Cela faisait des jours, des semaines peut-être, que Richard Bradford (Ronald Martinez) errait ainsi au coeur des montagnes, à demi nu, écorché vif de ses récentes aventures qui l'avait entraîné des forêts canadiennes à un hôpital duquel il s'était évadé.  

On était à ses trousses. Son histoire était connue : il savait désormais que le gouvernement américain suivait ses faits et gestes depuis qu'il avait contracté cette malédiction, il y a combien de temps déjà ? - trois, quatre ans ? Un gouvernement qui avait assimilé l'occultisme depuis la seconde Guerre Mondiale et qui crevait de l'étudier pour s'en faire un allié.  

Mais Richard lui, n'aspirait qu'à une vie tranquille. Depuis qu'il avait eu l'âge de voter, c'était galère sur galère qui s'étaient abattues sur lui : d'abord cette affaire de braquage, ensuite la prison, enfin cette malédiction qui le transformait selon un cycle lunaire bien particulier en plantigrade griffu, puissance mystique autant que terrienne dont il n'arrivait plus à se défaire. Il n'avait plus revu ses amis, sa famille, depuis des lustres. Il savait que les autorités l'avaient "porté disparu", rayé des listes. Il n'y avait plus d'échappatoire.  

Et aujourd'hui, il se nourrissait de baies (la vue et l'odeur du sang risquait de le transformer à tout moment), dormait dans les arbres et pas un jour ne passait sans qu'il ne se sente un terrible retour instinctif à la vie sauvage. Tout en marchant, il se remémorerait ce qu'il avait appris : que cette malédiction pouvait être levée mais que pour cela, il fallait un passeur et un nouvel hôte pour l'accueillir. Il avait besoin d'aide et cherchait désormais à atteindre la tribu Chipakayan qu'il aurait déjà du trouver... En fait, ils n'étaient référencés nulle part et officiellement disparus, massacrés "par erreur" par des Nordistes zélés au XIXème siècle . Mais lui n'ignorait rien de leur existence. Grâce à la drogue, il les avait approchés une première fois.  

"- Il se rapproche."  

Le Lieutenant Evans (Joanna Tilford) venait de recevoir l'information dans son oreillette : les drônes avaient repéré Bradford. Complètement dissimulée dans les taillis d'un ponton rocheux surélevé, elle observait sa zone de tir. Si elle le voyait, elle ne pourrait le rater à 2 kilomètres, malgré la pluie et l'obscurité naissante. D'ailleurs, ils l'avaient suffisamment attendu, ce gus : trois jours qu'ils poireautaient ici. Les grosses légumes des services secrets avaient calculé sa vitesse de progression au coeur de cette forêt luxuriante qu'ils avaient quadrillée de capteurs et le résultat était là : une tête humaine venait d'apparaître dans sa ligne de mire. Elle en avisa ses supérieurs.  

Quelques secondes plus tard, elle recevait l'ordre de tirer. Elle ajusta son matériel de visée.  

Bradford venait de marquer une pause. Il arrivait au milieu d'une grande plaine surplombée d'un majestueux cirque montagneux. Autour de lui, une petite brise lui indiquait qu'il n'était pas seul : les "hypersens" de son alter-ego animal avaient développé ses propres capacités. Il était à découvert, il devait retourner dans la forêt pour essayer de contourner la plaine sinon ils réussir...  

Un sifflement.  

Il s'effondra sur le sol. Une balle dans la tête. Richard Bradford était mort en fugitif, ses parents n'en sauraient jamais rien, l'administration militaire gommerait ce passage de sa vie.  

Petit à petit, on distingua plusieurs formes sortir littéralement de la montagne et se rapprocher. Un quart-d'heure plus tard, c'était une dizaine de soldats qui "sécurisaient" la zone, en attente d'un hélicoptère. Un médecin légiste constatait le décès : le corps de Bradford n'avait pas été bougé - seules les équipes scientifiques en avaient désormais le droit, le cadavre appartenant désormais au Gouvernement des Etats-Unis.  

Le problème, c'est que Bradford, lui, s'était relevé et regardait tout ça avec horreur, mais sans surprise véritable. Enfin, "relevé". Pas son corps charnel, son enveloppe spectrale. Il venait de passer les dix dernières minutes à abreuver les militaires d'insultes. Il avait vu le "grand tube de lumière" arriver vers lui mais l'avait glorieusement snobé : il lui fallait lever cette peste de malédiction amérindienne dont son corps était toujours porteur. Désormais désincarné, il avait une grosse patate comme si le poids de l'existence venait d'être levé de ses épaules - ce qui n'était pas faux, en somme. S'il ignorait ce que ces gens voulaient faire de ses restes, il se doutait bien que ce n'était pas pour le bien commun.  

Il devait trouver les Chipakayan : il se détourna de la scène et commença à planer au-dessus de la plaine, à nouveau en quête... Quelque chose l'arrêta et il manqua de perdre "l'équilibre" : un filin qui le retenait à son corps. Un mince filin spectral qui le reliait à la balle qui s'était logée dans sa tête. Ce filin repartait pour atteindre celle qui l'avait exécuté. Ces deux-là, elle et lui, étaient désormais liés d'une manière magique. Bradford, qui avait autant tâté de la magie blanche que noire ces dernières années, savait que cette jeune femme devait être l'instrument de sa perte, mais que ça ne s'arrêtait pas là.  

L'agent des communications venait de raccrocher son cellulaire satellitaire et se tourna vers ses collègues :  

"- L'hélicoptère est bloqué à cause des intempéries et de la tempête qui arrive sur nous. On reste ici et on installe le bivouac."  

Richard Bradford venait de mourir et une tempête s'annonçait. Cette saloperie de malédiction ne faisait décidément jamais rien au hasard...  

(Script original tourné en studio extérieur - 3ème suite de la franchise Grizzly après Grizzly - L'Ennemi Intérieur - 2009, Grizzly 2 - Blood On the Trees - 2006 et Grizzly - 2005)