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MMP présente
Comme deux papillons

Collines de Los Angeles, Californie - aujourd'hui, à 03:00 du matin.  

 

Ils se regardent sans un mot au bord de la piscine, alors qu'à l'intérieur la fête d'anniversaire bat son plein. Ils sortent à peine de la fac, ont l'avenir devant eux, et ne s'aperçoivent pas qu'ils se rapprochent. Tous les deux, vêtus de leur seul maillot, ils pourraient fondre dans l'eau, se perdre dans un tourbillon de sensualité. La tension sexuelle entre eux deux est tellement intense qu'ils n'entendent plus les échos de la fête. Ils sont seuls au monde. Ils se rapprochent encore. Ils vont s'embrasser. Lui, c'est Brett (Carsten Byrne), elle Kimberley (Estelle Byrne).  

Ils sont désormais en face l'un de l'autre, à moins de 30 cm. Qui va faire le dernier pas vers l'absolu ? Les lumières disposées autour et dans la piscine dansent une étrange sarabande pour eux. Tout est calme, d'un bonheur reposant. C'est ça, la vie.  

 

"- Rentrez vite, c'est la guerre !!"  

Les deux jeunes gens se retournent. C'est Alec (Alex Maher), le frère de Kim qui vient de débarquer sur la terrasse : il bégaie tellement son émotion est intense : tous les médias passent en boucle le même message d'alerte. Tout le monde doit s'abriter, des missiles thermonucléaires ont été lancés sur les USA, personne ne sait par qui et qu'importe - ça va bientôt tomber, il faut s'abriter.  

Encore confus, les deux tourtereaux restent silencieux et abasourdis tandis qu'Alec repart à l'intérieur de la grande maison de la famille de Brett. Toute son agitation a brisé quelque chose - un instant magique entre eux : ils sont partagés entre l'idée d'un canular, qu'Alec a du avaler une pilule en trop et le drame de la situation si c'était avéré. Mais non, c'est impossible, impensable. Et la guerre. La guerre ! Ce mot leur est inconnu - ou presque : ils ne sont pas concernés, ils sont californiens. Et le Moyen-Orient, c'est si loin.  

Ils n'ont pas le temps de plus réfléchir ni de s'interroger.  

 

A trois heures trois du matin, un nouveau soleil naît entre l'océan et la cote pacifique : il fait jour comme un été. Et la chaleur commence à grimper. Les deux jeunes se tournent vers la vallée, c'est de là que ça vient. Ils sont fascinés comme deux papillons qui vont rencontrer le Big Bang...  

Une poigne solide et hargneuse les sort de leur rêverie : c'est Richard Sinclair (Adrien Aumont), le grand frère de Brett, seuil dépositaire aujourd'hui de la fortune familiale qui les attrape et les pousse à courir, et à re-rentrer dans la maison.  

A l'intérieur, c'est la panique, le chaos, tout le monde prend ses clés de voiture et la poudre d'escampette : plus question de rester ici regarder la fin du monde - il faut fuir, fuir, loin.  

Tandis que les invités se détournent de leur sort, Richard souffle à l'oreille de Brett les mots magique. Panic room.  

 

Sinclair Senior était un paranoïaque : il avait fait construire dans les années 60 une "chambre de panique" qui pouvait également faire office de bunker en cas d'invasion des "rouges" (sa hantise à l'époque, avant que son cancer de la prostate ne devienne sa préoccupation majeure). Il était douteux que la structure résiste aux radiations de l'atome (ce devis-là était beaucoup trop élevé à son goût) mais au moins, il attendrait les secours à l'abri dans les sous-sols de sa demeure.  

Ses enfants en seront ses premiers vrais utilisateurs - s'ils sont assez véloces pour l'atteindre : déboulant la cage d'escalier quatre à quatre, un petit groupe se réunit dedans un sas entre le garage et la cave - sas que Richard s'empresse d'ouvrir. La porte se manipule manuellement et rapidement - mais dans ses conditions-là, chaque seconde paraît une heure : la terre se met à trembler autour d'eux, ils entendent de plus en plus de cris, un bruissement intense accompagnée d'une soudaine vague de chaleur qui en fait défaillir deux, la pierre de taille devient chaude, le plafond se craquèle. C'est sûr, ils vont mourir ici. Alec panique.  

La porte s'ouvre dans un chuintement sourd et une soudaine vague de fraîcheur leur redonne espoir - ils se précipitent dans le sas. Richard referme la porte avec Cally (Sandrine Richardson), une amie de travail de Richard. Tous les six sont en sécurité - assommés par la chaleur, ils s'écroulent dans le couloir. Adossée à la porte, Cally sent l'onde de choc déferler sur eux - les vibrations sonores et physiques ont raison d'elle, elle s'écroule comme le reste de la petite équipe dans un bruit blanc assourdissant de terreur.  

 

C'est Amilia Larowde (Laura Landers), avocate de la famille, qui se réveille en premier. Le sol est bouillant, tout comme les murs, l'atmosphère difficilement respirable, les lampes ont claqué - seules les diodes électroluminescentes ont tenu le choc, diffusant une étrange lumière verte, et floue à cause des volutes de chaleur. Amilia essaye de ne pas paniquer quand elle remarque que la peau de son visage refuse de quitter le sol. Elle s'y reprend à trois fois. Malgré toutes ses précautions, elle y laisse une partie de sa joue gauche, à jamais scotchée sur la surface métallique. Toutes les parties de son corps qui ont touché ces dalles sont désormais brûlées au deuxième, voire troisième degré. Elle geint quelque chose mais personne ne semble l'entendre : elle ne peut pas ramper dans ses conditions, ce serait trop dangereux.  

Se lever est un calvaire : tous ses muscles sont endoloris, la chaleur accablante encore plus intense. Au bout du couloir, un second sas. Elle se dirige vers lui, priant pour que la porte ne soit pas cadenassée et que ses chaussures tiennent. Elle n'a pas un seul regard pour ses infortunés compagnons - seule la survie compte.  

 

La porte s'ouvre avec un étrange bruit de succion : de l'air frais vient douloureusement caresser son visage martyrisé. Le sol est bétonné - dieu merci. Elle s'écroule à nouveau et entreprend d'enlever ses tongs - non, le plastique semble collé à sa peau. Ce n'est qu'une impression, elle réussit à se déchausser.  

Elle entend derrière elle quelqu'un arriver. C'est Richard qui porte son frère sous le bras. Machinalement, il le pose à même le sol et s'en va régler les thermostats - ce serait un miracle qu'ils aient tenu.  

C'est le cas. Très vite, le système de survie se met en branle. Richard allume les lumières et part récupérer les autres restés dans le couloir.  

 

Une demi-heure plus tard, tout le monde est dans la même pièce. Aucun mot échangé. On se regarde parfois : tout le monde est dangereusement brûlé : enlever le peu de vêtements qu'ils avaient ce soir sera difficile. Kimberley est tombée dos au sol, la moitié de ses beaux cheveux y est restée, son dos est luisant de cloques. Les cloques : tout le monde a eu sa ration - ils souffrent tous le martyre.  

Pas beaux à voir, les enfants de la Californie blanche et heureuse.  

 

Aidé de Cally, Richard distribue des rations d'eau : ils ont tous besoin de se réhydrater d'urgence. Brett et Kim sont toujours dans le cirage. Amilia semble hébétée par la perte de ce morceau de peau qui la défigure (le fait qu'elle ne soit pas la seule dans ce cas ne la rassure aucunement). Alec flippe complètement : paradoxalement, c'est celui qui a repris le plus vite ses esprits - il est énergique, nerveux. Richard s'en sert pour l'envoyer chercher des affaires - pendant que lui-même essaye de reprendre ses esprits.  

 

24 heures plus tard.  

 

Le sentiment d'hébétude a commencé à faire place à un malaise perceptible. Ils sont six dans une "panic-room" qui ressemble plus à un sous-sol aménagé - ils ne se parlent quasiment pas, la température avoisine toujours les 40°. L'avantage est que chacun dispose de sa chambre - exiguë certes, mais espace d'intimité préservée et paradoxalement plus fraîche. Richard a remis en marche 70% de la machinerie électrique, mélange de technologies obsolètes et de domotique dernier cri : Sinclair Senior a procédé à des aménagements coûteux jusqu'au dernier moment, semble-t'il... Peut-être qu'il se doutait de quelque chose, lui.  

L'installation comporte une "média-room" d'époque, sorte de salle de cinéma miniature. C'est ici que Richard et Brett cherchent une fréquence radio qui émette toujours. En vain : ondes courtes, ondes moyennes, grandes ondes - on dirait que du jour au lendemain, la Californie a été coupée du monde moderne, mais c'est peut-être la faute à ce qui se passe à l'extérieur. Les USA n'émettent plus en hertzien depuis la mi-2009, mais rien sur le câble non plus : la Télévision est Silence.  

Et l'internet ? Richard a doucement réveillé le PC de 1994 qui a l'accès réseau mais surfer semble difficile : beaucoup trop de monde en ligne, le modem 33,6 qui ne tient pas la route, les débits non plus et le navigateur patine dans la semoule. Sinclair Senior croyait à la guerre mais pas au web.  

 

48 heures plus tard.  

 

Brett a capté une onde radio qui émet toujours le même message. Rester chez soi, sécuriser les lieux de vie, ne pas chercher le contact. Pas les mêmes messages 'qu'avant', ce n'est ni la même voix, ni le même ton.  

Richard a réussi à 'rebooter' les caméras de surveillance externe. Noir et blanc, gros grain, quelques images par seconde qui s'affichent sur les écrans de contrôle de la média-room. Toujours le même spectacle : une vallée désolée, désertique, avec des gravats à perte de vue et rien d'autres, aucun mouvement. Même l'océan semble avoir disparu. Ou reflué.  

 

4ème jour.  

 

Le petit groupe a fait les comptes : il y a dans ce sous-sol de quoi tenir six mois à six. Réserves de nourriture et d'eau, purificateur d'air, douche, vêtements, système de recyclage. La température a brusquement chuté ces deux derniers jours, on aurait presque froid désormais. Probablement un contre-coup de leur traumatisme et de leurs brûlures.  

Les brûlures, parlons-en : celle de Kim sont vraiment moches à voir, son dos se noircit de jour en jour. Elle dort sur le ventre quand elle ne pleure pas de douleur.  

Petit à petit, on commence à se reparler. Un peu.  

 

Nuit du 6ème jour.  

 

Les hurlements de Kim sont devenus insupportables, ils résonnent à travers toutes les pièces - personne ne peut se reposer dans ces conditions. Il n'y a pas de quoi la soigner dans les réserves - Alec a épuisé ses dernières doses de shit pour la calmer. Elle crie à ses compagnons d'en finir, la douleur la rend folle. Quand Brett se rapproche du lit, il constate le craquèlement luisant du dos de son amie. Alors qu'il se penche vers elle pour lui chuchoter des mots apaisants, la colonne et les disques vertébraux de la pauvre fille explosent littéralement sous une pression interne. Des gerbes de sang sont projetées partout dans la petite pièce et vers les témoins de la scène. Le visage maculé, Brett recule, hurlant - rattrapé par Richard.  

Kim s'est arrêtée. Elle n'est pas morte. Ce qui est sorti de sa colonne bouge de manière automatique, comme sous l'effet d'un état de choc.  

Une paire d'ailes. Mais ce ne sont pas des ailes d'anges. Kim elle-même commence à émettre une sorte de grognement. Brusquement, elle regarde ses compagnons qui sursautent tous. Elle les fixe intensément.  

"- Trop étroit - veux sortir d'ici..."  

 

Matin du 6ème jour.  

 

Kim prend un petit déjeuner. Son premier depuis leur arrivée. Elle a repris ses esprits, replié ses ailes qui lui tombent jusqu'aux fesses. Elle est assise, seule à la table commune. Nue comme un ver, fatiguée, elle dévore quelques tartines et boit un café lyophilisé serré.  

Devant elle, Brett et les autres la regardent, effarés par ce qu'elle est devenue. Et par sa requête. Elle leur explique qu'elle "sent" que ce qui a explosé n'était pas commun, qu'elle a quelque chose à voir là-dedans, qu'elle est une part de ça. Et surtout qu'il n'y a aucune radiation. Elle peut attendre que les autres veuillent sortir mais pour elle, le plus tôt sera le mieux.  

 

Dans l'après-midi, Amilia capte des mouvements sur les images diffusées par le système de vidéo-surveillance. Des individus apparaissent sur l'image floutée. Leur démarche est pesante, probablement la chaleur qui règne encore dehors. La spectatrice enregistre ça et prévient ses compagnons.  

Dans la salle de visionnage qu'ils occupent désormais régulièrement et dans laquelle ils ont accouru, c'est Cally qui remarque la première l'étrangeté de la démarche dodelinante des "sortis". Kimberley pense toujours que côté radiation, il n'y a rien à craindre, elle ne se "sent" aucune connexion avec ces ... gens qui marchent.  

Ou plutôt déambulent, comme pris de somnambulisme. Amilia refuse d'en voir plus. Alec n'est pas chaud pour sortir. Richard décide que l'on votera : ils sont encore chez lui même si ça ne veut plus dire grand'chose, la décision finale lui appartenant.  

 

Dans un mélange d'appréhension, d'excitation et de curiosité, le groupe choisit à la majorité de sortir : ceux qui n'y tiennent pas - Alec et Amilia - resteront à l'intérieur.  

Après s'être couverts de la tête aux pieds des combinaisons anti-radiations + réserves d'oxygène fournies par la réserve, Richard, Cally et Brett se préparent à leur première sortie. Kimberley avec eux, toujours aussi nue mais dotée de ses étranges et nouveaux appendices ailés, désormais cicatrisés.  

Ce qui est le plus curieux là-dedans pense Cally, n'est pas l'absence de vêtements de Kim, c'est plutôt le fait qu'ils n'ont pas peur d'elle. Comme si, totalement désespérés par la situation, ils souhaitaient se raccrocher à quelque chose d'inattendu, dusse-t'il relever de l'occulte : Kim, de dos, ressemblait à une démone que n'aurait guère renié le peintre Boris Valejo.  

Muni d'un compteur Geiger, Richard menait le petit groupe. Le souffle de l'appel d'air quand ils ouvrirent la porte fut leur seule frayeur. Zéro radiation. Air respirable. La joie.  

 

La maison, située sur une colline avait énormément souffert, mais paradoxalement moins que la plaine en contrebas de ce qui était autrefois Los Angeles. La structure avait globalement tenu le coup : l'intérieur avait été dévasté par le souffle mais les fondations semblaient intactes. Le groupe dut s'armer de patience pour déblayer les escaliers et le couloir, noyés sous les décombres... Au bout de deux heures, ils pouvaient voir le ciel - du moins, ce qu'il en restait, à savoir une voûte nuageuse orangeâtre. Ils respirèrent tous un grand coup avant de remarquer le smog qui noyait la plaine, puis le silence - enfin, les lamentations qui parvenaient à leurs oreilles.  

 

Brett avait récupéré un fusil de la réserve, plus pour se rassurer. Il cherchait Kimberley des yeux. Quoi qu'elle fut devenue, il tenait toujours à la protéger : c'était ce qui le raccrochait à "avant". Avant tout ça. Avant la fin.  

Cally lui mit la main sur l'épaule, il tressauta. Elle tendit le bras vers le ciel. Il la suivit des yeux.  

Kim avait pris son envol.  

 

"- Je ne sais pas ce que c'est, mais il vaudrait mieux rentrer."  

Richard était revenu à leur niveau, un peu essoufflé. Il s'était éloigné pour juger les lamentations qu'il avaient perçues, comme eux. Elles provenaient, selon lui, de personnes - enfin, d'individus humanoïdes - qui avaient été humains. Mais qui ne l'étaient plus.  

"- Venez, il faut rentrer, on discutera de tout ça à tête reposée - peut-être que les jumelles m'ont induit en erreur."  

Cally et Brett restaient fascinés par le vol tourbillonnant de la jeune fille. C'était quelque chose de totalement improbable. Exceptionnel. Impossible. Fantastique.  

 

(Script original, d'après un de mes rêves)

Scénario : (1 commentaire)
une série A thriller (Fantastique / Horreur) de Alan Caine

Adrien Aumont

Sandrine Richardson

Carsten Byrne

Laura Landers
Avec la participation exceptionnelle de Alex Maher, Estelle Byrne
Musique par Lou Hunter
Sorti le 24 avril 2015 (Semaine 538)
Entrées : 18 816 411
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