C'est souvent comme ça que ça démarre : vous prenez un petit génie de l'informatique ni très sexy ni très causant sauf quand il s'agit de la compilation des derniers binaires de son application favorite - et vous l'envoyez sur les réseaux. Et là boum ! - il réussit à "cracker" une base de données super-importante du Gouvernement Américain en début de soirée. Parce que c'est bien connu, rien n'arrête ce type de personnage pour qui la violation des secrets de l'Autorité paraît une seconde nature - et une vraie éthique à leurs yeux. Appelons cet individu Sparks (Chris Henriksen).  

Imaginons - toujours - que ce gamin de seconde année de fac à Washington soit tombé par hasard sur un ensemble de documents prouvant l'affiliation d'hommes politiques du Congrès Américain avec les pires canailles que la terre ait jamais portée : criminels de guerre africains, avocats, barons de la drogue, banquiers, membres importants du crime organisé, sectes, etc. Un gros gros truc qui pourrait faire tomber bien des têtes et servir la cause conspirationniste. Pour le moment, il ignore la vraie portée de ce que son disque dur contient. Pour lui, c'est tous pourris mais il verra ça demain.  

Postulons à présent que notre petit génie squatte illégalement la chambre d'étudiant d'un ami de longue date que nous appellerons Levine (Tom Kent). Evidemment, notre ami Sparks a tout fait pour ne pas être repéré dans sa frauduleuse récupération de documents mais - hé ! - nous ne sommes pas au cinéma (si, mais, bon...) et les machines traçantes dont disposent les autorités sont beaucoup plus malignes que lui. Il est donc repéré quasi-immédiatement son forfait accompli. Une vraie défense informatique l'aurait empêché d'entrer dans la Base de Données mais Sparks a eu pas mal de chance avec le code.  

C'est le groupe chargé de la Cyber-intrusion de la NSA qui est prévenu en premier du problème. A sa tête, Helen Ridder (Adélaide Keith) qui discutait justement de ce type de problème avec le Secrétaire d'Etat à la Défense, ce soir au restaurant. On la dérange d'ailleurs au lit, en pleins ébats avec ledit Secrétaire d'Etat (un homme bien marié par ailleurs), ce qui agace. Mais le boulot est le boulot : quand Ridder s'enquiert des documents copiés par le hacker, on est incapable de lui donner une réponse. Visiblement, c'est du très très haut niveau - accréditation Maison Blanche only. Le pirate a été tracé. Le temps qu'Helen rejoigne son équipe, ses hommes sont prêts à intervenir.  

Chez Richard Taddeus Levine, au milieu d'un des campus de la ville indique l'ordinateur. Pas très loin, l'affaire peut-être bouclée proprement en deux-trois heures. Helen pourra peut-être terminer sa nuit. Pourtant, elle aime savoir ce qu'elle cherche. Ici, la Base de Données ne leur communique qu'un MD5* et un checksum pour repérer le document. Théoriquement suffisant mais un peu frustrant pour l'ex-flic qu'elle demeure.  

Le problème de Levine, c'est qu'il n'est pas blanc-bleu non plus. Arrivé par miracle en 3ème année, il donne une toute nouvelle dimension au terme "parasite de campus". Il deale diverses substances que la loi réprouve (herbe, poudre, cachets) et à force d'en consommer lui-même a fini par développer tous les signes d'une paranoïa psychotique aïgue : il voit des flics en civil partout, croit qu'il est sur les listes du FBI (pas pour le moment mais ça va venir) et regarde Sparks de plus en plus comme un agent infiltré de la DEA (il sait que c'est des conneries, mais là ça l'amuse).  

Ledit Sparks se désespère un peu de cette situation : Levine est un ami d'enfance qui lui prête un peu d'espace ici car les parents du jeune informaticien ne pourraient jamais lui payer une telle chambre ici. En retour, il ne lui a rien demandé alors qu'il était prêt à faire ses devoirs ou ses travaux en compensation. Non, Levine s'en fout : de toute façon, c'est comme s'il ne dormait plus ici. A force de fréquentation des diverses "fraternités" du coin qu'il arrose en PCP GBH et coke, il découche régulièrement. Les deux jeunes ne se voient quasiment plus. Une plaie pour Sparks qui n'a guère d'autre fréquentation sorti de ses collègues de classe.  

Il n'ouvre même pas les documents récupérés. Verra ça plus tard. De toute manière, il n'en aurait pas saisi toutes les subtilités en un seul coup d'oeil. Il prend sa sacoche, y range son portable (éteint le Wi-fi en passant) deux-trois affaires et évacue de la chambre qui commence à lui sortir par les yeux. Il traverse les couloirs de l'immeuble, croise d'autres étudiants affairés qui ne le regardent pas. C'est une ombre ici (ni bien fait de sa personne ni riche) et les ombres sont invisibles. Il enfourche son vélo et s'en va consulter les programmes des cinémas du centre-ville. Il a envie de se changer les idées.  

Il ne voit ni n'entend l'hélicoptère Spygone de la NSA qui s'est silencieusement posé sur le toit à la faveur de l'obscurité (à cette heure, tout le monde révise ou boit - on a donc autre chose à faire que de regarder les toits voisins). Les gens de l'hélicoptère ne l'ont pas remarqué non plus. Quand ils déboulent dans la chambre de Levine, permis de tuer à la main et déguisés en agents de l'hygiène, une sale odeur de renfermé les assaille : leur cible est partie.  

A part quelques DVD et CD piratés, nulle autre trace de forfaiture. Le portable de Levine reste muet.  

"- Amenez-le au centre, ce petit bâtard a probablement crypté ses données. On a affaire à un vicieux, là. Interrogez le voisinage, je veux savoir où il a pu s'enfuir."  

A chaque journée son orgie pour Levine. Là, il revient de chez les Thêta-Bêta-Omega où il a vendu tout son stock d'acides. Une bonne affaire, le seul problème étant qu'il n'en a pas gardé pour sa conso personnelle - un peu gênant. Résultat, il est parti drôlement tôt, les filles n'étaient pas encore tout-à-fait prêtes pour ce qui les attendait, les garçons pas assez soûls pour lui permettre de rester et profiter de la fête comme il le fait d'habitude. L'avantage, le seul à ses yeux, c'est qu'il est parfaitement clean ce soir. S'il était sorti quelques minutes plus tôt, il aurait même pu croiser son ami Sparks sur la route verdoyante du campus.  

Peut-être même qu'ils se seraient parlés et auraient discuté ensemble. Une première depuis longtemps.  

Son cellulaire vibre, il décroche. C'est le traceur que lui a installé Sparks sur son portable : il détecte quand l'ordinateur est allumé en son absence et son mot de passe utilisateur cracké. Là, la machine lance la webcam et photographie la tronche de l'intriguant et l'adresse via le GPS.  

La tronche du gars ! Lunettes noires, sale gueule, le look du tueur gouvernemental. Et il est pas seul en plus. Le GPS indique qu'Ils sont dans sa chambre !  

Ca y est, cette fois c'est la bonne : le FBI, la CIA, la DEA, la FDA ou l'armée sont sur ses traces, lui, le Dealer du Campus (pas le seul, mais le plus important). Il sait comment ça se passe : ils vont aller voir sa famille (elle est trop loin pour être impliquée - et ça fait combien de temps qu'il ne les a vus ?), bloquer ses comptes bancaires (Levine n'aime que le cash de toute façon), passer à tabac ses copains (ils verront bien que Sparks est pas un mec dangereux, juste une "tête d'ampoule"), écouter ses conversations téléphoniques et saisir son véhicule (bon, ça, c'est chiant), mettre des barrages aux routes et focaliser le programme Echelon sur lui.  

Son cerveau tourne à présent à toute vitesse (au moins aussi vite que ses jambes le portent), un exercice auquel il n'est pas vraiment habitué : une image se forme, celle de Milla (Elaine Chusid), son ex-prof de... droit ? - de politique ? Il aurait du mal à se souvenir sachant que Milla, ça a surtout été sa maîtresse l'année dernière - une grosse chaudasse qui donnait des cours vraiment particuliers à ses étudiants. En plus, c'est une militante des droits civiques pour la dépénalisation de la drogue... A ses yeux, Richard Taddeus Levine pourrait bien être un héros "Bouclier de Liberté Résistant à l'Oppression Fasciste". Ca lui va tant qu'il ne vire pas martyre.  

Le temps de se remémorer l'adresse de la jeune femme qu'il s'enfonce dans la plus proche bouche de métro, rabat la capuche de son veston.  

Au même instant non loin d'ici, la dernière séance de La vie est belle de Frank Capra démarre pour Sparks et quelques cinéphiles noctambules.  

(Script original)  

* MD5 : Message Digest 5, fonction de 'hachage' cryptographique qui permet d'obtenir l'empreinte numérique d'un fichier.