Malgré le vent glacial qui soufflait cette nuit là, les jeunes femmes étaient encore nombreuses à faire des allers et retours le long de la route, à la lumière des lampadaires qui malheureusement pour elles n'offraient aucune chaleur. Parmi elles, Rebecca (Hypollite Stetson), une jeune fille d'origine russe, emmitoufflée dans son manteau, arpentait les lieux dans l'espoir de trouver enfin une passe. Car celui pour qui elle travaillait n'en avait que faire des intempéries. Au contraire, son credo par ce temps était plutôt "à vous de leur apporter un peu de chaleur, les filles !".  

Toujours était-il que si elle voulait pouvoir manger, et avoir sa dose quotidienne, le seul plaisir qui lui permettait d'oublier tout ça, elle allait devoir redoubler d'effort. Car il semblait que par ce temps, les clients n'osaient pas non plus mettre le nez dehors, et vu le nombre de filles qui attendaient avec elle le client tant espéré, la concurrence était rude.  

Un homme discret apparut alors au bout de la rue, son long imperméable au col remonté cammouflant la moitié de son visage. D'un pas lent mais sûr de lui, il avança le long du trottoir, en passant devant les nombreuses filles qui l'invitaient chaleureusement à les rejoindre dans un hôtel du coin sans même faire attention à elle, et ignorant les remarques désobligeante et les signes injurieux qu'elles faisaient dans son dos, vexées du peu d'intérêt qu'il leur portait.  

Il semblait savoir où il allait, et ne pas vouloir perdre son temps en route. De là où elle se trouvait, Rebecca se sentait gênée. Elle avait l'impression que l'homme la fixait, que son regard restait braqué sur elle. Elle était habituée au regard lubriques de vieux vicelards qui l'invitait à monter dans leur voiture, mais celui de cet homme était différent, à la fois vide et plein d'intelligence.  

Mal à l'aise, la jeune femme fit demi-tour pour tourner le dos à l'homme, et reprit son circuit incessant le long du trottoir, ignorant celui qui s'approchait d'elle à chaque pas. Soudain, lorsqu'il arriva à sa hauteur, elle entendit la voie de l'homme qui l'appelait. A ce moment là, un étrange sentiment l'envahit, à la fois contente d'avoir trouvé une passe, et inquiète de ce que cet homme lui voulait. Elle se retourna alors, et fit face à celui dont le regard le dérangeait tant.  

"Une pauvre fille comme il y en a tant, comme il y en a beaucoup trop. Espérons qu'elle accepte de m'aider"  

Parmi tous les milieux que le lieutenant Alain Duperey (Patrick Lassek) tentait au maximum d'éviter, celui de la prositution faisait partie de son Top 10, quelque part entre les politiques et les journalistes, sans trop savoir lequel il voulait éviter plus que l'autre. Mais lorsqu'on lui avait confié l'enquête concernant la disparition de cette jeune femme, une certaine Sophie Lemarchand, dont la soeur Hélène (Summer Staite) était plus qu'inquiète, sans nouvelle d'elle depuis plus d'une semaine, le flic n'avait pas pu dire non à sa supérieure.  

C'était ainsi. Toutes les enquêtes de merde lui tombait entre les pattes. Lui ne rêvait que d'une chose, gérer tranquillement dans un bureau les vols de mobylettes et autre vandalismes quotidiens, en attendant la retraite. Mais sa chef, une femme ayant obtenu sa place grâce à ses relations, ne semblait pas décidée à le laisser tranquille. En même temps, bien que ça lui soit toujours difficile à admettre, elle était forcée d'avouer que Duperey restait encore son meilleur élément, allant chercher des indices là où personne ne penserait aller, se penchant sur des détails insignifiants qui le menait vers le coupable, et lui permettait de résoudre des dossiers qui auraient sans doute été classés sans suite autrement.  

Pour le moment, on lui demandait donc de retrouver la trace d'une jeune fille qui était venue en ville pour quitter sa campagne natale, et aurait finit, par de mauvaises fréquentations, par tomber dans le piège de la drogue, puis de la prositution pour pouvoir se payer ce que son corps lui demandait. Seule proche avec qui elle n'avait pas rompu tout contact, sa soeur Hélène avait de ses nouvelles chaque semaine. Mais depuis bientôt deux semaines, elle n'avait plus eut un seul coup de fil.  

"Peut-être a-t-elle finalement trouvé le prince charmant, et est-elle partie en voyage de noce."  

Le vieux flic cacha son sourir derrière le col de son manteau, imaginant la tête de la frangine s'il lui balançait ça en pleine face. Mais qu'espérait-elle réllement ? Tout portait à croire que les choses avaient mal tournées pour la disparue. C'était courant dans le milieu. Mais était-ce par conscience professionnelle, Alain Duperey ne pouvait jamais traiter un dossier sans aller le plus profondément possible dans celui-ci.  

Il avait alors découvert les liens étroits entre la disparue et une certaine Rebecca, celle qui lui faisait face à présent et qui semblait effrayée en se trouvant face à lui. Il était si épouvantable que ça ? Cette pute avait bien du voir pire que lui quand même !  

Silencieusement, il sortit une photo de la disparue de sa poche et demanda à la jeune blonde qui se tenait debout devant lui dans sa mini-jupe si elle la connaissait. L'hésitation qu'elle eut avant de répondre non en disait long sur la question. Evidemment qu'elle la connaissait ! Il lui posait la question seulement pour la forme. Il insista alors, mais la jeune femme ne voulait pas en dire plus.  

Soudain, une Mercedes noire qui passait la nuit à faire des passages réguliers sur la rue s'arrêta dans un crissement de pneu, et trois hommes en sortirent. Deux baraques, genre videurs de boite de nuit en moins intelligents encore, et entre eux deux un mec à sale gueule (Raoul Frizzell), un vieux mégot collé à la lèvre. Les trois types avancèrent vers le flic et celui du milieu lui demanda ce qu'il voulait à la jeune femme, genre sauveur de la veuve et de l'orphelin.  

Rien. Juste l'heure.  

Le sourire moqueur que Duperey afficha sur son visage à ce moment là ne sembla pas plaire au Mac, qui se retint cependant de lancer ses deux pitbills sur l'importun, et lui demanda simplement de continuer sa route.  

"C'est quand même marrant qu'il y ait toujours ces molosses enragés autour de toutes ces petites chattes. Comme quoi l'expression 'Comme chiens et chats' ne veut pas dire grand chose."  

Alain Duperey, qui avait déjà rangé la photo de la disparue dans sa poche, lorsqu'il avait vu les trois types arriver, jeta un regard vers la jeune femme à qui il s'était adressé, et comprit alors qu'elle avait plus peur de ces types, et des problèmes qu'ils pouvaient lui causer, que de lui. En reprenant sa route, sans jeter un seul regard aux autres "professionnelles" qui attendaient là dans le froid, et qui bizarrement ne l'abordèrent pas comme l'avaient fait les autres à son arrivée sur la rue.  

Encore une enquête qui allaient se révéler plus difficile que prévue, et plus intéressante aussi. Tout à coup, le lieutenant commença à se dire qu'il était bien mieux là qu'assis à un bureau.