Ce soir, j'étrenne mon journal intime. J'ai envie de raconter ma vie, mes pensées les plus secrètes, mes idées de génie. Je veux que le monde puisse voir la vie comme moi.  

Je veux montrer à tous que je suis au-dessus de cette pathétique mêlée qu'ils forment. Je peux paraître ordinaire, mais je suis loin d'être un simple pantin sans cervelle.  

Loin des moutons, le loup. Je ne suis pas un prédateur, un fou, un détraqué, comme certains aiment à le clamer. Non non non. Ils ne comprennent pas ma pensée, mon oeuvre, la finalité de la vie.  

Je n'ai jamais tué d'humain. Non non non. Le concept même d'humain m'est étranger, tellement je réprouve ce terme. Je préfère parler d'âme. J'ai libéré des âmes.  

Des âmes prisonnières de corps d'enfants. Des âmes emprisonnés dans un corps petit, frêle, tellement faible et risible. Quel dieu peut imposer à ces âmes un tel sacrifice ?  

Mon oeuvre, celle pour laquelle je vis, celle pour laquelle je respire, je la servirais jusqu'à la mort. La mort n'est qu'un passage obligatoire de la libération de l'âme. Une transition entre la vie et l'immortalité.  

Entre la Terre symbole du pêché, et l'Eden parfait. Je ne suis pas un démon, je ne suis pas un malade. Non non non. Incultes que vous êtes, je ne suis que la main de l'Oeuvre.  

Je ne suis pas le pêché, je ne suis pas le Mal.  

J'ai libéré l'âme d'un artiste aujourd'hui. Elle tentait de s'exprimer vainement dans un endroit clos trop étroit pour un tel génie.  

Je l'ai envoyé rejoindre Van gogh, Mozart, Molière et Kurt Cobain. Quoique Kurt Cobain était un con fini. Mais son âme n'était pas si noire. Je n'ai pas pu le libérer, celui-là. Son corps idiot l'a conduit tout seul à l'Eden.  

Mon génie de ce matin était un descendant de Picasso. Il dessinait dans le sable des formes obtues et anguleuses, représentatives de la vie. Telle une habitation, lieu de résidence de toute âme. Une voiture, le symbole de la liberté de l'âme. C'est comem cela que je l'ai reconnu, dans le bac à sable.  

Quand j'offrais sont sang à la Terre, dans ce bac à sable, ses cris étouffés et son manque manifeste de volonté de vivre m'ont confirmé dans mon idée initiale : Cette âme voulait partir là-haut.  

Je l'y ai guidé, montré le chemin. Et elle m'en sera éternellement reconnaissante.  

Il faut que je nettoie mon Epée des Ames, tant que j'y pense !  

Les traces laissées par ces corps impurs sont tenaces. Il faut que mon Sceptre, l'Outil de l'Oeuvre, soit immaculé pour fonctionner. Pour pousser les âmes vers une voie meilleure.  

Je ne suis pas un fou, je sais ce que vous pensez. Je n'ai aucun problème. Non non non. Je suis simplement un être divin, condamné à vivre sur Terre pour permettre aux âmes de trouver le vrai chemin.  

Celui de la libération.  

Il est temps de prendre un peu de repos. Demain, je retournerai arpenter les rues, à la recherche d'autres âmes emprisonnées.  

Je n'oublie pas la petite croix sur mon tableau blanc. Je recompte. 147. Plus d'une centaine d'âme libérées depuis septembre.  

Il me reste encore du chemin à faire, ça c'est sûr...