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Djibril Sow ne cherche pas la vérité

Djibril Sow,  

 

La vie ne l'a pas grâcié,  

Vous ne vous en souvenez  

Plus, pas ou jamais assez  

Mais par un vil canon scié...  

 

Djibril est un français d'origine malienne de 23 ans. Français dans le coeur mais pas pour l'administration. L'éternelle épée de Damoclès ! Pendant trois semaines, il est hébergé chez sa tante qui vit seule. Victime d'une bande organisée, tous les médias taisent le caractère raciste de son meurtre, le soir du 16 août dernier, à 23h04, dans le quartier de la Mare-Rouge, situé aux alentours du Havre.  

 

Le but n'est pas de savoir la vérité car il n'y en a pas : il n'y a pas d'assassin. Ils sont comme leur masque. Invisible. Et pourtant...  

 

 

LA FAMILLE  

 

Djibril ne pouvait pas être accueilli plus de trois semaines chez sa tante car il avait obtenu un contrat aidé par l'ANPE pour travailler sur un chantier en région parisienne. Il ne voulait pas déranger non plus sa tante qui s'était réfugiée dans la solitude mais passer quelques semaines au Havre lui permettait de respirer un peu. Sa tante ne cesse de le mettre en garde contre les "autres". Et l'argent n'est pas tout : il ne crée pas de liens assez puissants pour que les "français" le considère comme l'un des leurs. Les papiers ne remplacent pas la mentalité. L'administration véhicule les valeurs de la République, sa vision de la République mais n'apprend aux hommes que leurs propres instincts.  

 

Cela faisait 20 ans que la tante Yaye habitait le quartier : elle a beau avoir ses papiers en règle, elle a beau parler français, rien n'empêche la mise à l'écart et le jugement de l'autre sur la couleur, sur la différence culturelle. S'ils sont un tant soit peu curieux, au-delà de l'indifférence, ils ne cessent d'interroger ton passé, ton pays, ta culture. Ils sont même indifférent entre eux. Ils ne considèrent pas l'étranger. Un étranger est quelqu'un qui n'est pas dans la danse. Pourquoi ? Parce qu'il ne connait pas cette danse. Mais tous, sans exception, français comme "apprenti français", aussi indifférent qu'ils puissent être, ils sont tous très obéissants. Djibril, lui, a pourtant toujours vécu en France mais son éducation reste la clé maîtresse de tout son désarroi.  

 

Lorsqu'ils sont arrivés au Mali, les français blancs comme les cierges, le Mali les a considéré à cause de l'argent maudit. Bien sûr, parfois, il se peut que quelqu'un soit différent de tout ce que la tante pouvait lui raconter. C'est d'ailleurs comme cela que Djibril rencontre Gisèle, 20 ans. Gisèle est la seule personne vraiment française, vraiment "autochtone" avec une éducation gauloise. C'est aussi la seule qu'il côtoyait hormis sa tante. Et ensemble, ils avaient encore de nombreuses choses à découvrir. Il n'avait pas dit à Gisèle qu'il ne restait que peu de temps. Mais contrairement à ce que lui avait conseillé sa tante, il avait entrepris de travailler "au black-les-dents-blanches" comme plongeur dans un salon de thé, installé non loin de la plage.  

 

Lorsque le policier Matthieu Val frappe à la porte, tante Yaye ne pleure pas. Elle trouve que cela est regrettable mais elle l'avait prévenu.  

 

 

LE POLICIER  

 

-"Prévenu de quoi Madame ?". La tante ne répondait plus aux questions du policier.  

 

Il n'a pas fallu une heure pour que le procureur ordonne l'enquête. Tout s'est passé très vite dans cette zone considérée de non-droit par les policiers, insécurisée par les nombreux dealers qui règnent en maîtres à la Mare-Rouge. C'est en une demi-heure que tout s'est produit, de l'homicide sauvage à l'appel du procureur. Quand Matthieu Val, policier depuis trois ans au commissariat central, claque la portière, il voit rapidement les actes de la scène. Cela ressemblait à une exécution sommaire, en pleine rue, à presque minuit. La victime était apparamment à genoux devant ses agresseurs. Il a commencé par aller dans le voisinage, frapper à quelques portes pour récolter quelques éléments. Quelques personnes se trouvaient en retrait pour observer l'ambulance enlever le corps. La mort est un spectacle dans cette vie monotone, rongée par l'isolement d'une ville toujours en mouvement. L'aliénation en est un autre.  

 

Puis la nouvelle est tombée, une gourmette a permis d'identifier le jeune. Matthieu est certain que c'est un clandestin. Bingo ! Allez, on file chez... Mme Yaye Diakité, c'est Gomez, il connaissait le gamin. Chez la tante, il y a Gisèle. Elle raconte tout. Son portable est confisqué.  

 

 

TEMOINS  

 

Alexandre Gomez, domicilié au rez-de chaussée du 3 rue Jules-Bourgogne, à dix mètres de l'agression, se trouve devant la télévision vers 23h puis pense à se coucher en passant par la cuisine. Alors qu'il prenait un sirop pour calmer sa toux. Il entend une voiture s'arrêter soudainement mais n'y prête pas attention. En plein milieu de la rue, ça y est, les portières ont claqué. Monsieur Gomez observe par la fenêtre la scène : quatre hommes descendent de la voiture, cagoulés. C'est une audi noire. Ils encerclent un jeune homme. Affolé, il ne dit rien mais il tente d'échapper alors que le cercle se referme sur lui. Derrière le Malien, un homme lui met un sac poubelle noir sur la tête, un autre, à coup de battes, le fait plier à genoux, le troisième homme le relève. Le quatrième, que M. Gomez n'avait vu jusqu'alors parce qu'il n'était pas dans la voiture, sort du coffre un fusil à pompe ("on regarde tous des films, on sait à quoi ça ressemble") et le donne à un cinquième homme qui tire à bout portant sans discussion. Monsieur Gomez a tout vu de A à Z.  

 

 

GISELE  

 

Gisèle Desmarets sera encore au lycée pour l'année à venir. A 20 ans, c'est sa troisième terminale. Pour elle, l'été est dévastateur. Alors, pour se sauver de la pression familiale et scolaire, elle trouve Djibril sur son chemin. Djibril détient une identité rassurante mais tellement plus désorientée que la sienne. Alors que Djibril a un plan pour avoir de l'argent, il lui promet de l'emmener d'ici la fin de l'été. Gisèle parle de Djibril à son père pour qu'il l'embauche au salon de thé. C'était ça l'idéede Djibril. Mais le garçon en a bien d'autres en réserve : partir avec la caisse du week-end.  

 

Le maigre résultat sera pourtant suffisant. Cinq cents malheureux euros sont dans sa poche. Lorsque Gisèle le voit dans l'après-midi, elle lui dit que son père le cherche partout. Djibril ironise en disant que cela ne pouvait être qu'un nègre qui puisse voler. Il a décidé d'aller au Mali, voir sa mère au pays. Lui qui pensait persévérer en France, pour que sa mère soit fière, le voilà qui fait machine arrière. Il n'a tout simplement pas sa place ici. Gisèle projète de l'accompagner.  

 

Le lendemain, à 22h30, lorsque Djibril lui téléphone sur son portable, il lui donne un rendez-vous capital. Mais quelque chose ne tourne pas rond dans l'écouteur : son père prend le portable et répond que s'il l'attrappe, Djibril est mort. La discussion tourne court quand le père aperçoit un sac de voyage fait sur le lit de sa fille. Gisèle a vidé sa chambre d'enfance. Son père, furax, jette le sac dehors et pousse sa fille à prendre la fuite. Djibril n'arrivera jamais au rendez-vous. Alors, puisqu'elle n'a nulle part où aller, elle décide de se rendre chez la tante Yaye.  

 

Sur la route, elle découvre le théâtre du drame, la police, ce bleu qui lui tourne autour, les secours, le corps qu'elle reconnut au survêtement et à la gourmette en toc. Elle ne dit rien, elle se rend chez la tante où elle explique tout. La tante décide de l'héberger pendant deux jours, puis Gisèle retournera chez son père. Un père curieusement absent.  

 

 

LE PERE DE GISELE  

 

La première fois que Dominique Desmarets a vu Djibril, c'était pour voir si on pouvait lui faire confiance. Il n'y avait pas de doutes là-dessus : Djibril Sow serait un garçon obéissant et facile à payer. Tout se passait bien au salon de thé, très efficace comme garçon. Mais dimanche soir lorsque Dominique vient fermer la boutique, la caisse est vidée. Il ne pensait pas s'être trompé à ce point-là et ses soupçons se dressent immédiatement sur le Malien.  

 

Le lendemain, lorsque Dominique rentre chez lui, sa fille parle en douce sur son portable et un sac est posté sur le plumard. Dominique prend le portable, il a voulu lui faire peur pour qu'il rende l'argent. Idée inconcevable. Alors il décide de foutre sa fille de hors et de la filer. Sans cela, Dominique n'aurait jamais su où trouver Djibril et les empêcher de faire une grosse bourde. La bourde de leur vie. Il prit la voiture. Sans feux, il gare l'audi noire à 100 mètres du lieu de rendez-vous. Mais au bout d'un quart d'heure, Gisèle reprit son sac. Dominique la suit à pied. La police quadrille le secteur. Il perd sa fille de vue lorsqu'on lui demande ses papiers.  

 

Face aux policiers, girophare à l'appui, Dominique demanda ce qu'il se passait ? Pas de réplique. Ce sont eux qui posent les questions ce soir. C'est bien à vous l'Audi noire, garée là-bas, monsieur ?  

 

 

LA JUSTICE  

 

Monsieur Dominique Desmarets est à la barre. L'accusé, c'est lui. Demain, ce sera lui aussi. Il est accusé d'homicide volontaire.  

 

"Bien sûr qu'elle était à moi cette Audi noire ! Pourquoi ? J'aurais mieux fait de conduire une 4L ? Choisir une autre couleur que ce putain de négro ?!"  

 

La justice ne fait pas de cas, elle s'en est tenu à la déposition. Son avis ne changera pas l'avenir coupable de Monsieur Desmarets. Le motif, la menace de mort ainsi que l'étrange coïncidence de cette voiture dans les parages du lieu meurtrier concordent.  

 

"Mme la Présidente, j'ai perdu deux ans de ma vie en détention provisoire..."  

"Et vous apprêtez à en faire plus, vous avez menacé la vie et vous l'avez supprimé."  

"Non ! Je... Il fallait que je retrouve l'argent. Alors je lui ai dit que je l'enverrais dans son pays s'il ne rend pas mon argent. Ce sont vos lois, Madame la Présidente. Ce sont les lois que vous cautionnez !"  

 

 

LE JOURNALISTE (Libération)  

 

Solange Parent s'est rendu sur place pour ce qui n'était, apparemment, qu'un meurtre de province, banal, glauque, vain. Mais son rédacteur en chef lui a demandé de voir au-delà et de faire un papier pour que l'affaire soit au mieux utilisée. Cela devrait bouger l'opinion publique, notamment dans les classes immigrées. Revoir les vieux clivages racistes permet de réviser les classiques. Ainsi s'exprime le rédacteur. Un papier choc. Une vérité à bout portant. A tout bout de champ. De l'opinion ! De l'opinion.  

 

Pour s'imprégner des lieux, Solange décide de photographier la rue Jules-Bourgogne. Cela fait drôle, à peine plus de dix heures après la dépêche AFP. Elle se dit alors que si cela avait été dressé contre un juif, demain il y a tout le lobby juif, l'UEJF et autres médias condescendants en tête, qui s'accapare de l'affaire. Il n'y a pas un mois, un adolescent (juif précisait LCI) s'est fait aggressé à Paris. On craint le retour de la bête noire, l'antisémitisme fait frémir. Quelle aubaine pour foncer tête baissée dans la propagande de l'Etat ! Or il s'est avéré que le garçon dealait, que c'était plus une affaire de pognon que de communautés rivales. Et quand l'argent est mêlé à l'opportunisme, valeur intrinsèque du grand Capital, une manipulation médiatique, aux relents du vieux fatras, aux couleurs du communautarisme et de l'unicité de la patrie, voit le jour presque instantanément. Ce n'est pas du communautarisme, c'est de la solidarité ! La confusion des genres sonne le glas de l'humanité. La bonne opinion est un soldat. Tous les terrains sont bons.  

 

Solange insistait beaucoup là-dessus car il y a toujours eu de l'hypocrisie néo-colonialiste. Dans le meurtre de Djibril Sow, elle ne voit que le reflet raciste et provocateur de l'Etat. D'emblée, le suspect Dominique Desmarets ne fait que refléter l'opinion commune et la loi. Mais c'est en fait un bouc émissaire. M. Desmarets a proféré ci, a proféré ça ; lui, au moins, est concret, et puisque c'est concret, c'est donc intolérable. L'Etat, lui, échappe ! Sous ces masques invisibles.  

 

Coup de fil du rédacteur. "Tu vas pas écrire ça Solange ?". Solange lui rétorque qu'il devrait se rassurer, qu'elle va pondre un truc plus consensuel.  

Solange Parent sortira, deux ans plus tard, un pamphlet sur le capitalisme raciste.  

 

 

LE DEALER  

 

Sébastien Thony est bien connu des services de police pour divers trafics de stupéfiants. Père de deux enfants, il est surtout le dealer par excellence de la Mare-Rouge.  

 

Lors d'un contrôle routinier de la police, il affirme qu'avec un pote, il allait à Amsterdam parce qu'au moins, là-bas, les putes ne demandent pas les papiers. L'ouverture et la fouille complet du véhicule, vu le pédigree de Gros Thony, révèle la trouvaille de 7 kg de résine de cannabis. Comparution immédiate, puis prison.  

En prison, il se confie à la cantine : "J'ai été dénoncé. Et dire, qu'il y a deux semaines, un black me devait de l'argent, tu vois, mais beaucoup, beaucoup, il avait rien. Il claquait, il claquait, le bâtard. Je lui en ai voulu à mort. Mais si tu sais, un grand black, survêt, non ? Alors, on prend la caisse à Karim et fait le tour du quartier. Il a fini par montrer le bout de son nez, l'enculé. On le serre, on lui fout un sac sur la tête. BAM ! J'ai demandé à ce qu'on récupère le sac plastique, c'est crade, mais putain, il s'habille tous pareils ou quoi !  

 

"C'est pas lui. Remets-lui le sac sur la tronche. On dégage" et un autre de répondre "ça en fait déjà un de moins".  

 

Le grand black que Sébastien recherchait apprend pour le meurtre dans le quartier. Il prend peur, il téléphone à Gros Thony. Il lui refile un tuyau sur Amsterdam. Tout est pour lui. Tout.

Scénario :
une série A dramatique de Piotr Ogorzelec

Alan Rye

Cecilia Troughton

Hubert Dupontal

Lou Nicotero
Avec la participation exceptionnelle de Stanley Kubrock, Conor McClean
Sorti le 28 octobre 2011 (Semaine 356)
Entrées : 24 170 760
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