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Prod'Artaud présente
Machacada

Une jeune demoiselle de 17 ans (interprétée par Demetra WRYN)décide d'organiser son suicide moral, tout en prenant conscience de ce qu'elle fait et, au moment où elle le fait, comme si tout était la première fois.  

 

Première séquence : Son corps  

 

A même le sol, le matelas est posé. Une jeune femme, dont on distingue à peine l'âge, tellement il est trompé d'une maturité enfantine, sommeille. Ses yeux palpitent. Elle se réveille : sa respiration est forte, et même à un moment, un rictus s'est annoncé sur sa bouche. Elle change sa position pour tromper le soleil. Toute la pièce est blanche et il n'est guère plus la peine de chercher à se plonger dans un nouveau sommeil. La main d'un homme caresse cette tête molle, un peu mal coiffée. Mais cette main produit des ombres...  

La main frôlerait l'indécence si seulement elle venait à toucher ne serait-ce qu'un centimètre carré de peau lisse. Après un gémissement de fatigue, la jeune femme retranche sa tête à demi sous le patchwork des couvertures.  

 

- « Tu te réveilles ? »  

 

Cette interrogation laisse place à un œil froid et furtif. Des mouettes hurlent à la mort.  

 

(Voix off de l'homme)  

« Elle m'avait parler de son rêve une fois... Quelque chose de simple. Un pommier tombe à terre et continue à donner des pommes. Cruel aussi »  

 

Mademoiselle pose le pied au sol. Le parterre est froid. Les pieds se grattent, puis les mains se posent sur le sol, pour prendre appui à partir de la position assise, sur le rebord du matelas. Appui.  

 

Les jambes sont à peine tendues que la jeune femme tombe contre le mur. Chute en deux temps. Elle ne sait pas elle-même ce qui lui prend ; si c'était un acte volontaire ou non. Les jambes étaient fléchies, elle tombe sur la gauche, dos contre le mur, les jambes toujours aussi pliées, puis elle s'affale sur le sol, près d'une brique de lait. Elle ne se sert plus de ses jambes.  

Elle se redresse pour prendre un verre de lait posé sur la table basse. Elle tend la main, touche le verre, la matière. Elle doute, tâte, hésite. Elle avance, ou plutôt traîne, son corps vers la table, et met son index dans le verre. La vision liquide du lait dans un verre solide la fascine, l'effraie, elle découvre, elle appréhende aussi le moment où elle va goûter au liquide. Elle décide d'y goûter, le solide verre est entouré de ses deux mains, le liquide légèrement penché. Le lait déborde par maladresse. Elle boit à grande lampée, puis dégoûtée, crache de toutes ses forces. Elle lâche le verre. Elle s'affale. Un bruit de corps sourd.  

 

Elle pleure comme une enfant sérieuse qui ne saurait remédier à son problème... tout simplement parce qu'elle ne connaît pas la cause de celui-ci. Il y a des objets ; cela l'effraie. La matière semble, pour elle, impitoyable. Et ces objets qui naissent dans son esprit, l'annihile soudainement et sans cause particulière. De par ses paumes sur le sol, elle repousse son corps, autant qu'elle pense ardemment refouler toute idée de matière.  

 

 

Deuxième séquence : Son rêve  

 

9 mois... Plus tard.  

 

La télévision éteinte fait miroir, et le rideau transparaît quelques ombres humaines : la jeune femme, aidée de l'homme du début, s'habille. Puis son ami lui prend ses bras de pantin sans ficelle, de telle sorte qu'ils arrivent autour de son cou, comme un collier de lourde responsabilité...  

 

Dans la salle de bain, la jeune femme apparaît, cheveux court embellis de gel, dynamique de coiffure en contradiction avec un épuisement total.  

 

Il dit à la fille : « mets bien tes pieds » d'une voix ordonnée, initiative et susurrée, comme au début pour le réveil de la jeune femme. "On y va ?". La jeune femme le reprend d'un sourire effacé. Elle regarde partout, ignore, appréhende, avant de jouir d'une peur curieuse, celle de prendre conscience, tout d'un coup, des objets sensibles qui l'environnent.  

 

Il finit par la prendre sur son dos.  

 

Sa pâleur de peau, amaigrie, se marie avec un couloir blanc d'hôpital. On essaie longuement plusieurs types de chaises roulantes.  

 

La fille est dans la chaise roulante. L'homme se dresse devant elle. Il la gifle. Deux trois secondes d'attente. Pas de réaction. La main de l'homme ; la tête sur le côté ; la détente de la gifle, elle a le charme d'une prunelle béante.  

 

Au petit matin, alors qu'il dort dans de beaux draps blancs, un cri strident a réveillé toute une construction paisible peinte au blanc écru. Lui, se réveille tout aussi tôt, comme s'il anticipait la crise - "je la connais par cœur" - comme s'il avait prévu qu'un cri, issu de là-haut, le plafond blanc, viendrait interrompre la tranquillité.  

 

A l'hôpital, on se pose de sérieuses questions : Simulacre ou Authentique. Peu importe, la jeune femme a besoin d'aide.  

« Elle crie tous les jours, à la même heure depuis une semaine - je n'ai jamais su comment qualifier ses crises, ni quelles en étaient les causes, mais je savais pertinemment qu'elles arriveraient. Et cela ne m'a jamais dérangé ; ses crises sont un bonheur que je ne peux pas vraiment expliquer. Elle m'avait parler de son rêve une fois...(il baille). Elle disait qu'elle me ferait part d'une nouvelle identité, repartir à zéro, et même le mot " repartir " lui paraissait pas vraiment exact dans sa tête. Elle me racontait son rêve ; qu'il était possible de voir la nouveauté et l'étonnement dans notre environnement si nous avions la volonté. Je lui disais, de mon esprit conforme (il baille en parlant) et économiquement viable, que tout ceci était irrationnel, inconcevable. Elle me dit que non... Je savais que je la perdrai, et de toutes manières, ce fut habituel entre elle et moi. Je n'ai jamais eu peur ; il aurait été pire de contrarier ses plans quels qu'ils soient, sincères ou non. Pas de propriété. Pas de label sur son sexe. Je n'avais pas peur, par amour, j'aurais été capable de ne pas l'aimer si seulement, elle me le demandait »  

 

"Si à un moment ou un autre, tu veux la mettre en observation, ou même la déposer ici, histoire que tu te reposes, hein, c'est bien ça non ?", propose une infirmière.  

 

C'était catégorique et absolument négatif pour lui. Or de question de la laisser, il est à deux doigts de la récupérer.  

 

Dans la salle de bain, sur un miroir, la jeune femme trace des mots, lettres par lettres, au rouge à lèvres.  

 

VIOLAINE  

 

La fureur se déclare à ciel couvert. La fille extirpe sa souffrance comme jamais elle ne l'a fait : « Anselme ! ». Elle est assise par terre, pas recroquevillée, elle se repose sans prendre attention à tout ce qui l'entoure. Elle est très tranquille. Une trace de rouge presque effacée sur une joue.  

 

Chacun a ses prénoms à présent. On se reconnaît, on peut se retrouver, on est quelqu'un.  

Anselme téléphone à une connaissance depuis une cabine.  

 

ANSELME : « Allô Diana... Oui... Oui, elle vient de se réveiller, enfin, entre guillemets. Ce matin. Elle... euh... (soupir) Ces journées de pleine autarcie m'ont complètement assommé...Qu'est-ce que tu disais ?, il y a pas mal de bruit ici...tu sais, à cause des mouettes ; elles viennent pendant l'hiver dans la banlieue nord et deviennent de plus en plus bruyantes (il n'y a en fait aucun bruit, seulement quelques voitures et autres passants)...Oui, en effet, elle a fait quelque chose de particulier, elle a écrit comme une sorte de poème sur le miroir de la salle de bain, elle l'a signé du nom de Violaine... Non... VIOLAINE... Dans un quart d'heure ? A tout de suite »  

 

Il raccroche le combiné, contrarié.  

 

Diana est arrivé à l'appartement.  

Violaine n'a pas bougé. Par contre, elle s'est éveillée et scrute les objets. Anselme et Diana ne se dévêtissent pas, ils entament une discussion tandis qu'elle entame un diagnostique. Violaine tente de ne pas se laisser faire ; elle est si épuisé, si bien que, sous un sursaut impulsif, elle adresse à Diana un poing, une gifle et tas de griffures, accompagnées de cris de bêtes féminines. Diana se défait sans qu'Anselme n'intervienne et revient face à lui.  

 

DIANA : « C'est la première fois qu'elle fait ça ?"  

ANSELME : "C'est-à-dire qu'elle ne m'a jamais touché. Elle ne réagit que depuis très peu de temps, et son évolution est très rapide... Je veux parler de son rêve…"  

 

Violaine s’est endormie. Ils parlent plus doucement.  

 

DIANA : "Regarde son état. Il faut l'emmener au CHS. On ne sait même pas si elle est consciente."  

ANSELME : "Au contraire, je crois qu'elle est consciente de tout. En tous cas, plus je la regarde, plus je pense la Nouveauté. Sa fatigue vient simplement du fait qu'elle regarde les choses, et essaie de saisir chaque couleur, chaque forme, chaque mouvement, chaque surface, lisse, accidentée, chaque élément perçu par son corps est conçu, comme si tout était radicalement nouveau. Tout est là, devant toi, ses ambitions sont mortes, le quotidien la pétrit de ses sales pattes, son déclic, le retour intérieur et l'emprise sur elle-même ! En ce moment, c'est délicat, elle commence à se déplacer seule, et d'ici quelque temps, vue l’évolution, elle marchera, et nous ne serons plus rien pour elle."  

 

Anselme essuie de son pouce, un peu de sang sur la lèvre inférieure de Diana et prépare un coton alcoolisé.  

 

DIANA : "C'est parfaitement... inhumain. C'est bien la première fois qu'elle fait ça hein ?"  

ANSELME : "Tu ne comprends pas : Tout est nouveau !"  

DIANA :"J'ai beau me mettre à votre place à tous les deux, je n'arrête pas de me dire que vous êtes déments"  

Il applique le coton sur la lèvre, qui est ensuite repris par Diana.  

 

ANSELME : "La première inhumanité de l'être n'est pas une comédie. Maintenant, il faut que tu rentres chez toi et que je pense à trouver de l'argent très rapidement. Je t'appellerais au moment de notre départ ».  

 

 

Troisième séquence : Son éveil  

 

Anselme et Violaine sont face à face. Il la coiffe, embrasse son index et le place sur ses lèvres, lesquelles esquissent un sourire enfantin. Violaine, ayant appris à marcher et à dire quelques mots, part en tâtant du pied le sol avec beaucoup de scepticisme, regarde autour d'elle sans trop s'émerveiller. Anselme la suit, inquiet.  

 

La valise bloque une porte automatique. A 11 h 59, précisément, sans risque, Violaine se positionne à l'entrée d'une porte de service. Anselme s'approche de la femme chargée de récupérer les résultats de caisse du supermarché. A 12 h 00, la femme avec ses enveloppes se dirige vers la porte de service. Anselme la suit, demande les enveloppes, très calmement. La femme se fige. Violaine donne plusieurs coups de couteau dans le dos.  

 

ANSELME : « Ecartez-vous de la porte automatique. Nous partons. Tous les clients raisonnables devraient se trouver de l'autre côté des caisses. Il vous est défendu de regarder ma partenaire dans les yeux."  

 

VIOLAINE : "Il faut mon argent »  

 

Violaine n'arrive pas à marcher rapidement. Elle doute du sol et de tout ce qui l'entoure. Elle tape du talon, marche, tâte de la pointe des pieds. Anselme revient en arrière, et la prend en jeune mariée. Au coin de la rue, il la dépose doucement contre un mur.  

 

ANSELME : « Attends, je vais attacher tes cheveux. Normalement, nous devrions tenir un mois, un mois et demi ».  

 

Les vestes sont à terre et sont instantanément brûlées dans une poubelle.  

 

Devant la gare, Diana et Anselme se dirige vers le coffre et sort une grosse valise sombre.  

 

ANSELME : « Je te remercie vraiment pour tout, Diana, enfin, pour Violaine. Nous lui avons donné ce qu’il lui faut ,et grâce à tes renseignements, elle va pouvoir partir décemment. Je te contacte !"  

 

Quatrième séquence : Son identité.  

 

Violaine croise un enfant. Elle s'accroupit et lui caresse visage et cheveux. Anselme arrive précipitamment, et fait un geste pour qu'ils se séparent. Il dit simplement qu'il faut qu'il retrouve sa maman ». Le gamin s'en va, apeuré.  

 

Dans les toilettes du train, Anselme et Violaine changent d'apparence. Il fait une nouvelle couleur à Violaine, tout en lisant la notice. Des cheveux s'écoulent et tombent jusqu'au fond de la cuvette. Le bruit de tondeuse pour cheveux précède le grand nettoyage. Chasse d'eau.  

 

9 mois... plus tard  

 

Violaine descend d'un train. Lunettes noires, elle est devenue une femme curieusement méconnaissable, cheveux de couleur très acide à la vue, pull très visible de loin. Elle a une large cicatrice à la joue. Elle s'offre le plaisir d'une cigarette. Elle se retourne vers la porte ouverte du train, et prend une petite fille tentant de descendre seul. Sans se tenir la main, ils commencent tous deux à marcher. Violaine passe devant ce qui semble être un habitué de la gare, assis sur un banc. Un type en costume. Aussitôt, la petite fille monte sur le banc où l’homme est assis ; elle dessine à la craie sur le mur.  

 

L’homme écoute la radio, laquelle émet deux voix d’hommes à la diction étrangère à soi : « Il est tant de passer la parole à notre confrère Jean-Louis Touvet pour l'actualité régionale et chrétienne."  

 

JEAN-LOUIS :"Une famille, un désarroi. Voilà le triste constat d’une famille qui pleure de son âme la disparition de Clélia, 7 ans, alors qu’elle profitait de ses vacances scolaires. Cette tragique nouvelle nous a été communiquée, il y a déjà une semaine, et aucune piste n’a toujours été trouvée à l’heure actuelle. Que Dieu accorde sa miséricorde envers ces gens méritant leur salut éternel. C’est maintenant l’heure la lecture biblique…"  

 

La radio grésille.  

L'homme tape sur le poste. Violaine prend la petite fille par la main, sans résistance. Sur le mur : "Clél…"  

 

A Cherbourg, la vie s'organise. La petite fille apprend beaucoup de choses à Violaine. Elle est pratiquement devenue une personne autonome et indépendante.  

 

Mais lors d'une balade au bord de mer, Violaine chute du poids de son corps sur les galets. Du sang au front. Une cigarette à la limite de sa main.  

 

Malade ou irresponsable ? Peu importe. Violaine repose sa conscience qui chaque fois qu'elle dort s'efface.

Scénario : (2 commentaires)
une série Z dramatique de Ron Vinding

Demetra Wryn
Sorti le 27 novembre 2010 (Semaine 308)
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