Hulk ! Les Quatre Fantastiques !! Captain America !!! Les X-men originaux !!!! Les Nouveaux Dieux, Victor Von Doom, Darkseid... Tous ces personnages de l'univers comic-book américain, tous ces personnages qui ont traversé le 20ème siècle et dont certains sont devenus icônes de la pop-culture mondiale, qui ont modelé en partie l'imagination des adolescents occidentaux... Tous ces personnages ont eu un ou plusieurs créateurs, mais toujours un seul homme pour leur donner une réalité graphique : Jack Kirby. Kirby - l'homme qui mit en images l'imagination de ses pairs et qui créa à son tour un bestiaire devenu légendaire.  

MMP en association avec la veuve Roz Kirby et sa fille Lisa, a déjà rendu hommage à l'héritage de ce très prolifique génie graphique à travers la superproduction Captain Victory & The Galactic Rangers (2007) et Les Eternels (2012) - tous deux issus de la seule imagination du "petit juif de New-York" comme certains de ses collègues l'appelaient au début de sa carrière. Il était temps de dresser le portrait de l'homme, de l'humaniste mystique. De sa réussite, de son inspiration, de ses influences et origines et de ses relations - jamais vraiment faciles - avec le milieu de l'édition qui lui avait offert la célébrité et le respect.  

Daniel Sbrizzi, grand fan de comic-book et particulièrement intéressé par l'oeuvre, a envoyé Ron Miller et Ezra Hewitt retrouver les collègues qui ont jalonné la carrière de Kirby - et les archives de ceux qui avaient disparu. Tous décrivent un homme profondément bon, juste et sérieux dans son travail. Ils évoquent tous, qu'ils soient scénaristes (Stan Lee, Roy Thomas) ou encreurs/coloriste (Mike Verpoorten, Mike Royer) la petite flamme qui brillait dans ses yeux chaque fois qu'il s'agissait pour lui de magnifier les concepts qu'il avait crées ou sur lequel on lui avait demandé de travailler.  

Né en 1917 de parents immigrés autrichiens, Jacob Kurtzberg grandit dans la précarité et la Crise. Dans son quartier où "La baston" entre enfants est devenue une seconde nature, il commencera à dessiner, influencé et fasciné par l'imaginaire des strips de l'époque. Ce qui lui sauve la vie rétrospectivement, et l'empêchera de tomber dans la délinquance. Autodidacte, il démarrera une carrière de jeune auteur au sein du Lincoln Newspaper Syndicate au milieu des années 30, travaillant à l'élaboration de messages civiques, d'aventures spatiales et de 'love stories'.  

Sa rencontre avec Joe Simon lui offre l'opportunité de créer le premier super-héros de son histoire personnelle, le Capitaine Américain, chez Timely (future Marvel), symbole de l'ultra-patriotisme face à l'Hydre Nazi et Japonais, alors que les USA viennent de rentrer en guerre. Le capitaine ne restera pas seul, suivi par une escouade de héros colorés et plus ou moins inspirés issu du nouveau "dynamic duo" de l'industrie.  

Au lendemain de la guerre, les super-héros sont bannis de la scène par des lois scélérates qui n'y voient que violence et perversion aptes à corrompre la jeunesse. Kirby doit remiser ses personnages en collants moulants et change son fusil d'épaule en revenant à la romance. Ce n'est qu'en 1958 que les héros costumés qui lui donneront toutes ses lettres de noblesse se rappelleront à lui. Il "décongèlera" (au sens propre comme au figuré) Captain America sous l'impulsion de "l'homme de toutes les situations", celui avec lequel il vivra une relation d'amitié/haine plutôt compliquée : Stan Lee, l'auto-proclamé inventeur du comix moderne. Ensemble, ils formeront un nouveau couple à l'origine de 90% du bestiaire Marvel des sixties... Mais les histoires et les envies de Jack bifurqueront bien des fois de la voie toute tracée que l'industrie aurait souhaité qu'il choisisse. Kirby a un caractère intègre, ce qu'on lui reprochera et lui vaudra maintes infortunes...  

Après la marque de l'homme, il sera temps pour Sam Glass de s'intéresser à l'héritage laissé par Kirby dans l'industrie graphique. Jack ayant travaillé durant sa carrière pour l'animation, le cinéma et la BD, nous serons guidés par Mike Mignola (Hellboy) dans les coulisses d'un univers dont il est le gardien et le fils spirituel. N'oublions pas que Kirby fut un des premiers au début des années 80 à éditer des séries sur lesquelles il disposait de tous les droits, dites "creator owned" - à l'opposé des politiques DC et Marvel de l'époque - un statut qui annoncera les débuts d'Image et autres compagnies d'auteurs dix années plus tard et dont Mignola bénéficiera pleinement.  

Plus "virtuelles" seront les traces bien vivantes de cet héritage sur le net qui seront également étudiées. Un héritage dont le "style Kirby" (cubisme, lignes de force, "Kirby dots", splash pages, gros plans, place de la femme, visages défigurés par l'émotion, magnification des extra-terrestres ou des Dieux, thèmes philosophiques récurrents, etc.) sera au centre d'une analyse dont Jessie Forden nous détaillera l'évolution au fil des décennies.  

(Script original)