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Prod'Artaud présente
Un regard de chaussée

Il y a des milliards de passants qui traînent dans la rue, des badauds, des rencontres, des pressés. Antoine (Raoul Camacho) ne fait jamais parti de ceux-là. Dans la rue, il n'a rien à faire, ni à discuter ni à flâner.  

Il y a des milliards de plaques d'égout, 2400 km de galeries d'égout rien qu'à Paris.  

 

Sur l'une d'elles, Antoine a posé le pied...  

 

Antoine est un jeune homme et pourtant il vieillit à vue d'oeil. Son anniversaire, la semaine passée, lui a fait soufflé ses 40 bougies alors qu'on eût cru qu'il en avait 40 de plus. Le plus clair de son temps, il le passe à s'ennuyer, avec sa femme, Ghislaine (Pollie J. Lindermann), avec son album de timbre.  

Méticuleusement, il fait chauffer de l'eau, plonge des morceaux d'enveloppes dans l'eau bouillante, vient retirer les timbres, les pose sur un sopalin au-dessus du radiateur en fonte. Puis, avec une pince à épiler, il les entasse par catégorie très précise dans son album. Parfois il regarde les côtes pour voir si certains ont pris de la valeur.  

Lorsqu'il est resté trop longtemps assis, Antoine délaisse sa femme et s'installe à la fenêtre où il regarde de haut les passants. Sont-ce des machines sous leur grand chapeau ? Sont-ce des machines qui fument, qui picolent, qui parlent pour ne rien dire ? Sont-ce des humains franchement ? Humain est un mot qui choque.  

 

Antoine n'est plus déçu de l'homme et pourtant son ressentiment vis à vis de lui est plus du mépris. Ils sont tous là à se marcher dessus, à acheter encore et encore, pour qui, pour quoi, pour rien au monde, il n'y mettrait les pieds. Et puis il y a des clochards qui sentent le picrate et l'urine, ça jonche le sol, ça pollue, ça orthographie mal leur pancarte, c'est pas français, pas toujours.  

 

Un jour, il reçoit la commande à retirer dans un magasin de philatélie. Antoine met son par-dessus, prend son mal en patience, met son dégoût de côté et ajuste sa casquette en laine irlandaise. Il y a va en regardant le sol, quitte à se cogner. Les hommes ne l'intéressent pas.  

 

Rentré chez lui, il admire son timbre napoléonien qui lui a coûté une petite fortune, tout de même, près de 1000 euros. Ce sont des mois d'économie qu'il va mettre dans son album et qui ne reverront, que rarement, le jour.  

 

Antoine se couche tôt ce jour-là, épuisé par sa maudite sortie. Sa femme dort dans le fauteuil face à Jean-Pierre Foucault. Il se met à rêver de son timbre fétiche, à son grain, à ses dents, à ses particularités, à sa valeur.  

Le matin, il se réveille, sa femme n'est pas au lit. Elle prépare le petit-déjeuner. Il prend le lit pour lui tout mais dans son élan, il se cogne. Il se heurte à une plaque d'égoût, entreposée dans le lit. Il s'essuie le visage. Il ne rêve pas. Ghislaine, Ghislaine, viens voir !  

 

Ghislaine- Bah oui, c'est une plaque d'égoût et alors ?  

Antoine- Et alors ? Tu ne trouves rien d'autre à dire ? Tu trouves ça normal, toi, une plaque d'égout.  

Ghislaine- Avoue que tu l'as bien cherché !  

Antoine- Chercher quoi ?!  

Ghislaine- Viens te mettre à table.  

Antoine- Hé bien, merci pour l'accueil, tu me fais pas un bisou ?  

Ghislaine- Non, t'as une haleine... on dirait une... bouche d'égoût.  

 

Antoine délire, il essaie de sentir son haleine et, en effet, elle est autant chargée que nauséabonde.  

 

Antoine- Et la plaque, on en fait quoi ?  

Ghislaine- Arrête de parler, tu empestes la maison.  

Antoine- Bordel, elle est lourde, elle est vissée aussi.  

Ghislaine- Tu t'attendais à quoi ? Viens à table, je t'ai dit.  

Antoine-Non, je vais à la salle d'eau.  

 

Antoine arrive devant le lavabo. Le miroir, la boîte à pharmacie est remplacée par une plaque d'égout. Il se lave les dents. Crache. Mais rien à faire. Il a une haleine comparable aux égouts. Il essaie d'arracher la plaque mais sans succès. Antoine se met à transpirer, dégageant un miasme par tous les pores de sa peau. Il va pour prendre une douche. Se déshabille. En enlevant sa tenue de nuit, il s'aperçoit qu'une plaque d'égout a substitué son nombril. Il crie.  

 

Ghislaine- Cesse donc de te tourmenter, et par pitié, ferme ta bouche, tu vas attirer les rats.  

 

Antoine s'apprête à sortir sans déjeuner. Enfile le pardeuss, la casquette. Encore en chausson, il découvre le reste de l'appartement. Les tableaux, la table, la gazinière... Les plaques d'égout poussent comme des champignons.  

Il descend les escaliers quatre à quatre. Il va errer pendant des heures dans les rues parisiennes. Il a un mal de ventre, sa peau lui tire au niveau du nombril. Il soulève sa chemise. La plaque à présent prend tout son ventre. Tout son corps se rigidifie. Les passants le prennent pour un dément. Il leur montre sa plaque d'égout qui lui remonte maintenant jusqu'au cou. Exténué, Antoine s'assoit à même le trottoir. Il attend. A la fin, même sa bouche prit la forme... d'une plaque d'égout.  

 

Le lendemain matin, une nouvelle plaque d'égout avait pris place dans la rue Saint-Vincent. La nuit, une jeune femme dépassait le coin de cette rue. Un homme dont la respiration est forte, la viole puis la tue d'un coup de couteau. Le violeur soulève la plaque où, la veille, était assis Antoine. Il y jette le corps de la jeune femme blême, comme ce qui arriva autrefois à Saint-Sébastien.  

 

 

Autre affiche :  

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Scénario : (1 commentaire)
une série Z fantastique de Tristan Glass

Raoul Camacho

Pollie J. Lindermann
Sorti le 01 janvier 2011 (Semaine 313)
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