Au loin, la cloche de l’église sonne douze coups. Enfin, elle va pouvoir aller le rejoindre ! Elle n’en peut plus d’être obligée d’attendre dans cette pièce qui, au fil des heures, lui apparaît de plus en plus petite. Est-ce le fruit de son imagination ? Sûrement. Mais l’heure n’est plus à la psychologie ! Elle attrape sa cape et la passe sur ses épaules. Elle saisit la lampe qui éclaire la salle de sa lueur tremblotante, souffle sur la flamme et plonge ainsi la pièce dans une obscurité que même la lumière laiteuse de la lune ne vient troubler. Doucement, elle se dirige vers la porte et l’entrouvre de façon à ce que seul son corps mince puisse passer. Elle descend les quelques volées de marches et atteint la rue. Elle se faufile en direction du cimetière, rasant les murs et guettant les patrouilles. Son ouïe affinée par les régulières sorties nocturnes qu’elle effectue depuis maintenant près de deux mois n’en décèle aucune durant le trajet. Enfin, elle se trouve devant la porte de la maison abandonnée qui jouxte l’enclos sépulcral. Pourquoi lui donne-t-il rendez-vous dans un endroit aussi sombre et délabré ? Bah ! Il a toujours eu des goûts étranges. Mais son excentricité ne pourra jamais concurrencer son charme irrésistible. Une patrouille s’approche. Elle ouvre précipitamment la porte d’entrée et pénètre dans les ruines de l’ancienne demeure. Elle colle son oreille à la porte et attend en retenant son souffle. Le guet passe et s’en va. Elle expire. Elle se retourne et avance jusqu’au centre de la pièce. Il n’est pas encore là. De nouveau, il va lui falloir attendre sa venue. Elle aperçoit un fauteuil ; s’en approche, l’époussette en constatant l’épaisseur de la couche de poussière qui le recouvre et s’y assied.  

La pièce est plongée dans le noir. Une fois ses yeux habitués à cette obscurité, elle devine que la pièce est dans un grand désordre. Nombre d’objets sont entreposés ici. Elle essaie de ne pas s’interroger sur la fonction de certains d’entre eux … Boîte ouvragées, étranges outils de fer rouillés et livres poussiéreux s’y côtoient, voisins depuis un temps oublié de tous. Accroché au mur du fond, un grand miroir trône. Après ce bref constat des choses, elle se retourne et plonge dans ses pensées : jamais il ne lui avait demandé de venir le rejoindre dans un lieu aussi lugubre la nuit. Elle ne sait si elle doit prendre ce changement avec inquiétude et effroi ou plutôt avec excitation et plaisir pour cette marque d’intérêt nouveau. Un bruit sinistre la rappelle brusquement à la réalité, à mi-chemin entre le gargouillement et le grognement. Elle lève la tête et au centre de la pièce se tient l’homme qu’elle attendait. Comme de coutume, il s’est approché silencieusement et sans ce bruit maintenant loin de toutes interrogations, elle n’aurait jamais deviné son arrivée. Elle se lève et le rejoint. Il est très pâle. Inquiète, elle lui demande s’il va bien. Son visage est crispé et ses yeux sont clos. Il les ouvre brusquement pour découvrir deux iris rouge bordeaux. Elle crie en essayant de se rappeler la couleur initiale de son regard (bleu ou vert, elle ne parvient pas à s’en souvenir distinctement…). Il l’immobilise d’une main agile et ouvre sa bouche. Sa cavité buccale découvre des canines parfaites, bien qu’un tantinet surdimensionnées. Elle se débat de plus belle, terrorisée à leur vue. Ça l’amuse. Il sourit et plante violemment ses dents dans le cou dégagé de la jeune femme avec une rapidité inhumaine. Puis il aspire, aspire et aspire encore et au fur et à mesure, son ancienne maîtresse se vide de son chaud liquide vitale. Enfin, il se dégage. Dans cet endroit isolé, personne n’a pu l’entendre hurler, personne ne risque donc de les … de le déranger. Mais il n’a tout de même pas la moindre envie de s’attarder en ces lieux. Il s’essuie la bouche sur la robe de sa proie décédée et la pose sur le sol. Au moment de partir, il se retourne et dit au corps tiède et sans vie de son ancienne amante , un sourire aux lèvres...  

Il peut à présent repartir faire de nouvelles conquètes...