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Huxley Production présente
Loup y es-tu

 

Il vient de rentrer dans le champ bordant la maison, les épis de maïs pas encore coupés le dépassent. La nuit est déjà bien entamée et la dame blanche le regarde d'en haut, éclairant de sa lumière blafarde son chemin. Ses petits pieds se frottent contre les pierres, il n'a pas eu le temps de prendre ses chaussures, il a détalé le plus vite possible, la peur l'agrippant et le soulevant loin, le plus loin possible...  

 

Il court de toutes ses forces, il sue, il est déjà essoufflé... mais derrière lui, il sent les jurons, il sent son odeur le rattraper. Elle se glisse dans ses narines, elle lui donne la nausée. Vite ! Courir ! Loin, s'enfuir...  

 

La chaleur l'accable, sa vue se trouble, son air s'épuise, son petit pied tape contre un maudit caillou, il étouffe son cri, mais l'infernal écho se répercute déjà dans la moiteur de cette nuit d'été... au loin il l'entend... le cliquetis de la ceinture reprend, il se rapproche..  

 

L'enfant frotte son pied sanguinolent, la douleur le lance, mais l'odeur d'alcool portée par la brise nocturne revient lui hérisser les poils, lui couper le souffle, il faut se relever... Titubant et serrant les dents, il repart, le pyjama taché par la boue du champ.  

 

Il se mord la lèvre, il peut sentir le goût du sang dans sa bouche. Il n'est plus très loin, sa voix ricoche dans sa tête, cette voix maudite... il pleure, inconsciemment les larmes ont coulé, s'échouant sur ses joues empourprées par la course. Il arrive à la lisière du champ, découvrant la grange du vieux Jim. Au moment de traverser, le petit corps hésite, frémit... quelques mètres à découvert, quelques mètres désolés qui le séparent de cette grange, mais quelques mètres insurmontables...  

 

Il lui court après, depuis bien dix minutes, ce morveux inutile... il s'arrête un instant pour évacuer l'alcool lui comprimant l'estomac. D'un geste vif il se frotte le nez, laissant dégouliner un filet de morve sur son avant bras... il est frustré, il lui a échappé avant de pouvoir le cogner, ses pensées s'accumulent et l'oppressent.  

 

Un cri!! il vient de retrouver sa trace, un sourire se dessine sur son visage, éclairant ses yeux hagards... enfin il va pouvoir donner libre cours à sa haine et son fils, l'objet de sa démence, va passer un sale quart d'heure, ça il se le jure. Il racle sa gorge et tel un sanglier chargeant, obnubilé, enragé, fracassant avec ses bottes les plantations, il se rapproche, il se glisse comme un serpent, lâche et sournois...  

 

Le fracas dans son dos le pousse à se lancer vers la grange, elle lui faisait peur avant mais, ce soir il revoit ses priorités... caché dans le noir il s'accroupit et plie ses jambes sur son ventre, en boule, il prie, oui il prie de tout son coeur, la dame blanche, dieu ou n'importe qui... ne le laissez pas me trouver dit-il, ravalant sa salive gorgée de sang et de terre... par pitié, pas cette fois-ci, pas encore... la tête vers le ciel, il quémande un sursis pour sa vie.  

 

Mais le mal est là, dans l'encablure de la porte, son ombre se dessine, époumoné, hirsute, bavant comme un animal... si familier et pourtant si terrifiant. Il crie son nom... L'insulte et avance dans l'obscurité latente. Cette odeur le reprend, l'agresse, s'insinue dans ses sens olfactifs les saturant, pourquoi se dit-il...  

 

Il s'apprête à prendre sa correction c'est son destin, il n'y a ni dame blanche, ni dieu il n'y a personnes. Demain s'il y a un demain, il boitera et puis il oubliera... résigné, les sanglots lui montent à la gorge...  

 

 

Oui il l'a entendu, là, derrière la caisse, un pleur, ses yeux perfides s'illuminent dans la nuit, sa satisfaction s'exprime dans un râle, rauque et puant...  

 

Sa petite main touche un bout de bois... Un manche, il regarde furtivement le manche, l'agrippe à pleine main, sent l'haleine et la voix nasillarde sur son cou, le brûlant, commençant son travail de souillure...  

 

Coucou... dis bonjour à papa...  

 

Il hurle et frappe de toutes ses forces, lançant le manche dans un mouvement de bascule. Le craquement sourd se faisant entendre le surprend, il ouvre les yeux perdus, encore enveloppés dans leurs larmes... il voit son père, s'écrouler devant lui la tête fendue par la hache du vieux Jim... il reste là assis baignant dans le sang, le pyjama déchiré et noirci, estropié, perdu... bercé par la lumière de la dame blanche qui rentre par la porte... il regarde son paternel, il observe son bourreau, il ne se sent pas soulagé, il est parti lui enlevant son enfance, ses rêves, ses espoirs, à jamais il ne sera plus que l'ombre de lui-même, errant sans âme, cherchant un sens à une vie qu'il n'a jamais eu...  

 

Scénario : (2 commentaires)
une série B dramatique de Daniel Whittall

Barclay Martinez

Cecilia Troughton

Chris Pavel

Melanie Weiz
Sorti le 19 juin 2010 (Semaine 285)
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