Le Docteur Suranayan Noreesh Spade (Aslan Karagül) était un clone, il le savait depuis pas mal de temps et avait eu le temps de s'y faire. La Division Spade elle-même n'était que le résultat le plus spectaculairement visible d'une tentative de fabrication du super-soldat rêvé par les Nations Unies. Son job "officiel" avait toujours été un mensonge.  

Spade avait assimilé l'ensemble des souvenirs, des émotions, des connaissances et des expériences de ses prédécesseurs - c'était ce qu'on transférait au suivant à leur décès. Il avait également hérité de leurs adversaires. Des rares qui étaient encore vivants.  

La fille du Dr Lombard, Catherine (Sharon Chant)* le lui avait expliqué : son précédent avatar, un certain Wayne, avait subi plusieurs lavages de cerveau de la part de l'ennemi et ses reprogrammations successives par la Division avaient un peu perturbé la machine. La série de Suranayan - qui portait le doux nom de "Genesis" en hommage à un mythique groupe anglais - devait être "interrompue" car elle ne présentait plus, selon les dires des bailleurs de fonds, "les garanties de sécurité nécessaires à l'exercice de leurs fonctions". On ne leur faisait plus confiance et lui était le dernier de sa lignée, ça aussi il le devinait. La Division avait mis carte sur table avec lui suite aux derniers événements : la vérité valait mieux qu'un silence qui pouvait se retourner contre eux et faire - ils le savaient désormais - le jeu de l'ennemi.  

Le deal était le suivant : une dernière balle dans la tête un jour de la part du représentant d'une autre série Spade (moins déglinguée celle-là) en sniper ou des missions-suicides. La Division voulait tirer un trait sur les "Genesis" mais les assassiner ne faisait plus partie de la politique de la maison. C'est la raison pour laquelle, depuis plusieurs semaines, on lui imposait des opérations folles. Opérations desquelles il réchappait pourtant d'un fil : la machine n'était pas si "grippée" finalement ! C'en était même à se demander si cette volonté de "disparition" était vraiment justifiée.  

Suranayan avait aussi dans l'idée de se retirer du business du contre-espionnage et des agences occultes oui, mais pas d'y laisser sa peau. Vu que ses souvenirs et sa personnalité propres ne seraient pas cette fois "transférés" à un nouveau 'Spade', il était bien libre d'en faire se qu'il voulait. Et comme les autres de sa série, il avait développé un furieux instinct de survie et d'indépendance.  

Prenez son objectif actuel par exemple...  

Il était au coeur des installations nucléaires d'un pays du Golfe persique "ennemi" de ses employeurs. Vingt-deux techniciens et trente responsables de la sécurité avaient succombé à ses coups et baignaient dans leur sang : ils avaient trop fait confiance à sa fausse personnalité de physicien nucléaire infiltré parmi eux depuis plusieurs semaines. Ayant tombé le masque (au sens propre comme au figuré) et assassiné tous les témoins de la supercherie, il savait que l'alarme avait été donnée et que des hélicos remplis de feydayins armés jusqu'au dent fonçaient vers lui pour en découdre. Il devait faire vite.  

Pour dynamiter les installations de Dar El Limar : vivant dans le complexe depuis deux mois, il avait eu l'occasion de cartographier les lieux, d'en repérer les points faibles... et disposer ses nano-explosifs nucléaires.  

Pour ficher le feu aux installations.  

Pour - enfin (et c'était le "bonus" de Spade à ses employeurs) - lancer les réacteurs nucléaires en surchauffe. La région souffrirait d'un Tchernobyl-bis en miniature au milieu d'un désert inhabité et les installations seraient définitivement inopérables sous peine de mort pour les deux prochains millénaires. Ce qui ne manquerait pas non plus d'alerter le Conseil de Sécurité et jeter l'opprobre sur le pays.  

La série "Genesis" avait toujours eu l'esprit retors et un certain goût narcissique pour le spectaculaire. Il s'activa donc à la tâche et était déjà loin quand l'explosion du coeur de la centrale vint accueillir les hélicoptères.  

La Division ne s'attendait pas à ce qu'il survive - son cadavre pourrait être retrouvé dans les décombres qu'il serait méconnaissable brûlé par l'acide... Encore fallait-il que les ruines de ce qui avait était un jour la fierté des Services Secrets nationaux soient un jour fouillées.  

Restait que le Traceur que Lombard avait intégré à la base de son crane restait actif. Les radiations auxquelles il s'était (volontairement) soumis risquaient de lui valoir un cancer généralisé d'ici à quelques mois si les antitoxines de son corps génétiquement modifié ne faisaient pas leur boulot assez rapidement... mais au moins, ces radiations brouillaient le signal du transmetteur.  

Revenu en véhicule particulier dans la capitale, il reprit contact avec Vorov Loubiansky (Gérard Cousin). Vorov était un copte libanais d'origine Russe auquel un de ses précédents "Spade" avait eu maille à partir, une sorte de mercenaire de l'information qui lui devait la vie sauve - une dette était une dette... Mais Loubiansky n'était qu'un intermédiaire pour atteindre Emilie Varenne (Alisa Kinworthy)**, une salope que "l'autre" Spade avait sautée sur le dos de sa famille décédée***. Certains souvenirs lui échappaient encore (récupérer le passif de plusieurs vies et personnalités ne s'avérait pas toujours d'une clarté d'eau de roche) mais la famille Varenne (qui n'était pas dans l'annuaire) disposait d'une imposante clinique de neurochirurgie à Tokyo - dont les clients se nommaient CIA, NSA, DGSE et Antikörper. Là, il pourrait s'y faire retirer le traceur. Ensuite ? Ensuite, il disparaîtrait...  

Le seul problème est que ça le rapprochait un peu du siège asiatique de la Division. Et il n'avait aucune envie de leur faire coucou.  

Il n'était plus à un risque près - et si tout allait bien, il avait laissé un assez bon souvenir à Emilie la dernière fois qu'ils s'étaient croisés. Bien sûr, "l'autre" était un peu plus grand que lui - mais le charme indien avait aussi ses atouts...  

Un plan mûrement réfléchi, dont il n'avait parlé à personne. Mais que la Division Spade avait deviné.  

C'est le Dr Radovan E. Spade (Ju Dah) obstétricien de métier, qui était chargé de la récupération du Dr Suranayan si celui-ci revenait de sa mission de Dar El Limar. Evidemment, Radovan n'était - lui - pas au courant de ces histoires de "série" de souvenirs transférés, de super-soldats… Il était un soldat d'élite du côté des gentils et son objectif était de maîtriser un agent qui avait pêté les plombs et décidé de n'en faire qu'à sa tête, devenant ainsi dangereux pour l'Occident et ses alliés. Il ne devait pas le tuer - juste le ramener à Berlin si jamais il avait survécu à sa dernière mission.  

Radovan était Serbe et prenait son travail très à coeur - certains au MI5 lui avait même trouvé un surnom digne d'une série B : The Cleaner. Le nettoyeur. C'était assez bien vu : on ne retrouvait jamais trace de ses victimes. Il devait une fois de plus faire disparaître un individu, un peu particulier cette fois-ci.  

Il venait de descendre du Transaal sous l'identité d'un vendeur d'armes et se trouvait au coeur de la métropole perse. Il se doutait que Suranayan Noreesh Spade réapparaitrait dans les environs, son contact libanais jouait un amusant double-jeu avec eux depuis longtemps...  

(Script original, suite de Spade - En Territoires Hostiles (2017) :http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=11261)  

* voir Spade vs Spade (2014) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=6191  

** voir Une Prime sur Spade (2013) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=6190  

*** voir My Name is Spade (produit sur Cannasucre) : http://forum.cinejeu.net/viewtopic.php?p=73026#p73026