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H2 Pictures présente
Bering Trail

Saila Bay, Alaska.  

 

Caché sous l’horizon, le soleil projetait sa lumière dans l’atmosphère, qui la filtrait, la reflétait et la réfractait. Ce jeu de miroir en plein ciel offrait le crépuscule polaire. Il était midi et la nuit tombait.  

 

Précédée par deux longs halos, Geela roulait sur la piste recouverte de neige qui longeait la mer de Béring. C’était le seul accès praticable vers Saila Bay, un minuscule village boréal. Population, 237. Le double en été, pendant la saison de la pêche. Isolé, loin de la civilisation. Cent kilomètres au nord du cercle arctique, un millier au nord d’Anchorage, cent cinquante sur le Béring Trail, la route de terre, pour trouver une ville. Avec la première ville, le premier centre de soins, les premiers services de secours, le premier poste de police.  

 

Dans le vieux pick-up de sa grand-mère, Geela avait entassé trois cannes à pêche, cinquante mètres de ligne, vers, hameçons, Aima et Kalluk. Ses deux seules amies. Mais ce qui importait, c’était ce qu’il n’y avait pas.  

 

Il n’y avait pas de poisson. Pas parce que les trois filles étaient sur le chemin aller - plutôt le contraire. Pas non plus parce qu’elles revenaient bredouilles.  

 

Parce que Geela ne tuait pas.  

 

Pas même un poisson.  

 

Dans une zone aussi reculée que Saila Bay - une zone de survie, plus que de vie - c’était un engagement irréaliste. Trop risqué, trop utopique. Un engagement impossible. Dans la toundra ne poussaient que des mauvaises herbes - quand elles poussaient. Rien de consommable. Tout devait s’acheter. Au nord de l’Alaska, c’était plus facile à dire qu’à faire. L’argent était rare, les revenus faméliques. En hiver, la pêche était un moyen de subsistance. En été, avec la haute saison, elle était un peu plus. Tout juste assez pour survivre jusqu’à l’été suivant sans avoir à manger du hareng matin, midi et soir. Rentrer de la pêche sans poisson était de l’inconscience. Ou un luxe réservé aux quelques natifs qui avaient fait leur chemin dans l’industrie. Chemin qui s’arrêtait en bas de l’échelle. Le père de Geela travaillait sur une plate-forme offshore. Il y faisait le ménage.  

 

L’Alaska était une mine d’or noir, gorgée de pétrole. Mais elle ne profitait qu’aux compagnies et leurs ouvriers détachés sur des missions de plusieurs mois. Les villageois, eux, n’avaient que rarement cette opportunité. Et quand elle apparaissait, elle se gagnait âprement et se transmettait de génération en génération. Un jour, Jayko partirait prendre la relève de son père. C’était un monde d’hommes, mais Geela en profitait. Que ce soit elle, son frère ou son père sur la plate-forme, elle s’en fichait.  

 

Pour Aima et Kalluk, la pêche avec Geela était une activité entre amies comme une autre. Elles vivaient avec sa particularité. Seules, elles ramenaient du poisson; avec Geela, des souvenirs immortels.  

 

Deux petits cercles jaunes apparurent dans les rétroviseurs. En quelques secondes, ils grandirent jusqu’à éblouir les trois filles. Kalluk se retourna.  

 

— Il se croit où, celui-là ?  

 

À travers la lunette arrière, entre les flashs lumineux, elle aperçut le visage de mal. Geela jura, puis leva le pied de l’accélérateur.Elle roulait en aveugle, les mains agrippées au volant pour maintenir la voiture aussi droite que possible. La lumière se déporta sur la gauche, offrant une fenêtre de visibilité.  

 

— Attention !  

 

Kalluk cria. Une seconde trop tard. Geela vit son capot pointer vers la barrière de neige qui fixait les limites de la route. Elle donna un coup de volant pour éviter le contact. Les roues patinèrent et le vieux pick-up glissa sur le côté. Deux faisceaux lui passèrent devant, suivis par la masse sombre et imposante de leur générateur. Un van noir qui fonçait à toute allure. Son passage projeta une vague de neige dont une partie s’abattit le pick-up, qui termina son embardée et s'immobilisa en travers de la route, à contre-sens.  

 

Geela avait la voix qui tremblait. Elle voulait hurler, rugir de colère, mais pouvait à peine articuler trois mots.  

 

Aima abaissa sa vitre. La voiture était déjà au bout de la piste, à peine visible. Geela reprenait ses esprits. Elle secouait la tête, clignait des yeux, essayant de recouvrer la vue. Ses yeux étaient encore aveuglés. Une tâche blanche qui lui barrait le regard.  

 

Tout s’était passé si vite. Il ne restait déjà plus que quelques bribes, des instantanés confus et illisibles. Le calme, la neige, le halo, la tâche blanche, le mur, la masse sombre, et encore le calme. Si tout c'était passé moins vite ou avait été moins chaotique, elles n'auraient vu qu'un véhicule noir aux vitres teintées. À l'intérieur, deux silhouettes en survêtements, capuches relevées, visages dissimulés.  

 

Kalluk resta muette. Elle avait tout vu, même si ça n'avait duré qu'une fraction de seconde. Elle avait percé leur regard. Elle savait qui était derrière le volant. La danger au détour de chaque virage. L'ombre planant au-dessus d'elles. Le mal.  

 

Le choc passé, Geela engagea la première vitesse et remit la voiture sur le côté droit du Béring Trail. Comme si rien ne s’était passé.  

 

Elles étaient seules, à nouveau.  

 

Pour très peu de temps.  

Scénario : (5 commentaires)
une série Z thriller de Liz Fitzwilliam

Denny Rye

Alisa Hedges
Revue de presse : 1 article
Sorti le 11 décembre 2066 (Semaine 3232)
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