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MMP présente
Katsuhiro Otomo's DôMU - Rêves d'Enfants

Canicule 2003 - France.  

 

La chaleur est une terreur. Ici, dans l'immense cité-dortoir du Nid Gentil de la ville nouvelle d'Issy-les-Mines (banlieue Parisienne), la vie s'écoule au gré des 40% de chômage, du désoeuvrement de la jeunesse et des interventions du SAMU et des Pompiers qui viennent récupérer les cadavres desséchés des voisins les plus âgés, fragiles et abandonnés à leur condition de rebuts d'une société qui se désintéresse de ses ainés.  

D'ici à quelques semaines, les premiers rapports de la surmortalité de cette catégorie de population parviendront au sommet de l'Etat qui fera semblant de s'en émouvoir et essaiera de "mobiliser les énergies" pour que "plus jamais cela ne se reproduise". On instaurera un nouvel impôt et on oubliera très vite le drame collectif autant qu'individuel.  

 

Revenons au temps présent. Le Nid Gentil, ses 15 000 âmes, son architecture stalinienne, ses murs en carton où la vie privée n'est qu'une illusion. Ses "jeunes à casquette" qui font hurler le ghettoblaster et ses dealers qui "arrosent" la cité et lui permettent - paradoxe - de ne pas tomber dans la misère la plus absolue.  

Dehors sous le soleil battant, des enfants jouent comme seuls les enfants savent jouer : qu'importe que les installations de loisirs de la municipalité aient été vandalisées depuis des années, ça ne les arrête pas. Ils sont loin de leurs parents, au boulot ou restés dans les appartements, terrassés par la température hostile.  

 

Charles Gima (Bill Hingue), dit "Vieux Charles" les regarde du coin de l'oeil, assis sur un des bancs cimentés au sol. Il détaille en particulier un petit garçon, s'attarde un instant sur son paquet de billes.  

Les billes.  

Ses yeux se plissent et il esquisse un sourire.  

 

En ce mois de juillet, on compte déjà trois suicides en moins de quatre mois au Nid Gentil. Les conditions de vie précaires et la chaleur amplifient le sentiment de déshérence. Que font les autorités ?  

Elles essayent de comprendre : la PJ centrale de la Capitale a envoyé l'inspecteur Yann Gava (Sylvain Barré) sur place. Impossible de déplacer une équipe complète au risque de se faire caillasser par les "jeunes". Yann est incognito, intégré à la cité, occupant en accord avec l'organisme HLM propriétaire des lieux le petit appartement d'un des récents suicidés, dans la tour A. Il vient d'arriver et son air angélique permet de donner le change de sa double-identité : celle d'un étudiant en sciences sociales. Il profite de cette couverture pour organiser ses propres recherches et interroger - comme si de rien n'était - les habitants. Le seul moyen de comprendre. Yann est spécialiste des missions in situ et titulaire des meilleurs diplômes de psychologie comportementale.  

 

Expliquer pourquoi cette cité explose les statistiques européennes du nombre de suicides depuis le début des années 70. Des équipes de la Sureté Intérieure sont presque certaines de la présence d'un ou de plusieurs (une famille ?) tueurs en série sur zone. Comment démêler le vrai du faux. La Municipalité a été prévenue de la présence de Yann. C'était ça où l'évacuation "pour raisons sanitaires" des 15 000 habitants. Une option insupportable pour la commune : mauvaise publicité, zoom sur la gestion communale, la presse... Les politiques du coin ont tout intérêt, a compris Yann, de laisser pourrir la situation. Après eux le déluge. Et combien de cités du pays sont dans ce cas ?  

 

L'inspecteur-"étudiant" enquête donc, faisant du porte-à-porte et se présentant sous couverture. Les gens sont heureux de parler à quelqu'un d'un peu extérieur : plus personne ne passe dans la cité, même les postiers refusent désormais et les transports publics ont été réduits à la portion congrue. Les gens l'invitent à boire un café, un thé, un pastis, parfois même quelque chose de plus fort - ils ont un besoin vital de parler, de discuter avec quelqu'un, de raconter que non, la situation n'a pas toujours été comme ça, qu'il n'y a pas d'un côté les gentils et de l'autre les méchants, que c'est la responsabilité collective des uns et des autres qui a rendu la situation ingérable. Chacun à sa manière expose son malaise.  

Dans la tour où il réside, il est particulièrement surpris par la chaleur de l'accueil. Il relève juste le comportement erratique d'une femme du nom de Tezuka (Kristen Ciani) dont les grands-parents étaient originaires de l'ex-Indochine Française. Tezuka se promène dans les couloirs du 9ème étage, maugréant et jetant des regards meurtriers à quiconque la croise : l'assistante sociale chargée de son dossier lui a révélé le pathos de la jeune femme (battue par son mari, enfant mort-né, séjour en hôpital psychiatrique, etc.). Une déséquilibrée qui n'en fait pas une meurtrière. Enfin, pas forcément.  

 

Le 23ème et dernier étage de sa tour est quasiment déserté. Logique, l'ascenseur s'arrête au 20ème, et les habitants du dessus déménagent aux niveaux inférieurs quand ils en ont les moyens. Au fur et à mesure de son ascension, les couloirs sont donc de moins en moins entretenus, de plus en plus déserts. Et au dernier, il faut compter sur la lumière diurne pour y voir quelque chose, plus aucune ampoule ne fonctionnant. Yann n'ose imaginer l'ambiance qui doit régner ici lors une nuit venteuse.  

En arrivant au sommet, exténué, le jeune inspecteur sort un carnet et les notes de sa serviette et les consulte : famille Latter.  

 

Alors qu'il cherche le dernier appartement encore habité du niveau, il se fige soudain. En face de lui à une dizaine de mètres, le couloir se finit en T. Venant de la gauche, il vient d'apercevoir une poussette.  

Qui se déplace toute seule, lentement. A environ un mètre de là, une petite fille (Brittani Tager) suit la poussette, visiblement concentrée.  

Yann toussote. La poussette s'arrête brusquement et la petite fille la récupère, fait demi-tour et s'en va rejoindre sa mère. Yann la suit.  

Non, la chaleur doit vraiment lui taper dessus pour voir ainsi des objets bouger tout seul. La fillette aura juste lancé la poussette, arrivée en bout de course au moment où il l'a vue.  

Il sourit de sa naïveté - cette ambiance lui fait imaginer des choses.  

 

L'entretien avec Mme Latter est une formalité - Yann observe la petite fille du coin de l'oeil.  

Quand il redescend au pied de son immeuble et se prépare à rentrer dans la tour suivante, il constate que le soir commence à tomber ; les jeunes ne vont pas tarder à sortir prendre le frais et à se lancer dans des rodéos. Au moment ou il revient dans le hall, il voit plusieurs billes tomber de l'escalier et un drôle de bonhomme d'âge canonique courir derrière elles.  

"- A moi, à moi..." La voix du vieillard est aiguë.  

Yann sourit à nouveau : au moins, celui-là n'a pas l'air trop malade : il trottine sec et à l'air éveillé. L'inspecteur ramasse une des billes et la lui tend.  

"- Amoilabille, c'est MON sac, à moi !!" Le vieil homme arrache la petite neptune bleue de la paume de Yann et lui jette un regard plein de méfiance.  

Le sourire de Yann a disparu. La sénilité dans toute sa tristesse. Il consulte ses fiches tandis que le petit homme remonte et referme une porte au premier étage.  

M. Gima, doyen de la cité. Plus de famille connue et un des rares propriétaires de son appartement. Aides sociales. Demande en placement médicalisé refusé par lui. "Cas difficile" a ajouté l'assistance sociale dans un coin du document.  

 

Il range ses papiers. A ses pieds, une petite casquette de baseball. Yann lève les yeux. Probablement M. Gima qui l'aura fait tomber d'une des poches de son ample pantalon. Yann soupèse la casquette. Taille enfant, avec un joli logo doré brodé sur la face avant. Pas à sa taille.  

Quand il rentre chez lui, le jeune inspecteur est confus. Il déplie son tableau de présentation blanc et commence à noter des noms au feutre.  

 

A quelques centaines de mètres de là, alors que les derniers rayons du soleil disparaissent, un enfant de huit ans arrive sur le toit de la tour C. Une brise légère lui caresse les joues - ses yeux sont fixés vers son seul objectif, la rambarde de sécurité qu'il escalade sans peine. Il se retrouve bientôt sur le parapet. Un pas de plus et c'est la mort.  

"- Et ben quoi, qu'est-ce que tu attends ?!"  

En face de lui flotte Charles Gima qui lui fait de grands gestes d'encouragement, l'invitant à le rejoindre dans le vide. Charles - celui qui lui a dérobé ses billes.  

Il s'avance comme une poupée dénuée de volonté - le pas de trop.  

Il n'y a pas de cri. Juste le craquement obscène d'un corps qui se répand, disloqué sur le béton.  

"- Ouch ! Ca a du faire mal !"  

Et le vieil homme de disparaître comme un fantôme.  

 

(Script original adapté du manga de Katsuhiro Otomo - tourné dans les studios Pietrantonio studio B)

Scénario : (1 commentaire)
une série B thriller (Policier / Horreur) de Ivan Grusin

Sylvain Barré

Brittani Tager

Bill Hingue

Kristen Ciani
Musique par Carrie Howarth
Sorti le 09 décembre 2017 (Semaine 675)
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