée sur une table d'opération et les lieux exorbités. Le frisson se rappelait à elle : "ohmygad, ohmygad, ohmygad".  

(Script original, préquelle de Saw6 et le Silence des Jambons (2005) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=498 et sa suite Saw7 et l'horrible Odeur de la Mort (2007) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=2291)