Elle (Cecilia Troughton) : "- J'ai vu tomber Rome... c'était il y a un millénaire et quelques."  

Lui (Weston Byrne) : "- C'est une métaphore ?"  

Elle : "- ... Oui, bien s..."  

La Voix (Barry Tudyk) : "- COUPEZ !"  

La camerawoman (Jessica De La Boulaye) se retourne vers le metteur en scène qui vient de prendre le porte-voix pour la nième fois ce soir : la scène 125-13, dite de la "révélation" ne se passe pas bien. L'actrice n'est pas dans le ton.  

C'est la troisième semaine de tournage et toute l'équipe commence a sentir la pression sur ses épaules. Il a plu, Wes Byrne est une vraie diva et hier, le producteur et les investisseurs privés sont passés sur le set. Ils en sont repartis deux heures plus tard furieux, après s'être engueulés comme du poisson pourri avec le réalisateur, petit génie autoproclamé du clip vidéo poussé par un agent qui encaisse 25% de ses cachets. Et à 2 millions de dollars par contrat, on comprend son empressement à caser son poulain sur de grosses productions comme celle-ci.  

Semaine 486 sur Gerardmerveille...  

Elle revient dans sa loge - en fait, une caravane louée pour le mois par la production : pas à dire, on sait vivre en ville. Elle, vient de Chicagole, une ville sale à la mentalité douteuse. Ici au moins, la mairie et les producteurs ont établi une sorte de déontologie tacite faite de rapports de pouvoirs complexes et secrets, d'échanges de bons procédés... Une sorte de mafia soft - ou plutôt de société secrète dont elle se sent étrangère.  

Un peu comme le script qu'on lui fait jouer, une suite de ce film, La Course de l'Immortelle*, série Z qui était sortie il y a un bon paquet d'années et dont les acteurs principaux avaient pris leur retraite depuis ou étaient décédés. Le film avait rapporté assez en salle et s'était avéré une vraie surprise sur le marché DVD. Résultat : une suite / remake voyait aujourd'hui le jour. Son agent à elle avait senti le bon coup malgré son aversion pour le cinéma de genre : ce qui la bottait, c'était les comédies romantiques, pas les nanas habillées en cuir qui se la jouait Highlander.  

Bref, le scénario était pourri, le réalisateur croyait filmer les scènes de dialogues comme des poursuites automobiles et on lui réclamait des "scènes dénudées" supplémentaires - le tout avec le consentement de son agent. Merde, elle n'avait pas traversé la moitié du pays pour ça... Déjà que ses parents l'avaient eu mal quand elle leur avait annoncé sa décision d'abandonner ses études de kinésiologie...  

Quelqu'un venait toquer à sa porte. C'était Weston. Elle passa la tête par une des fenêtres latérales du véhicule.  

Elle : "- Tu viens t'excuser pour avoir été odieux avec tout le monde ?"  

Lui : "- Mais qu'est-ce que tu fous ? Tu te rends pas compte que c'est toi le problème ?!? Je suis un pro qui demande juste qu'on le traite comme il le mérite. Toi, tu es qui pour me juger ? Une pétasse qui vient de sa cambrousse ou d'une ville sinistrée ?! - Me fait pas le coup de l'idiote ingénue, ça ne marchera pas dans le business ici. "  

Et il tourna les talons.  

Elle s'affala sur le canapé-lit, s'alluma une cigarette. C'était pas de cette vie dont elle rêvait adolescente. En attendant, elle devrait parler au réalisateur, s'excuser de son comportement - peut-être même faire amende honorable auprès du producteur : l'équipe ne pouvait se permettre un seul élément défaillant sinon le film était en danger. Elle ne risquait pas de faire long-feu dans le métier sinon.  

* http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=4  

(Script original)