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De L'Antigel Dans Les Veines

Le 24 Août, jour de la Saint-Barthélémy, l’écorché vif, fut un samedi. M. Gangloff (Gregory Courtenay), 66 ans, membre de l’Association Nationale de Défense des Handicapés en Institution, avait appris l’existence de Deborah Weinlinger (Diane Weiner), née Heitz.  

Sa retraite avec l’association investissait, à dire vrai, tout son temps : écrire, à des professionnels comme des témoins à charge, les inculpations d’un vague à l’âme, d’une vie qui s’échappe, s’embourber dans la paperasse administrative avec, pour tout réconfort, un verre de bourbon ; en somme, aider les handicapés et les malades mentaux, le pire était de se substituer à eux. Jusqu’à s’oublier lui-même...  

Les contentieux entre les familles d’handicapé et les institutions sociales, médicales ou psychiatriques, sont légion…  

 

Deborah Weinlinger, du nom de son père, celui-là même mort d’un poumon noir – d’avoir trop respiré ? – était la protégée de M. René Heitz (Joshua Glau), illustre porte-parole en vogue du parti « Nation Libre » et conseiller régional d’Alsace. La mère venait de mourir d’un accident, survenu juste avant l’été, d’une balle perdue pendant la chasse. Fille unique et légitime, elle amassait donc une fortune non négligeable après que le notaire eût accordé, de plein droit, la totalité de l’héritage. A trente et un ans, le patrimoine familial de Deborah s’étendait sur une vingtaine d’hectares sur les terres de Molsheim, vignoble du Bas-Rhin. Les cuves, la ferme, le raisin blanc, l’abandon précoce de ses parents lui appartenaient et elle devait dès lors tout gérer, avec le peu d’enseignement qu’elle eût reçu.  

Au bout d’une année, elle arrivait à peine à se trouver le temps d’une vie sentimentale. Mais elle désirait plus que tout tenir de main de maître l’avenir qui transparaissait sur le domaine et la descendance. La vigne fleurissait à nouveau, la réconfortait dans son désir de bien faire, de prendre un autre départ, comme on dit, la vie ne s’arrête pas. Seulement, la vie de Mlle Weinlinger ne cessait de prendre un nouveau tournant dès lors qu’elle n’eût plus le moindre repère. « Papa… », soufflait-elle parfois, avant que le vent continental lui fit avaler ses mots.  

Au mois intense des vendanges, alors que son raisin promettait une fière allure, un des meilleurs millésimes depuis des lustres de picrate bouilli, le tracteur qui récoltait le fruit de son labeur se renversa sur l’endroit le plus en descente des terres. Après deux tonneaux, Deborah peina pour sortir de la cabine mais le poids de l’engin bascula avec sa cargaison et vint à trancher son corps.  

Sur le coup, elle avait bien accepté de vivre avec, il n’y trouva pas une injustice ni une dépression ; son sérieux handicap ne lui permettait pas d’abolir tous ses efforts, alors, de deux choses l’une, elle devint œnologue et continua d’améliorer le riesling. La fatalité semblait être une raison de vivre…  

 

Ici pesait une mélancolie que Deborah ruminait. Ne pas contribuer pleinement aux vendanges la plombait d’une colère noire, maintenant, d’un souvenir atroce qui scinda sa vie en deux. Son aide médicale (Sharon Colloff), car il en fallait une constamment présente, ne l’eut connu qu’à l’état d’incapacité. Si bien que Deborah ne supportait pas vraiment bien cette posture d’infériorité : elle devint vite alcoolique – ce qu’elle considérait elle-même comme une déformation professionnelle. Un matin, d’un abcès qui crève sa violence, et suite à un différent avec cette aide médicale, Mlle Weinlinger arracha à la collection sous vitrine de sa mère le plus beau des fusil de chasse à chiens, le chargea en cartouches à balles lisses pour le gros gibier, et exprima sa frustration sur cette semeuse de merde, cette satanée chienne de la médecine qui se croit tout permis. Sa victime ne fut que blessée au crâne ; les lunettes ont pu empêcher que la chevrotine ne lui crève un œil. Elle retourna l’arme contre elle, la bloqua contre sa chaise, entre ses jambes, et déchargea de nouveau. La mâchoire éclata.  

Les chirurgiens (Pollie J. Lindermann) de l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg lui en conçu une, artificielle, c’est-à-dire qu’en plus de son accent d’alsaco à couper au couteau, celui qui accusait déjà une dyslexie congénitale, elle prit la voix rauque, à peine compréhensible, d’une patate bouillante dans la bouche.  

Ce geste malencontreux fut étouffé par René Heitz bien que sa fierté pour sa petite-fille s’amenuisât. Il soudoya aussi grassement qu’elle était grasse l’aide soignante, qui accepta, qui se tut, qu’on ne vit plus.  

Deborah ne put travailler plus longtemps. Sa mâchoire lui faisait un mal de chien ; elle le noya dans de sinistres ivresses ; et de plus en plus prise de démence, elle céda à l’exigence de René qui voulut la placer en institution.  

 

A Paris, M. Gangloff restait souvent tard en semaine, au siège social de l’ANDEFHI. Le samedi, de coutume, il regroupait ses affaires pour rencontrer des professionnels médicaux aux quatre coins de la France, pour obtenir gain de cause selon la volonté des familles d’handicapé. Il relut alors la lettre imprégnée de la calligraphie mal à l’aise de Deborah sur son lit.  

 

« Mlle Deborah Weinlinger-Heitz  

 

M. Gangloff de l’ANDEFHI,  

Il m’aurait été utile de vous connaître un peu plus tôt, M. Gangloff. Car, il se trouve que j’ai pour vous, une demande urgente. Vous vous êtes entretenu avec René Heitz pour évoquer la possibilité de me transférer au F.A.M. – Résidence de la Grossmatt à Hoenheim.  

Contrairement à l’avis de mon grand-père, je refuse ce transfert en institution. Mes handicaps ne se sont pas alourdis, même si ma conscience pèse chaque jour un peu plus. Je n’ai pas besoin d’un hôpital à ma portée. Le professeur Weiss (Ron Reyes) ne daigne pas m’entendre sur ce propos donc vous êtes mon seul recours.  

Et j’estime avoir une veine considérable de m’adresser à vous.  

Je suis encore capable de parole, de pensée ; ce qui me reste de moignons s’agite pour s’en réclamer !  

Comprenez-vous, M. Gangloff, que je n’admets pas plus de faveurs que le poids de mes incapacités ? Entendez-vous, membre défenseur, que l’affaire dont on vous a fait part ne trouble en rien ma vie ?  

Je me dresse contre la parole de M. Heitz qui, comble de mon dépit, a plus de pouvoir sur mon état au conseil d’administration des familles que je n’en aurais jamais plus moi-même sur mes propres décisions.  

Il faut que vous interveniez rapidement. Pour une fois que le temps presse, je compte sur vous. »  

 

M. Gangloff prit la route plus vite qu’il en faut à un loup pour crever la panse d’une brebis. Il était constamment pris de remontées acides et d’envie de fumer. Il mastiquait sans arrêt son chewing-gum fétiche (qu’il remettait au frais s’il n’avait plus de goût) et des comprimés « Rennie sans sucre » pour passer ces désagréables éructations qui lui brûlaient l’œsophage. Il roula toute la nuit pour arriver le matin tôt à Molsheim où il décida de rendre visite à Deborah.  

La notoriété de Heitz, quoiqu’elle fût bonne et mauvaise, croissait avec sa bonté ; s’occuper de sa petite-fille assurait une émotion profitable pour tous. Il commençait même à légitimer l’image de « Nation Libre », figurait dans les journaux nationaux dans les encarts de première page – un vent de rumeur survolait la France sur les fonds insuffisants dont le monde hospitalier devrait requérir.  

 

 

A onze heures, il était fin prêt à entrer dans la propriété des Weinlinger. Il s’annonça assez hautainement. Elle prit toutefois son temps ; il se passa une longue minute avant qu’elle ne daignât le recevoir. Son visage était excessivement laid comme si on l’avait fait exprès et son accent mâché peinait à être écouté. Elle dit qu’elle ne savait pas son prénom ; il s’annonça de nouveau : Gracieux Gangloff, mais il avait répété d’une telle façon, avec son chewing-gum et ses comprimés, que Deborah crut d’abord qu’il se moquait de son élocution. Puis elle lui rendit la monnaie de sa pièce en lui signifiant, qu’avec son prénom, il n’avait pas le physique de l’emploi. M. Gracieux Gangloff se débarrassa de son pardingue sous lequel il avait caché un bien mauvais souvenir pour Mlle Weinlinger. Il offrit une bouteille de Riesling, il avait trouvé son vin fameux mais sans une excellence singulière. Elle tourna sa chaise roulante vers son bureau et lui posa une série de question sur son interlocuteur. Il prit deux gobelets pour les remplir, répondit affirmativement à toutes ces questions et fit signe qu’il fallait remplir un double exemplaire d’un formulaire refusant l’admission à Hoenheim. Après que ç’eût été fait, Gangloff se rendit à la place de l’église à pied par la rue des abattoirs et posta un des deux exemplaires.  

Sur le retour, il pensa soudainement que ce fut une mégarde de sa part d’offrir du vin à une alcoolique et se dépêcha de revenir à la maison. Lorsqu’il y revint, il enfonça la clenche. Il vit Deborah à l’agonie. Le tesson planté dans la trachée artère. Il ne sut quoi faire d’autre que de réparer cette bévue. Il prit le sac dans la poubelle ; il jeta les bouts de verre, le gobelet plein ; il épongea au kleenex le vin qui coulait encore sur la chaise roulante ; il arrêta d’essuyer lorsqu’il s’aperçut tout à coup qu’il essuyait des traces de sang diluées avec le Riesling. Il partit vite, très vite.  

Sur la route, il chercha son portable égaré sur le siège avant. Il reçut un appel du Conseiller Heitz sur son portable. Il parvenait si peu à faire mine de rien que cet appel lui amenait que lui seul était coupable de ce meurtre, produit il y a deux minutes. Quand Gracieux voulut savoir comment il fut au courant, M. Heitz débitait sans intonation un message sibyllin mais au ton indéfiniment vainqueur.  

« Vous êtes à bout de course, Gangloff, vous êtes vieux et vous haïssez les infirmes, tout le monde le reconnaîtra. Vous avez été si docile mais cela n’a pas été simple. Bon débarras, Deborah. La fierté renoue avec mes louables desseins. Je vous souhaite néanmoins bon courage, mon brave monsieur »  

 

 

 

La conscience de Gangloff éclata. S'il a fui dans un premier temps, il prit trois jours plus tard ce funeste dessein pour une opportunité de faire enfin quelque chose d'efficace et de radical. La bataille contre René Heitz s'annonce ferme pour celui qui fut le lâche de toute une existence.  

 

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Ce film est dédié à Pollie J. Lindermann... Elle disait par ailleurs que les nuages étaient comme un théâtre des nuances. Kubrock :"J'espère que les nuages auront de la répartie, Pollie J. Lindermann avait du tempérament ! Enfin... On peut dire que les nuages sont de bons acteurs, surtout lorsqu'il s'agit de jouer la comédie sur les tournages en extérieur. Celui-ci a été catastrophique... Plus jamais je ne retourne en Alsace. N'y allez pas !"  

 

R.I.P. Pollie...

Scénario : (1 commentaire)
une série A thriller (Psychologique) de Stanley Kubrock

Gregory Courtenay

Diane Weiner

Joshua Glau

Sharon Colloff
Avec la participation exceptionnelle de Pollie J. Lindermann, Ron Reyes
Sorti le 06 mai 2011 (Semaine 331)
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