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MMP présente
Louise Michel en Nouvelle Calédonie

« Habitants de Paris,  

L’armée de France est venue vous sauver,  

Paris est délivrée, nos braves soldats ont enlevé en quatre heures les dernières positions occupées par les insurgés. Aujourd’hui, la lutte est terminée : l’ordre, le travail, la sécurité, vont renaître ! » Le Maréchal commandant en chef, Mac-Mahon, Duc de Magenta.  

 

Ce tract collé à des endroits spécifiques, bien visibles, bien ostensibles, marqua la fin de la semaine sanglante du mois de Mai 1871. Adolphe rit dans son bureau de dorures, aux éclats, en ouvrant les canards qui le triomphent. Ce même petit conservateur, chef de file de la droite orléaniste, pas encore président, fut l’objet un an plus tôt d’une tentative d’assassinat prônée par une certaine Louise Michel, partisane alors de l’aile la plus révolutionnaire, aux côtés des anarchistes. Mais le projet a été avorté. La plèbe s’en foutait et les députés, des sans-couilles, ne l’avaient pas suivi jusque dans l’application du massacre et pourtant…  

 

Cela ne serait pas arrivé.  

 

L’interprète de Louise Michel, Ninna Miretto, est assise au bureau, face à un détracteur invisible, noir. On lui balance à la gueule des photographies d’époque pour qu’elle se souvienne de son périple.  

 

Homme dans le noir - Rappelle-toi, bon sang ! Napoléon III, autrefois premier président de la république, profita de son aura bourgeoise et de la mémoire de tonton-la-déconne pour installer le dernier empire français. En août 1870, il prépare la guerre face à la Prusse. Préparé est un bien grand mot. Il capitule en septembre. Pendant ce temps, en France, c’est la débandade politique après la fin du gouvernement provisoire pour la défense nationale ; la capture du Général Lapipe-Troisous par Bismarck a eu, comme qui dirait, un effet de balai sur la classe dirigeante. Adolphe, ce vieux chétif, maintient son gouvernement depuis février et toi, Louise, tu exploses d’envie de lui faire un sourire d’ange.  

 

Ninna Miretto - Dis, tu pourrais parler autrement quand même, c’est de l’Histoire dont il s’agit, de mon histoire ainsi que de la première tentative insurrectionnelle prolétarienne autonome.  

 

Homme dans le noir – Oui, mais ça fait chier de faire ça pour la MMP.  

 

Ninna Miretto – Tais-toi, il nous lit… Bon, reprends ! On en est où ?  

 

Homme dans le noir – On en est que le Général Pisse-Troigouttes, rêvant de nouveaux coups d’état comme son tonton, est cloué au lit par une prostatite aiguë. En gros, il se pisse dessus. J’arrondis les angles, bon. Il est écarté de la politique – ce qui laisse tout le loisir à l’autre gugusse, Adolphe, d’envisager la République comme il l’entend. Et si ça continue, le roi sera de retour d’ici 48 heures chronopost, ok ? S’appuyant sur la révolution de 1848 et sur le mouvement blanquiste, Louise met la cinquième pour une histoire de canons.  

 

Ninna Miretto – De canons ? Des beaux mecs ?  

 

Homme dans le noir – Non, Thiers comme en 48, sucre les moyens de vivre aux soldats de la Garde Nationale. Il ordonne le désarmement de tous les parisiens : ça concerne 227 canons entre Belleville et Montmartre et 500 000 fusils. Devant la menace, d’autant que le moral est ras des pâquerettes avec la dernière guerre impérialiste, les parisiens se soulèvent, peu farouche. Heureusement, Thiers avait de la suite dans les idées : sous Louis-Napoléon, il a fait construire des fortifications autour de Paris. Pour calmer les kassos et les hystériques, il entreprit de les enfermer pour mieux les mater. L’air de rien, sifflotant un abricot-mangue, Adolphe envoie un troupeau de soldats. Pour briser l’esprit des parisiens, on sait bien comment ils sont lors des matchs OM-PSG, il fait enfermer celui qu’on nomme affectueusement l’éternel « Enfermé » Auguste Blanqui. Et là, il se passe quelque chose d’incroyable que seuls les anarchistes et les crédules peuvent concevoir : les parisiens fraternisent avec le troupeau. Pas croyable. S’en suit la prise des canons, les premières barricades, les premiers assassinats de généraux. Les statues tombent.  

 

Ninna Miretto – Quand est-ce que j’arrive là ? … Parce que là, il est moins le quart et le film n’a pas commencé…  

 

Homme dans le noir – On est en Mars 71, tu permets ? La vierge rouge, c’est pas menstruel ok ? Tu n’apparais qu’une fois, on va pas te louper. Bon. Ecoute, en moins de dix jours…  

 

Ninna Miretto – T’arrêtes de m’envoyer des photos dans la gueule oui ?  

 

Homme dans le noir - … En moins de dix jours, les conseils de la Commune sont organisés. Dans les rangs, il y a quasiment autant d’ouvriers que d’assimilés bourgeois. Le drapeau rouge est hissé ! Le calendrier républicain de nouveau en place ! La colonne place Vendôme est détruite ! On saccage l’hôtel particulier de Thiers sur simple décret ! Tout étranger qui rentre dans Paris devient un citoyen ! La commune reconnaît l’union libre et attribue sans distinction des pensions, enfant légitime ou naturel. Seulement, la Commune a besoin de bras et de soldats. Beaucoup considèrent que les choses sont acquises et restent spectateurs. Seuls 10 à 40 000 se vouent à l’exercice militaire. Alors que dans l’esprit avant-gardiste, la Commune émancipe en moins de jours qu’il n’en faut, soixante-dix pour être exact, sa population de borgnes et d’indélicats. Pendant tout le mois d’Avril, c’est pourtant le branle-bas de combat et ton histoire commence ici…  

 

Ninna Miretto – C’est pas trop tôt.  

 

GENERIQUE  

 

Lorsqu’elle s’apprêta à sortir quatre à quatre pour rejoindre le plateau où devaient se trouver les barricades, l’homme dans le noir lui lança vivement à la figure son costume. Elle semblait outrée et prête à pleurer. C’est dans ce sentiment de tristesse qu’elle descendit les escaliers, en enfilant peu à peu sa robe. Lorsqu’elle arriva en bas, elle poussait la porte, les cheveux en bataille.  

 

Louise a 40 ans. Elle s’accroupit pour maintenir en vie une jeune femme qui luttait pour son émancipation. Cette victime est tombée sous les balles versaillaises. On tire sur Louise. Alors elle déguerpit à toute berzingue. Elle finit par trois zigzags par rejoindre le front, la barricade de Satory pour laquelle elle vit depuis plus de deux mois, même la nuit. Mais le 21 mai, les versaillais, sous le commandement de Mac-Mahon, font une percée retentissante et entrent dans Paris. Louise Michel réussit à s’extirper du massacre. C’est le début de la semaine sanglante.  

 

La semaine a été rude : les troupes versaillaises ont laissé commettre quelques délits par les parisiens insurgés pour faire monter la pression et en exécuter plus d’un. A tour de rôle, des endroits stratégiques tombent, dont l’école militaire et ses 227 canons. La décoordination de la lutte ne tarda pas. Les troupes versaillaises laissent brûler l'Hôtel de ville, la Préfecture de police et le Palais de justice. Il s’agit juste d’en finir avec « cette racaille », le mot est lâché par Mac-Mahon. A l’époque où il n’y a pas encore de kärcher®, les fédérés communards ont fait tomber 870 versaillais contre 30 000 fusillés où pour gagner du temps, on se sert de la mitrailleuse.  

 

Sur les quelques 40 000 arrestations, dont 8 000 non justifiées, Louise Michel a résisté jusqu’au bout, extrêmement active mais, pour faire délivrer sa mère, elle se rend, habillée en garde nationale, avant la semaine sanglante.  

 

DANS LA PRISON CAMP DE SATORY  

 

Un soldat lit la description que font les journaux des murs déchiquetés par les exécutions. Louise soulève dans la pénombre sa longue robe et en sort un portable. C’est Ninna qui revient à elle :  

 

Ninna Miretto – Ouais gros, tu te fous pas de ma gueule, ça fait pas cinq minutes que le film est commencé et tout le tatsouin que déjà je suis en taule : c’est quoi l’embrouille. En plus j’ai aucune scène lors de la semaine sanglante, change l’histoire, ok monsieur. Je veux qu’on rallonge cette partie de l’his… Ah ! Putain, plus de réseau… ‘Culé !  

 

TRIBUNAL  

 

Si certains procès ont été arbitraires et où le président trouvait lui-même des traces ou non de poudre sur les mains des ouvriers, celui de Louise Michel fut théâtral – procès qu’elle a muri pendant trois ans à l’ombre (déjà).  

 

Ninna Miretto – ‘Foiré !  

 

Pendant son audience, Louise fait état des souvenirs récents, de ses derniers jours de libertés, entre Satory et Porte de Clignancourt. Elle fit état des bruits sourds, du bruit sec des fusils qui faisaient coucher des victimes dans des fosses creusées par de précédentes. Répétant sans cesse qu’elle allait être fusillée quoi qu’elle fasse, elle ne faiblit pas sur la haine qu’elle porte pour tous les ratichons, les généraux, les réactionnaires et la police. Son portrait, ainsi dressé, semble moins politique que romantique. Elle ne regrette rien, pire elle assume et appuie tous les faits qui lui sont reprochés, de l’assassinat de généraux à l’affront public en martelant de « lâches et de pourceaux » tous ceux qui se trouvaient à ses alentours dans le tribunal. Elle approuve les assassinats sans se faire la complice des autres communards, elle approuve les biens confisqués du clergé, elle approuve tenter d’assassiner Thiers et regrette aussitôt sa lâcheté.  

 

Sans quoi cela ne serait jamais arrivé.  

 

Concernant l’émancipation des femmes : « C’est bien fait ! Il ne fallait pas séparer la caste des femmes de l’Humanité. Est-ce qu’il n’y a pas de marché où l’on vend, dans la rue, aux étalages des trottoirs, les belles filles du peuple, tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ? L’homme tient à ce qu’elle reste ainsi. Partout l’homme souffre dans la société maudite ; mais nulle douleur n’est comparable à celle de la femme, dans la rue, elle est une marchandise. »  

A l’unanimité, le président soutenu par le conseil de guerre, condamne l’accusée à la détention perpétuelle. Elle traita de lâches tous ceux qui ne réclamaient pas sa mort.  

 

LE VIRGINIE  

 

"Que messieurs les assassins commencent" : on a assez trouvé joli ce mot impitoyable, illogique et pendant ce temps, Louise, a traversé le miséreux Atlantique...  

 

Il faut dédramatiser sur le fait qu'il n'y ait pas de justice dans les tribunaux capitalistes.  

Il faut convenir tout de même que, quand l'Etat se mêle de faire les frais de ses propres injustices, il n'y regarde pas ! I-ma-gi-nez ! Un voyage, au long cours, sur un vaisseau de guerre : personne n'aurait osé pareille aubaine.  

On peut aisément se permettre, durant ce périple touristique au frais des bourgeois, quelques leçons de géographie, d'ethnologie et de botanique, quelques bucoliques aussi, pour occuper sa mémoire pendant qu'elle fut divisée, et finalement prostituée à bonne entendeur, comme toute mémoire qui se respecte...  

Surtout si l'on est une femme.  

 

Quel que soit le degré du mal dont le paria est atteint, il est toujours un paria. Lorsque certains parias sont plus coupables que d’autres, dans un ordre étatique donné, ils sont séparés de la société. Depuis la technique n’a pas évolué mais la science, si ! C’est aussi lors de cet Août 1873 que Louise, niaisement plongée dans son romantisme, forge des rencontres inoubliables tant que sur le point de vue anarchiste que sentimental. Non, Louise Michel n’était pas anarchiste lors de la Commune : elle voulait sauver sa maman !  

 

Interlude drolatique : pour moderniser un tantinet, un chouya comme on dit cette scène, nous avons fait appel à Geoffrey Baker pour le rôle d’Henri Rochefort-Luçay. Dans les livres d’Histoire, on raconte que c’est un marquis célèbre tourné vers le journalisme polémique et la politique. Mais, au cours de la commune, son attitude est ambiguë : sans condamner l’entreprise des fédérés, il est de plus en plus critique. S’il est condamné, en fait, c’est plutôt par ses propos sur ce bon vieux Adolphe. Hugo, Victor, convainc Thiers de le protéger… Mais ce dernier démissionne, et c’est la déportation pour Henri. Non. Dans notre Histoire, Henri Rochefort est asiatique, c’est un poète passionné de Taï-chi et il échangera quelques poèmes avec Louise, complètement fascinée par la musculature de ce Jackie Chan. Il fut malade durant tout le voyage. Alors qu’on soit clair sur le sujet : Henri Rochefort est un jaune un peu verdâtre.  

 

Le Capitaine Launay, acceptant au dernier moment ce voyage périlleux, fait tout pour améliorer le sort de ces déportés, il dit alors : « Vous êtes déportés, et le vent peut tourner. Je le sais par expérience. En 1848, quand je rentrais des Indes, j’ai trouvé à Brest la révolution du 24 février. C’était le retour de la république. En 1851, nous revenons de Chine, j’ai retrouvé l’empire. Et puis l’année dernière, en rentrant à Toulon, ce n’était plus « vive l’empereur » mais « vivre la république » : alors qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?! »  

 

PRESQU’ÎLE DUCOS, NOUVELLE-CALEDONIE  

 

Au bout de huit mois de voyage, le débarquement est effectué sur l’enceinte fortifiée de la presqu’île de Ducos. Sur place, un petit troll, affreusement laid, du nom de Tournemine, répartit les détenus en ne manquant pas de les juger. Et au cas par cas, il propose des nègres pour celles qui ne sont pas fait pour le bagne contre un peu d’argent. Louise refuse et va se rendre chez les Canaques, population locale que l’occident croit cannibale, au mieux sauvage.  

 

Louise resta sept années sur l’île. Le capitaine Launay avait raison : la politique est faite de vent de paille. Entre temps, Louise put tour à tour découvrir que Henri Rochefort ne sait rien faire d’autres que du Taï-chi (donc pas de câlin, mince) et que même sur une île, il est toujours malade… Plus sérieusement, Louise se lie d’amitié avec les Canaques et que la situation politique en Nouvelle-Calédonie est telle, en 1878, qu’elle prend la défense de ce peuple lynché et méprisé. Ainsi contribue-t-elle à l’ouverture d’une école contre l’avis de tous, y compris de Rochefort qui fait toujours du Taï-chi en récitant de ses sonnets en arrière-plan.  

 

L’ironie du sort veut qu’elle contribue une fois de plus à l’insurrection : Louise Forever s’initie alors aux arts martiaux…  

 

(Script original de Rrose Sélavy - Affiche : division graphisme de Prod'Artaud - Filmé au studio Artaud)

Scénario :
une série Z historique de Grant Batson

Geoffrey Baker

Ninna Miretto
Sorti le 04 septembre 2015 (Semaine 557)
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