Dans les tréfonds multicolores d'une club de la périphérie, la jeune Léa s'amuse : cigarette, alcool, drogues...  

Elle est forte, de celles qui ne s'effondrent pas, ne vacillent pas, elle tiendra jusqu'au bout de la nuit. Pour sûr les démons nous dévorent sans cesse et nous poussent aux extrêmes intenses et délirants. Rien ne l'arrête, reine de la nuit, elle monte sur la table, entre en transe, possédée par la fièvre de l'ivresse. Le son fait vibrer les fenêtres du club, la nuit s'achève dans l'orgie totale.  

Le lendemain, elle marche dans les rues ensoleillées, elle rayonne, une paire de carreau noir sur le nez, elle me croise, je la bouscule : ce n'était que par inadvertance.  

Dégages de là !  

Je ne dis rien, qui suis-je face à elle ? Ce qu'il y a de plus de vulgaire, de plus commun, de plus insignifiant en ce monde. Si vous me croisez, vous ne me verrez pas, vous ne m'entendrez pas, vous ne m'envierez pas. Elle continue sa course folle à travers les rues. Elle rencontre une amie et ensemble elles parcourent les boutiques les plus prestigieuses de la grande Babylone. Je ne dis rien, je ne suis rien qu'une Ombre. Le soir elle se rend à une autre fête, une autre orgie nocturne, une occasion d'oublier l'absurdité du néant qui nous sert de vie. Cette condition de misère qui nous réduit à l'état de zombie névrosé. Ce soir encore, les traces se suivent, les rires éclatent et les têtes tournent, la jeunesse déchue se perd dans des songes de paradis perdu.  

Au matin, il fait grand jour, le soleil brille de plein feu, ses cheveux blonds scintillent, sa peau blanche reflète la lumière et contraste à merveille avec le rouge.  

Dégages de là !  

Je me délecte du spectacle de son corps gisant sur le sol, je suis un prédateur, un loup parmi les brebis. Tu ne me verras pas, tu ne m'entendras pas, tu ne me remarqueras pas. Mon royaume est entre mes mains, je bondirais sur la moindre proie se présentant à moi, je suis un roi, une Ombre parmi ces existences sordides vouées à l'absurde consommation frénétique. Au milieu du monde des artifices, je brille de mon authentique bestialité.